Connaissez-vous le site rembarre.fr ? Administré par Jean-Pierre Rambaud, du Souvenir Vendéen, il expose un grand nombre de documents militaires d’époque destinés à appréhender la mise en place, le fonctionnement et les marches des Colonnes infernales. J’en extrais un témoignage édifiant pour l’image implacable qu’il donne du général Turreau, commandant en chef des forces républicaines en Vendée au début de l’année 1794.

TurreauLe général Turreau aux Ponts-de-Cé, par Gautherot (Salon de 1812)
  

Ce témoignage émane de Pierre Périot (1), aide de camp du général Bard qui commandait la place de Luçon. Ce Périot participa à la réunion des généraux républicains qui se tint à Doué le 29 nivôse an II (18 janvier 1794). Malgré les avis contraires et les remarques judicieuses en particulier du secrétaire de l’état-major, Turreau maintient son ordre d’extermination totale dans tout le territoire dit de la Vendée :
  

À Doué la Fontaine le 29 nivose an II
Réunion des généraux de l’Armée de l’Ouest

Rapport exact de ce qui s’est passé dans l’assemblée des généraux de l’Armée de l’Ouest, à Doué près Saumur où j’ai assisté comme aide de camp du général Bard.

Je fais ce rapport en vrai républicain. Je souhaite que le Comité de Salut Public de la Convention Nationale à qui je désire qu’il soit envoyé, y trouve des lumières qui ne lui ayent pas été transmises.

Le 29 nivose dernier, la majeure partie des généraux de l’Armée de l’Ouest s’assembla à Doué, sur la convocation du Général en Chef Turreau, qui arrivait des Pyrénées.

Ce général proposa le plan de tout incendier et tuer dans le territoire dit de la Vendée. Différentes réclamations furent faites par des généraux qui avaient fait la guerre avec succès, qui l’avaient terminée, car il ne restait plus que la bande de Charette et celle de la Roche-jacquelin dispersées et épuisées, le Général n’entendit rien, lui seul prononça.

Pour l’effectuation de son plan, il divisa son armée en douze colonnes.

Il fit ensuite la distraction des postes à conserver. Ils se bornèrent à huit ou dix, pris au hasard sur la carte avec une légèreté dont il n’y a pas d’exemple. Fontenay le Peuple (2) fut du nombre des communes conservées grâce au Général Bard ; car sans lui cette ville et ses habitants n’existeraient plus.

Rien n’arrêta le Général en Chef dans sa détermination ; son secrétaire lui fit une observation très sage, il observa au Général qu’il serait convenable de soumettre ce plan au Comité de Salut Public, aux Représentants du Peuple avant de passer à l’exécution, qu’ils pourraient avoir quelques réflexions à faire. Le Général lui répondit que cela serait trop long et ne finirait pas, qu’il suffisait de leur transmettre l’arrêté pris.

J’avais ainsi que tous les amis de l’humanité l’espoir que ce plan ne pouvait être exécuté à raison d’une des dispositions qui portait que les blés et fourrages seraient soustraits à l’incendie, à la dévastation et portés sur les derrières des colonnes, mais il en a été bien autrement et le seul bon article du plan n’a été exécuté qu’en partie (3).

Voila ce que j’ai vu ; ce que j’atteste sur mon honneur.

Pour copie conforme remise à la société populaire et révolutionnaire de Fontenay le Peuple à la fin du mois de pluviose dernier (mi-février 1794).
À Fontenay le Peuple le 14 vendémiaire (début octobre 1794) l’an 3ème de la Rque Fse une, indivisible et impérissable
Le premier conducteur des travaux publics de la division de Fontenay
  

(1) Pierre Périot était l'objet de la Question n°896 de Chercheurs et Curieux, la rubrique bien connue de tous les passionnés d'histoire. La réponse a été donnée dans le n°261 (décembre 2012) de la Revue du Souvenir Vendéen, avec sa biographie et sa carrière militaire. Le rapport ci-dessus y est présenté.
(2) Nom révolutionnaire de Fontenay-le-Comte, alors chef-lieu du département de la Vendée.
(3) On notera l'émotion des « amis de l'humanité » quant au sort des blés et fourrages, plutôt qu'à celui des habitants du territoire visé par le plan d'extermination…
  


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