Intrigué par la lecture d’un feuillet glissé dans le registre clandestin de Beaurepaire, sur lequel figure une liste d’habitants « tous massacrés par l’ennemi républiquain » (sic), je me suis rendu ce dimanche sur le lieu de la tuerie. Déçu de n’y rien trouver, j’ai tout de même profité de ce déplacement pour parcourir les vieux chemins de cette paroisse vendéenne.
La plaque posée en 1935 par le Souvenir Vendéen sur l'église de Beaurepaire
Itinéraire de ma randonnée à pied (en jaune) et en voiture (en rouge).
Les numéros renvoient au texte et aux photos ci-dessous.
Fichier PDF : Randonnée à Beaurepaire.pdf
Ma randonnée a commencé par l’église (n°1). Reconstruite au milieu du XIXe siècle, elle possède un caractère original, puisque le vieil édifice du XVe siècle a été astucieusement conservé pour former le nouveau transept. À ses extrémités, on peut voir d’un côté l’ancienne baie du chœur et de l’autre une porte Renaissance, aujourd’hui condamnée, dans laquelle le Souvenir Vendéen a scellé une dalle gravée en mémoire de Girard de Beaurepaire.
L'ancienne église de Beaurepaire, devenue le transept de la nouvelle (n°1)
Le retable polychrome de saint Laurent daté de 1668. On distingue sur le fronton
le blason des Girard de Beaurepaire (d'azur à trois chevrons d'or).
Le chevet plat de l'ancienne église.
D'anciens éléments sculptés ont été réemployés dans la maçonnerie.
Il reste peu de souvenirs de ce chef de l’Armée du Centre. Son château a été détruit dans les années 70. C’est regrettable, car il fut le point de départ des jeunes insurgés de la paroisse en mars 1793, l’un des quartiers généraux de Sapinaud (de La Rairie) en 1794, et le théâtre de la réconciliation entre Charette, Stofflet et le même Sapinaud, le 20 mai 1795. Il ne reste de quelques vestiges de ses dépendances à la Noue, derrière l’église (n°2, propriété privée).
Un pigeonnier au bord de l'étang, près de l'église
Sur le chemin des Ardillers (n°3)
De là, j’ai rejoint le chemin de randonnée appelé le « Sentier des Alivettes », qui m’a amené sur les collines où culmine le dernier moulin des Ardillers (n°4). Il y en avait cinq autrefois, mais il ne reste que celui-ci, dont le lierre a envahi le fût. Le propriétaire des lieux m’a confié qu’il souhaiterait le restaurer. Plutôt que de refaire le toit, dont l’original a été démonté pour être replacé sur le moulin de Jean Yole au Mont des Alouettes, il songe à installer au sommet une table d’orientation qui serait idéalement située entre Beaurepaire, La Gaubretière et Les Herbiers. Il ne reste qu’à trouver de l’aide et des financements…
Le toit du dernier moulin des Ardillers (n°4) s'est envolé au Mont des Alouettes,
pour couvrir le moulin de Jean Yole (en médaillon).
Vestiges d'un des anciens moulins des Ardillers (au pied de l'arbre)
L'emplacement des cinq moulins des Ardillers sur le cadastre de 1839
Le chemin de terre aux Ardillers
(à cet endroit j'ai reçu un coup de téléphone d'une Brigande qui se reconnaîtra…)
Comme dit la chanson : « Pour patauger dans la gadoue, la gadoue… » (n°5)
Je suis redescendu de la colline par un chemin boueux, inondé par endroits, avant d’atteindre le bord du Grand-Ry. C’est ici, au hameau de Bertré (n°6), que l’abbé Jacques Imbert avait trouvé refuge pendant la Terreur. Ce prêtre réfractaire, ancien curé de La Ronde-en-Gâtine, officiait clandestinement à Beaurepaire. Ses registres conservés aux Archives départementales de la Vendée sont consultables en ligne. L’un d’eux conserve la trace d'un massacre perpétré par les Bleus entre Beaurepaire et Bazoges-en-Paillers. Pour me rendre sur place, j’ai regagné le bourg afin de continuer mon itinéraire en voiture. La route est en effet bien moins pittoresque de ce côté-là que dans les collines des Ardillers, et je préfère de loin la boue au bitume.
À l'entrée du hameau de Bertré (n°6), refuge de l'abbé Imbert en 1794
Le chemin en lisière du bourg, à la Coussaie (n°7)
Le Grand Logis, bâtisse du XVe siècle sauvée de la démolition (n°8)
Me voici donc promptement arrivé à la Jumaubretière (n°9), mais aussi frustré de n’y découvrir aucun bâtiment ancien, ni arceau, ni croix. Je me raccroche alors au feuillet retranscrit dans le registre de l’abbé Imbert : « Aujourd’hui 28 septembre 1794, se sont présentés Mathurin Boisseau laboureur de cette paroisse de Beaurepaire, et Pierre Fonteneau aussi laboureur de la paroisse de Saint-Fulgent, pour faire enregistrer les sépultures des dénommés cy-après dont les corps ont été inhumés par moy soussigné au cimetière de ce lieu, le 19 juin de la présente année, savoir le corps de Pierre Fonteneau laboureur, âgé de 70 ans, celui de Jean Boisseau serviteur domestique aussi âgé d’environ 70 ans, celui de René Maquiniau (?) maréchal âgé de 68 ans, celui de la nommée Mourière (?) épouse … âgée de 60 ans, celui de Françoise Boisseau femme de Pierre Fonteneau âgée de 40 ans, celui de Louise (?) Bousseau veuve de Pierre Cousseau âgée d’environ 20 ans, celui de Mathurin … Cousseau âgé de 4 ans 5 mois, tous massacrés par l’ennemi républiquain à la Gemaubretière de cette paroisse, excepté Pierre Fonteneau tué à la Joussière, de Saint-Fulgent le jour qui précéda, suivant le témoignage desdits Mathurin Boisseau et Pierre Fonteneau dénommés de l’autre part dont l’un avec moi soussigné, l’autre ayant déclaré ne le savoir. »
Le registre clandestin de l'abbé Imbert
J’ai quitté ce lieu oublié pour revenir vers le bourg en passant par l’ancien « chemin des Chambretières » ainsi noté sur le cadastre de 1839. Après un dernier arrêt dans ce hameau devant le grand calvaire de granit frappé d’un double cœur vendéen (n°10), j’ai enfin bouclé mon itinéraire pour aujourd’hui.