Une cinquantaine* de personnes ont assisté hier à la journée de commémoration des Noyades de Nantes, organisée par le Souvenir Chouan de Bretagne, dont le président, Noël Stassinet, a animé avec sagacité la visite de plusieurs lieux de mémoire, de l'Entrepôt des Cafés à la place du Bouffay.

Nantes plaque Entrepot des Cafes

C'est sous un beau soleil d'automne que cette promenade commémorative nous a amenés de Notre-Dame de Bon-Port, dont la nef était comble pour la messe dominicale, jusqu'à l'ancien Entrepôt des Cafés, au n°2 de la rue Lamoricière. Ce lieu de détention où s'entassèrent par milliers les victimes des révolutionnaires nantais, dans des conditions au-delà de l'inhumanité, fut le précurseur des camp des concentration. Il en reste peu de traces aujourd'hui, si ce n'est l'entrée signalée par une plaque. Noël Stassinet a toutefois su restituer l'endroit et sa triste histoire. 

Notre cortège s'est ensuite dirigé vers le quai de la Loire, en contrebas, afin de rendre hommage aux victimes de la Révolution, noyées dans le fleuve. Une plaque rappelle désormais – pour combien de temps ? – ce mode d'exécution de masse initié par souci d'économie et de rationalité. Pour ne pas l'oublier, en voici le texte :

Hic ceciderunt**. De cet endroit, durant l'hiver 1793-1794, furent entassés dans des embarcations des milliers de personnes de toutes origines, prêtres, religieux, religieuses, agriculteurs, artisans, commerçants, plus de 300 enfants, des femmes, des vieillards, afin d'être noyés dans ce fleuve baptisé « torrent révolutionnaire » ou « baignoire nationale ». Cette décision fut prise et appliquée à partir du 16 novembre 1793 par Jean-Baptiste Carrier, pro-consul de la République, représentant en mission de la Convention. Il s'agissait de désengorger les diverses prisons de Nantes, rapidement et à faible coût. Sur les 7 à 8 mille personnes, seul 1 prêtre survécut. La Terreur fit à Nantes plus de vingt mille morts.

Nantes eglise Sainte CroixEn leur mémoire, une gerbe a été jetée dans la Loire, depuis le pont Anne de Bretagne qui enjambe le fleuve à cet endroit. Notre groupe s'est ensuite dirigé vers le quartier du Bouffay. Des difficultés de circulation et de stationnement dans cette partie du vieux centre historique de Nantes ont quelque peu retardé le déroulement du programme. La visite s'est poursuivie par l'église Sainte-Croix, où Carrier se félicita, du haut de la chaire, de la première noyade en Loire du 16 novembre 1793.

Le programme de l'après-midi, écorné par le déjeuner qui s'est prolongé plus que de raison, a toutefois permis de visiter d'anciennes caves dans le quartier du Bouffay. C'est sur la place centrale, actuellement en travaux, que se dressait la guillotine sous la Terreur. On n'y trouve pas de trace de cette histoire, si ce n'est la cloche du beffroi, une des rares qui ne furent pas fondues sous la Révolution, dont le tintement a pu être perçu par les détenus de la prison du Bouffay et par les condamnés qui marchèrent à l'échafaud sur cette place.

Illustrations : sur les quais de la Loire avant le jeté de gerbe ; la plaque commémorative de l'ancien Entrepôt des Cafés, la plus terrible prison de Nantes ; l'église Saint-Croix dans le quartier du Bouffay.
   
* J'avais estimé le nombre de participants à une trentaine. Des personnes plus affûtées que moi en arithmétique m'ont fait part de leur décompte, soit une cinquantaine. Mea culpa ! Fort heureusement, le nombre ne fait pas la qualité (souvenons-nous de la bataille des Thermopyles), en témoigne la prochaine inauguration du mémorial de l'esclavage non loin de là…
** Ici ils tombèrent.