Lorsque paraît en 2003 Robespierre, de Jean Artarit, médecin-chef de secteur hospitalier à Paris abordant la dimension pathologique de ce personnage-clé de la Révolution française, une polémique s’ensuit. Pourtant, en 1912 déjà, et au gré de travaux entrepris par d’émérites historiens le qualifiant d’ambitieux hypocrite et perfide, d’intrigant affolé de pouvoir, d’âme vaine et vide, de grand inquisiteur d’un gouvernement de la peur par la peur, le publiciste Gustave Gautherot, s’attaquait à « l’immense popularité de l’Incorruptible » selon l’expression de l’historien Albert Mathiez et brossait du controversé Robespierre un portrait à rebours des idées généralement admises.
La chute de Robespierre, par Émile Larcher
Depuis le jour où Robespierre succéda sur l’échafaud à tant de ses victimes, cette « immense popularité » a subi de tels dommages qu’il faut avoir pour la ressusciter une foi bien robuste, estime Gustave Gautherot. Et nous ne parlons pas seulement de la réaction thermidorienne — Gautherot consacra l’essentiel de ses travaux à la Révolution française et l’un de ses ouvrages, Démocratie révolutionnaire, avait été couronné en 1908 par l’Académie française –, de l’époque où chacun, sentant sa tête quelque peu raffermie sur ses épaules, donna libre cours aux haines accumulées par l’oppression terroriste ; nous ne parlons pas non plus, ajoute-t-il, de l’inaptitude radicale à goûter le système de Robespierre où reste une multitude de gens, par exemple les catholiques, pour lesquels les dogmes jacobins sont juste aux antipodes des éternels principes de progrès social ; nous parlons de fidèles héritiers des « grands ancêtres ».
C’est Léon Cahen, l’apologiste de Condorcet, poursuit Gautherot, qui a écrit : « Robespierre, qui faisait appel aux pires passions de l’humanité et qui se défendait de les connaître, (...) qui, pour mieux faire éclater sa vertu, calomniait celle des autres, et, pour mieux servir le peuple, cherchait à discréditer les meilleurs défenseurs de la liberté ; qui semblait [à Condorcet] un ambitieux hypocrite et perfide, un intrigant affolé de pouvoir ; qui (...) travaillait à perdre les honnêtes gens pour rendre plus absolue sa dictature, ou plus rémunérateur de sa trahison » (Condorcet et la Révolution française, 1904).
C’est l’historien Alphonse Aulard, cofondateur de la Ligue des Droits de l’homme et titulaire de la première chaire d’histoire de la Révolution française à la Sorbonne entre 1885 et 1922, qui affirma un jour à la Sorbonne : « Ce qu’on entrevoit de son âme à travers ces continuelles évolutions fait horreur à nos instincts français de franchise et de loyauté : Robespierre fut un hypocrite et il érigea l’hypocrisie en système de gouvernement. » Et Aulard de rappeler que l’académicien Dominique-Joseph Garat, avocat, journaliste et philosophe, qualifiait l’éloquence de Robespierre de « bavardage insignifiant », de « rabâchage éternel sur les droits de l’homme, sur la souveraineté du peuple, sur les principes dont il parlait sans cesse et sur lesquels il n’a jamais répandu une seule vue un peu exacte et neuve. »
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