Depuis la fermeture de l’église en 2007, il n’est plus possible d’admirer les verrières illustrant trois épisodes de la Révolution à Saint-Hilaire de Mortagne. Si l’édifice était condamné, finiraient-elles sous les coups de pelleteuse comme les vitraux de l’église de Gesté, il y a un an ?
Ces trois scènes ont été réalisées par Roger Degas (1899-1981), maître verrier installé au n°14 de la rue de Cholet à Mortagne-sur-Sèvre, sa ville natale. On lui doit plusieurs vitraux vendéens, à Pouzauges, Rocheservière, Saint-Mars-la-Réorthe, etc.
La messe blanche à Saint-Hilaire, 1793
Ce vitrail situé du côté du chœur, à gauche, représente une scène de prière dans l’ancien cimetière de Saint-Hilaire, qui occupait autrefois la place devant l’église. On n’y voit pas de prêtre, comme dans la plupart des scènes de messes clandestines. Mathias Alexandre Hilaire Payneau, curé de Saint-Hilaire depuis 1760, a refusé de prêter le serment constitutionnel. Condamné à la déportation en vertu de la loi du 27 mai 1792, il s’embarqua aux Sables-d’Olonne le 15 septembre suivant, sur le navire la Jeune Aimée, en direction de l’Espagne. Son nom apparaît une dernière fois sur le registre paroissial le 23 juillet ; l’acte suivant, daté du 3 août, est signé Pierre Dareau, maire de Saint-Hilaire, « fautte de prestre en cette paroisse ».
Avant son départ pour l’exil, l’abbé Payneau demanda à ses ouailles de prier ensemble tous les dimanches à dix heures, leur promettant de célébrer la messe à leur intention, où qu’il soit, au moment convenu. Comme l’église avait été fermée par les autorités, les fidèles se replièrent au cimetière pour cette « messe blanche ». Intrigués par ce rassemblement hebdomadaire, les gendarmes intervinrent, pensant qu’un prêtre insermenté officiait, mais ils durent rentrer bredouilles devant la fermeté de l’assistance.
L’abbé Payneau ne reverra jamais sa paroisse. Il reprit le chemin de la Vendée après la tourmente révolutionnaire, mais serait mort d’épuisement à Saintes.
Placé à l'opposé, à droite du chœur, le vitrail de « la mort des frères Pelé » illustre l’exécution de trois hommes, fusillés par des soldats républicains pour avoir refusé d’abattre une croix sur leur ordre. Comme pour la « messe blanche », l’ancienne église Saint-Hilaire se distingue à l’arrière-plan. Un autre élément de décor domine la scène, un calvaire frappé du Sacré-Cœur. Parmi toutes les croix de la paroisse, c’est au calvaire érigé à l’entrée du chemin de Saint-Philbert que celle-ci ressemble le plus.
La dernière verrière se trouve à l’entrée, près de la porte de droite. Cet épisode n’a pas eu lieu à Saint-Hilaire, mais aux Épesses, dont on aperçoit à l’arrière-plan l’église romane et les toitures d’ardoises de l’aile Renaissance du château du Puy du Fou. Mais il reste profondément lié à l’histoire de la paroisse mortagnaise.
Pierre Marie Chapelain est né aux Épesses le 3 mars 1763. Il était le fils de Vincent Chapelain, chirurgien apothicaire, et Marie Anne Gourdon. Après des études au séminaire, il fut nommé vicaire de Saint-Hilaire de Mortagne en 1790. Sa première signature dans le registre paroissial est apposée le 8 novembre de cette année ; la dernière le sera le 27 juin 1792. Car l’abbé Chapelain a refusé, comme son curé, le serment schismatique. Lui, cependant, a choisi de rester au pays, dans sa paroisse natale. Il s’y cacha dans un arbre creux, poursuivant son ministère clandestinement, dans les champs, les granges isolées, surtout la nuit.
Il existe plusieurs versions de sa mort, représentée sur ce vitrail. Certains avancent qu’il fut surpris par les Bleus le 28 janvier 1794, s’appuyant sur un rapport de Boucret, commandant d’une colonne infernale, à Turreau. Ce document a été établi aux Épesses à cette date : « Deux soldats ont trouvé dans le tronc d’un arbre un prêtre non assermenté ; je l’ai fait fusiller. Il avait sur lui quinze louis, tant en or qu’en assignats, et une montre d’or. J’ai donné aux deux volontaires, pour récompense, cent livres : je suis porteur du reste. » D’autres situent cet événement au 27 février 1794, à l’époque où Huché quitta Mortagne pour La Verrie et La Gaubretière.
Dans une première version, l’abbé Chapelain eut l’imprudence de sortir la tête de sa cachette au moment où des Bleus passaient. L’un d’eux l’aperçut et lui brisa la tête d’un coup de fusil. C’est la scène qu’on voit dans le vitrail. Dans une autre version, des amis du réfractaire venus à son aide dans son refuge lui ont apporté de la paille pour sa couche ; quelques fétus tombés au pied de l’arbre éveillèrent les soupçons d’une escouade de Bleus qui se saisirent du malheureux et le fusillèrent avec ses protecteurs.
Contrairement à nombre de scènes de massacres, on ne voit pas ici de soldats républicains, ni d’armes. Les visages des frères Pelé et de l’abbé Chapelain restent empreints de sérénité. Leur martyre et le don de leur sang s’inscrivent dans la dévotion au Sacré-Cœur, dont l’image marque puissamment les deux scènes.
Rappel – Comment sauver l'église Saint-Hilaire de Mortagne ?