Voici la suite du périple sur les traces de la bataille de Savenay… « Quittant le Bois de Sem pour revenir vers Prinquiau, nous empruntons aussitôt la route de Besné. Quelques centaines de mètres plus loin, sur la gauche, nous marquons un nouvel arrêt au Bois-Divais (ou Divet) devant la maison du brave et fidèle Cyprien Lesage. »
Aujourd’hui parfaitement restaurée, la maison porte une plaque commémorative posée en 2009 : « Dans cette maison, en avril 1794, Cyprien Lesage donna asile à la veuve du général de Lescure et à la marquise de Donnissan. » La première, Victoire de Donnissan, épouse en premières noces de Louis Marie de Lescure, nous a laissé de précieux mémoires sur les Guerres de Vendée (connus sous le nom de son second mari, Louis de La Rochejaquelein) ; la seconde, sa mère, Marie Françoise de Durfort de Civrac, était la veuve de Guy Joseph de Donnissan, récemment fusillé à Angers le 8 janvier 1794.
Charron de son métier, Cyprien Lesage était né à Besné le 16 août 1765. Son nom – ou plutôt son prénom seul – apparaît dans les mémoires de Madame de La Rochejaquelein* lorsqu’elle évoquait ses péripéties d’un refuge à l’autre à la fin de l’année 1793, dès la bataille de Savenay, jusqu’au début de 1794.
« Vers le 10 avril (1794), écrit-elle, nous eûmes de nouvelles inquiétudes, on fut même jusqu’à dire que nous étions dénoncées pour être ensemble ; on força maman et moi à nous séparer momentanément… on me conduisit chez un nommé Cyprien, dans la paroisse de Besné, au village du Bois-Divet ; maman vint m’y rejoindre au bout de trois jours. Dans cet intervalle il m’arriva une aventure pénible ; j’étais sur un lit, Cyprien, charron, faisait une roue dans sa chambre dont il avait fermé les portes. Il s’entendit appeler par un fameux patriote de Donges, pour qui il travaillait ; il me dit de me cacher et pensa que je sortais par l’autre porte ; au lieu de cela, je m’étais tapie sur mes talons au coin du lit, dont les rideaux n’étaient fermés qu’à moitié. Ce patriote resta une bonne heure ; Cyprien me croyait partie, et comme l’autre témoignait son étonnement de l’avoir trouvé enfermé, il causa très longtemps avec lui pour lui ôter tout soupçon ; je n’osais remuer, je souffrais si péniblement dans la position où je fus forcée de rester, que la sueur m’inondait ; je n’ai jamais de ma vie ressenti une gêne si cruelle. »
La jeune femme – elle a alors 21 ans – continue son récit : « Le 19 avril on vint nous avertir qu’on allait faire la fouille au Bois-Divet ; Cyprien nous mena à un village de Prinquiau, où nous n’avions jamais été, nommé la Bonnelière, chez son beau-père. » Ces neuf jours ont suffi à faire de cette humble demeure un haut lieu de la fidélité.
Pour preuve, lorsqu’un incendie ravagea la maison de Cyprien Lesage, dans la nuit du 21 au 22 septembre 1822, une souscription fut lancée pour venir en aide à celui qui avait donné asile à Madame de La Rochejaquelein et à sa mère. Parmi les nombreux donateurs qui répondirent à l’appel figurent plusieurs noms de la famille royale, à commencer par Louis XVIII.
Cyprien Lesage rendit son âme à Dieu, le 23 novembre 1847, dans cette modeste maison devenue un lieu de mémoire à découvrir.
* Mémoires de Madame la marquise de La Rochejaquelein, Paris, éditions Bourloton, 1889, p. 385
Quel courage ! quelle leçon !