Les interventions de Bruno Retailleau lors de la discussion, mercredi dernier, d’un projet de loi sur l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et sur la modification du calendrier électoral, ont réveillé dans les rangs des élus de gauche un vieux ressentiment nauséabond à l’encontre des Vendéens.

Bruno RetailleauLes attaques lancées par Jean-Pierre Michel, sénateur socialiste de la Haute-Saône, ont été consignées dans le compte rendu de la séance. En voici l'extrait :

J.-P. Michel : Vous vous êtes livré, M. Retailleau, à des considérations totalement politiciennes, il faut le dire, vous, d’ailleurs, dont le département a pour logo l’emblème des Vendéens qui ont combattu la République. Bel exemple, bel exemple…

Face aux protestations des élus de l’UMP, le sénateur socialiste rétropédale (désolé pour le jeu de mots un peu facile).

J.-P. Michel : Oui, il s’agissait de propos purement politiciens ! Mais si M. Retailleau veut m’interrompre, je le lui permets.

Le président l’interrompt : « C’est à moi d’en décider, M. Michel ! » avant de donner la parole à Bruno Retailleau.

B. Retailleau : M. Michel, je ne vous laisserai pas dire que les Vendéens étaient contre la République… Vous avez commis une erreur historique ! Les Vendéens se sont soulevés contre une république terroriste. Lisez leurs cahiers de doléances ! Tous les documents en témoignent : les Vendéens ont soutenu les idéaux de 1789. J’ai cité François Furet, mais j’aurais pu évoquer de nombreux autres historiens. Cette dérive de la Terreur a tué des dizaines de milliers de personnes dans des conditions affreuses.

Une élue communiste l’apostrophe sottement : « Et les rois ? Combien de personnes ont-ils tuées ? » Sa sortie tombe à plat.

B. Retailleau : Ce n’était donc pas une lutte contre la République. Je m’honore d’être l’élu de l’un des départements qui, lors de la guerre de 1914-1918, a donné le plus de son sang pour la République… Je peux vous assurer que nous sommes fiers d’être Vendéens mais, surtout, d’être Français, d’être républicains et d’avoir pour emblème le drapeau bleu, blanc et rouge qui est la synthèse de toute notre histoire. C’est mon patrimoine, c’est notre patrimoine. Ne le piétinez pas au cours d’une discussion qui mérite autre chose que ce type d’invective…

Logo de la VendeeJ.-P. Michel : M. Retailleau, en traversant la Vendée plusieurs fois, j’ai été choqué par ce logo qui est l’emblème des Vendéens (illustration ci-contre, ndlr). Sur la Révolution et sur la République, je partage non votre conception mais celle de Clemenceau, cher à notre ministre de l’Intérieur. La Révolution ne se découpe pas en tranches de saucisson, on la prend en bloc !… Il n’y a pas de république terroriste. Il y a la République, point final ! Et il y a ceux qui l’ont combattue et qui étaient les Vendéens !

M. Bruno Retailleau et de nombreux sénateurs du groupe UMP finissent par quitter l’hémicycle. La séance, suspendue à 23h50, est reprise à minuit. Le sénateur vendéen intervient à nouveau, et brillamment :

B. Retailleau : Il n’est que temps de mettre fin à cet incident regrettable. Je ne suis pas membre de la commission des lois, mais je suis sénateur. Or, en tant que parlementaires, mes chers collègues, nous devons maîtriser tous les textes que nous examinons. Le poids de notre voix n’est pas pondéré par notre appartenance à telle ou telle commission. En outre, lorsqu’un groupe désigne l’un de ses membres pour intervenir à la tribune, un autre groupe ne saurait lui contester cette légitimité. Est-ce clair ?
Cela étant, dans le logo de la Vendée figure effectivement une croix stylisée. Faut-il abattre la croix de Lorraine à Colombey-les-Deux-Églises, débaptiser l’Hôtel-Dieu ?
Je suis fier, M. Michel, que l’emblème de la Vendée flotte aujourd’hui sur toutes les mers du monde et fasse vibrer le cœur de nombreux passionnés, quelles que soient leur origine, leur couleur de peau et leur religion.
La Vendée, c’est un territoire ouvert sur les mers du monde, un territoire qui aime aller de l’avant. Tous nos succès ont été acquis, non parce que nous sommes nés avec une cuillère en argent dans la bouche, mais par nos conquêtes, notre travail. Voilà la Vendée que nous aimons !
La Vendée est le reflet de cette double tradition qui tisse la trame française.
La Vendée, c’est aussi Clemenceau, qui disait : « C’est au caractère vendéen que je dois le meilleur de mes qualités. » Il a d’ailleurs rendu un hommage vibrant aux Vendéens de 1793. Je vous invite à la très belle exposition organisée par le conseil général de la Vendée sur Clemenceau et les impressionnistes – il était ami avec Claude Monet – où vous y verrez Les Nymphéas, des œuvres de Rodin et de Manet.
La Vendée, c’est le Clemenceau de l’Union sacrée de 14-18, le « Père la Victoire » ; c’est aussi Jean de Lattre de Tassigny, fruit d’un autre héritage, la tradition blanche, qui a signé à Berlin l’acte de capitulation face au maréchal Keitel. Deux enfants de Vendée, deux enfants de France, nés dans le même village, Mouilleron-en-Pareds. Je suis fier de ce qu’ont fait mes aïeux, et jamais je ne rabaisserai cet étendard.
L’histoire de France, nous en sommes les héritiers, et j’entends que, ici comme ailleurs, mais surtout au sein de la Haute Assemblée, nous puissions en être fiers.
Chose curieuse, avant Noël, j’ai adressé une demande à M. Jean-Pierre Bel pour organiser la projection au Sénat d’un très beau film que nous avons coproduit avec France Télévisions sur Georges Clemenceau. J’espère vous y voir pour que vous puissiez admirer ce tempérament forgé en Vendée.

M. Didier Guillaume, sénateur socialiste de la Drôme, tente alors de tempérer les ardeurs anti-vendéennes de son collègue : « Lorsque Jean-Pierre Michel a fait un aparté sur la Vendée, il n’a voulu ni choquer ni agresser. Peut-être ses propos étaient-ils maladroits. En tout état de cause, nous avons besoin de sérénité. M. Retailleau vient de nous donner une belle leçon d’histoire en parlant de la Vendée, de la République, de Clemenceau. Je pense désormais que l’incident est clos. M. Jean-Pierre Michel retire ce qu’il a dit. »

Mais ce qu’il a dit figure toujours au compte rendu des débats, et doit nous mettre en garde contre la propension de certains élus de gauche à ranimer à la moindre occasion l’ostracisme contre les Vendéens.