La chronologie des premiers jours de 1794 à Noirmoutier a fait l’objet de débats entre historiens, principalement autour de l’exécution de d’Elbée. On peut s’étonner qu’un événement aussi important, à la fois pour les Blancs et les Bleus, ait suscité une telle controverse. Et pourtant, du 6 au 9 janvier, toutes les dates ont été avancées…

Execution de d'Elbee
(belle erreur de date sur la gravure ci-dessus :
d'Elbée a été fusillé en 1794 et non en 1793 !)
  

D’Elbée, très grièvement blessé à la bataille de Cholet (17 octobre 1793), tomba aux mains des républicains lorsque ceux-ci reprirent l’île de Noirmoutier en janvier 1794. Sur le conseil de Charette, le généralissime de l’Armée catholique et royale s’y était réfugié. Il y périt, fusillé par les Bleus, comme toute la garnison royaliste, comme la plupart des autres réfugiés, et comme l’officier républicain Wieland qui, en octobre 1793, n’avait pas su ou pas pu défendre l’île.

Noirmoutier fut pris dans la nuit du 2 au 3 janvier 1794 (13-14 nivôse an II). Les troupes de Haxo entrèrent dans la ville vers la fin de l’après-midi du 3. Le soir même une commission militaire fut constituée par les représentants Bourbotte, Prieur de la Marne et Turreau pour juger les prisonniers vendéens. Le général Aubertin indique dans ses mémoires que cette commission fut convoquée dès le matin du 4 janvier (15 nivôse).

Mort de d'Elbee 1794Piet, l’un des aides-de-camp de Dutruy, déclare quant à lui que Haxo évacua l’île le matin du troisième jour de l’occupation, soit le 5 janvier (16 nivôse), et qu’il ne fut pas témoin des massacres.

Le marquis d’Elbée, dans une étude publiée sur ce sujet, indique que Turreau, général en chef de l’armée de l’Ouest et cousin du représentant, écrivit de Nantes à un ami que l’exécution de d’Elbée eut lieu deux jours après son départ de l’île. Or, Turreau lui-même certifie qu’il quitta les lieux le lendemain de son occupation, soit le 4 (15 nivôse) ; ce qui fixerait l’exécution du généralissime vendéen au 6 janvier (17 nivôse).

A l’appui de cette date figure également le départ de Prieur de la Marne pour Lorient. Bourbotte et Turreau l'établissent dans une lettre au 6 janvier (17 nivôse). On peut légitimement penser que les trois représentants ont décidé conjointement du sort de Wieland (sans quoi Piet aurait sûrement mentionné l’absence de l’un d’eux), et qu’ils n’auraient pas manqué d’assister ensemble à l’exécution du général en chef des brigands. 

Toujours est-il que le 8 janvier (19 nivôse), tout semble terminé. A cette date, une lettre des représentants Bourbotte et Turreau annonce au Comité de Salut public que d’Elbée et ses compagnons d’infortune ont été frappés du glaive exterminateur au pied de l’arbre de la liberté ; une seconde lettre des mêmes représentants ordonne, également le 8 janvier, de lever les scellés apposés sur le logement du chef vendéen.

Les biographes de d’Elbée s’opposent pourtant sur la date de son exécution : le 6 janvier pour Jean Epois, le 7 pour F. Charpentier. Deniau en parle au 9 janvier, s’appuyant certainement sur l’interrogatoire du généralissime vendéen, consigné par Piet. Mais celui-ci s’étant trompé dans la date de la prise de l’île (le 15 nivôse au lieu du 14), on peut se demander s’il maîtrisait bien le calendrier républicain entré en vigueur depuis seulement trois mois…

Source : L. Troussier, Autour de la mort de d'Elbée, Revue du Bas-Poitou, 1930, 1931, 1932