La guerre a brisé bien des familles, emportant les hommes et les femmes, les premiers dans les combats, les secondes par la terreur semée par les Bleus. Comment savoir alors si un proche disparu dans la tourmente révolutionnaire avait survécu ? On trouve un exemple de cette épreuve douloureuse chez un couple de Saint-Pierre-Montlimart (49).
Pierre Emeriau, closier aux Boulaies (au nord du bourg de Saint-Pierre), avait épousé Jeanne Leguay (1) au Fief-Sauvin, près de Beaupréau, le 23 janvier 1756. Ils avaient eu neuf enfants, nés entre 1757 et 1775, dont plusieurs étaient morts en bas âge.
La Virée de Galerne emporte Jeanne et ses enfants
La guerre les sépara en octobre 1793, au moment où la Vendée s’effondrait sur le champ de bataille de Cholet. Jeanne suivit la Grande Armée en déroute au-delà de la Loire, sans que Pierre sache ce qu’il advint d’elle. Lorsque des rescapés de la Virée de Galerne rentrèrent au pays, celui-ci s’informa auprès d’eux sur le sort de son épouse. On lui apprit qu’elle était morte près de Fougères.
Lorsque la paix revint au début de l’année 1795, Pierre songea à se remarier pour trouver une compagnie à ses vieux jours. Il lui fallait toutefois attendre plusieurs années d’absence de sa femme disparue pour pouvoir convoler à nouveau, mais les témoignages qu’il avait rassemblés plaidaient en sa faveur. Il demanda par conséquent à l’abbé Bernier, qui faisait autorité dans les Mauges, d’intercéder pour lui. Les témoins furent appelés pour déposer devant M. Lheureux, curé de Chaudron-en-Mauges, le 3 juin 1795.L’un d’eux déclara : « A Pontorson, la charrette dans laquelle était Jeanne Guay et plusieurs autres blessés avait été prise par les Bleus, et plusieurs avaient été tués. » Louis Emeriau, l’un des fils de Pierre et de Jeanne, qui escortait la charrette, confirma l’événement. Personne n’avait revu les malheureux tombés aux mains des Bleus.
Sur la foi de ces déclarations, l’abbé Bernier trancha le 11 juin suivant. Pierre Emeriau était autorisé à se remarier, ce qu’il fit sans attendre, le 6 messidor an III (24 juin 1795) à Chaudron-en-Mauges, avec Catherine Boré, une femme de 40 ans, originaire de Botz. Il n’eut pas d’enfant avec elle ; pas plus qu’avec sa 3e épouse, François Sourice (il est vrai qu’elle avait 66 ans), avec laquelle il se remaria le 26 prairial an X (15 juin 1802). Pierre Emeriau s’éteignit à Saint-Pierre-Montlimart le 9 septembre 1816.
Louis Emeriau, un des Braves de Cathelineau
Louis Emeriau, qui déposa devant le curé de Chaudron, compte parmi les combattants vendéens de Saint-Pierre-Montlimart, et même parmi les « Braves » puisqu’on trouvait son nom sur l’une des 32 colonnes du monument de Jacques Cathelineau, au Pin-en-Mauges ; une colonne pour chaque paroisse qui marcha sous les ordres du Saint de l’Anjou (2).
Louis est né à Saint-Pierre-Montlimart le 27 août 1767. Il prit les armes dès mars 1793 comme simple soldat dans la compagnie de sa paroisse. Il fit la Virée de Galerne et parvint à revenir en Vendée. Il continua à combattre les Bleus en 1794 et 1795. On le rencontre jusqu’à l’affaire de Rocheservière en 1815. Un de ses frères fut tué pendant la guerre. Ses faits d’armes furent reconnus par un certificat délivré sous la Restauration, le 25 mai 1825.
Louis Emeriau épousa le 6 pluviôse an III (3) à Saint-Pierre-Montlimart, Renée Perrine Pillet, qui lui donna deux enfants, Louis et Mathurine. Il mourut le 24 avril 1838 à l’âge de 70 ans.
Illustrations : La déroute de Cholet, par Jules Girardet (1883) ; lithographie Le passage de la Loire (18 octobre 1793) ; l'ancienne statue du monument de Jacques Cathelineau au Pin-en-Mauges.
Source : Alfred Maugeais, La paroisse de Chaudron-en-Mauges à travers les âges, 1981, pp. 124-126.
(1) On trouve ce nom orthographié Guay, Leguay, Leguais ou Guiet.
(2) Le monument inauguré le 9 août 1827 fut détruit par les soldats de Louis-Philippe en juin 1832.
(3) Théoriquement le 25 janvier 1795, mais l’acte est aussi daté du 27 janvier 1795.