La bataille de Valmy nous est présentée comme un épisode fondateur de la République française. Cette première victoire inespérée face aux Prussiens fut en effet suivie dès le lendemain par la proclamation de l'abolition de la royauté. Mais cette « canonnade » a soulevé bien des interrogations.Rappelons les événements : le 3 août 1792, le Manifeste du duc de Brunswick est publié au Journal officiel. Ce document menace les révolutionnaires de livrer Paris à une exécution militaire si ceux-ci s'en prennent à la Famille royale. La nouvelle soulève l'indignation. Une semaine après, la foule envahit les Tuileries, la monarchie est renversée, les souverains enfermés dans la prison du Temple.
Pendant ce temps, l'invasion des armées étrangères progresse sur les frontières. Mais qu'on ne s'y trompe pas (les manuels scolaires ne s'en sont jamais privé), c'est bien la France qui a déclaré la guerre aux puissances européennes, à commencer par l'Autriche (qui règne alors sur l'actuelle Belgique) le 20 avril 1792. Décapitée par un état-major noble qui a massivement émigré, l'armée française a du mal à faire face. Les places fortes de l'Est tombent une à une, Verdun capitule le 2 septembre. Ces défaites déclenchent une véritable hystérie dans la capitale. Des bandes armées envahissent les prisons pour y massacrer tous ceux qu'elles y trouvent. La Révolution semble sur le point de s'effondrer.Le 14 septembre, l'armée prussienne franchit l'Argonne et s'apprête à combattre les troupes françaises commandées par Kellermann et Dumouriez. La rencontre a lieu le 20, au lever du jour, à Valmy. Le duc de Brunswick a indéniablement l'avantage, malgré les efforts de Kellermann pour galvaniser ses hommes. La matinée se passe en un duel d'artillerie qui inflige plus de perte côté français (300 morts) que prussien (184). Rien ne semble décider du sort de la bataille, quand soudain, vers seize heures, le duc de Brunswick ordonne la retraite. Les Français, qui s'imaginent avoir impressionné l'ennemi, crient à la victoire, une victoire qui galvanisera les révolutionnaires.
Mais la retraite des Prussiens a surpris bien des contemporains et des historiens. Plusieurs raisons ont été avancées. Les premières sont politiques plus que militaires. La Prusse était plus préoccupée par le partage de la Pologne qu'elle venait de conclure avec la Russie, et qui mobilisait ses forces sur son flanc oriental, que par l'assistance à Louis XVI. On a également prétendu que les soldats du duc de Brunswick avaient abusé des raisins verts du pays et que la dysenterie qu'ils auraient contractée auraient sérieusement nui à leur combattivité. Une autre hypothèse repose sur la corruption dudit duc. Quatre jours avant Valmy, dans la nuit du 16 au 17 septembre 1792, le garde-meuble de la Couronne* fut victime d'un vol retentissant. Un grand nombre de bijoux, dont le célèbre diamant le Régent, y furent subtilisés par une bande bien organisée. Le nom de Danton a souvent été avancé parmi les responsables présumés de ce forfait. Les preuves manquent cependant, si ce n'est qu'on découvrit certaines pièces de ce trésor dans l'héritage du duc de Brunswick en 1806. De là à parler de corruption pour expliquer la victoire de Valmy, on pourrait y trouver une explication révolutionnairement crédible.
* Le garde-meuble fut occupé après la Révolution par le Ministère de la Marine (ci-dessus). L'Etat veut aujourd'hui s'en débarrasser pour faire des économies. La République y aura décidément tout dilapidé…
Les légendes révolutionnaires, épisode 1 : la Prise de la Bastille
Les légendes révolutionnaires, épisode 2 : La Roche de Mûrs
Étant l'éditeur de ce livre, je ne viens pas ici dire tout le bien que j'en pense... même si je vous remercie de vous en faire l'écho.
En fait, ayant lu vos deux articles sur Valmy et la Bastille, je tiens à dire que Gaston de Lévis, l'auteur de cette correspondance, confirme en tous points ce que vous avancez. En ce qui concerne la prise de la Bastille, c'est par son silence : il est à Versailles le 14 juillet 1789 et, écrivant à son épouse, il ne soufflera mot de cet "événement", ni le 15, ni les jours suivants, ce qui serait pour le moins étonnant si l'affaire avait eue l'ampleur que l'on dit. En ce qui concerne Valmy, c'est encore plus clair : alors officier dans l'armée prussienne, il écrit "du haut d'un moulin à vent", le 23 septembre et, s'il évoque en effet une "canonnade", il semble bien ne pas s'être rendu compte d'avoir assisté à une "grande" bataille, pas plus du reste que de l'avoir perdue !
C'est aussi en ce sens que ces lettres sont un témoignage précieux.
Bien cordialement,
La Louve éditions