Éric Dick (1) organisait hier soir une projection du film d’André Mallard, La Mieux Aimée, amazone de Charette, dans la salle privée d’une vieille maison maraîchine perdue dans la brume des étiers. La joyeuse assemblée – une vingtaine de participants – a prolongé la séance jusqu’à la nuit par un souper traditionnel au coin du feu.
Quelques images de La Mieux Aimée : Charette reçoit M. et Mme Bulkeley (avec Claude Mercier dans le rôle de M. Bulkeley) ; un des acteurs les plus remarquables dans le rôle du juge révolutionnaire ; la marche vers le lieu de l'exécution, dont André Mallard a soigné le décor ; Mme de La Rochefoucauld et son fidèle Thomazeau dans leur cachot, scène qui inspira l'affiche du film.
André Mallard, « l'Abel Gance de la Vendée »
Notre soirée a débuté par la projection d’un documentaire sur André Mallard, « l’Abel Gance de la Vendée », réalisé et présenté par Jean-Claude Mauvoisin, qui a bien connu le cinéaste. Né à Pissotte en 1918, André Mallard (2) se passionna très tôt pour la photographie. Il en fit même son métier, qu’il exerça à L’Hermenault et à Fontenay-le-Comte, avant de quitter la Vendée pour Paris où il acheva sa carrière comme photographe scientifique à la faculté de médecine de Jussieu. De retour au pays à l’heure de la retraite, il s’installa dans sa maison natale à Pissotte et concrétisa sa passion pour le cinéma en réalisant plusieurs films, à commencer par Vendée 93, un long-métrage en couleurs tourné en 1957-1958 sur un scénario du Docteur Charles Coubard, président du Souvenir Vendéen.
Madame de La Rochefoucauld dans les Guerres de Vendée
Ce film fut suivi en 1961 par La Mieux Aimée, amazone de Charette, réalisé d’après le livre de Joseph Rouillé, qui insista pour que son histoire romancée de Madame de La Rochefoucauld soit mise à l’écran. André Mallard fit appel à la troupe des Amis du Théâtre de Challans, avec Nicole Bonnin (3) dans le rôle-titre qu’elle endossa de manière très convaincante, Pierre Croizé dans celui de Charette et Augustin Traineau dans celui de Joseph Thomazeau, le solide fermier de Coudrie, fidèle lieutenant de Madame de La Rochefoucauld, brûlant d’un amour secret pour sa maîtresse au point de l’accompagner jusqu’à la mort.
Certes, le film accuse quelques imperfections, notamment les dialogues auxquels certains comédiens de théâtre n’ont pas su donner de naturel (notons que la postsynchronisation n’y est pas étrangère). Mais il conserve cependant de réelles qualités dans la composition des scènes et le travail sur la lumière qui révèle les talents de photographe d’André Mallard.
Ajoutons que ce dernier donna de sa personne en finançant le projet sur ses fonds propres, en fabriquant son matériel, en parcourant des centaines de kilomètres entre les sites de tournage (on reconnaît dans le film l’église de Bois-de-Céné, les châteaux de la Vérie à Challans et de Bois-Chevalier à Legé, la place Belliard à Fontenay-le-Comte, etc.), avec des moyens techniques infiniment plus compliqués que nos actuels équipements numériques. D’ailleurs il n’y eut qu’une seule copie en 16 mm de La Mieux Aimée et on n’ose imaginer la perte irréparable qu’un simple accident aurait pu coûter à ce film qui voyaga jusqu’au Canada. Fort heureusement, il a été entièrement numérisé en 2002.
Le souvenir de Claude Mercier
La Mieux Aimée, « l’un des premiers grands films tournés sur la Guerre de Vendée » selon Claude Mercier, fut très bien accueillie par le public vendéen lors de sa première projection au cinéma Le Marais, à Challans. Notons à ce propos que Claude Mercier, cette grande figure de la Vendée qui nous a quittés cette année, apparaît dans le film d’André Mallard sous les traits de M. Bulkeley.
Jean-Claude Mauvoisin a évoqué une anecdote de tournage le concernant : Claude Mercier disposait de trop peu de temps pour la scène de bal au château du Bois-Chevalier ; il limita donc la séquence aux présentations avec Charette auquel il confia son épouse, en prétextant qu’il ne savait pas danser ; et il put ainsi s’éclipser… Son apparition à l’écran reste pourtant marquante pour tous ceux qui l’ont connu (et ils étaient nombreux dans l’assistance !).
La mémoire de Claude Mercier fut également honorée par la projection, en fin de séance, d’un troisième film intitulé Jolly la Tendresse. Tourné en 1993 par Michel Tessier sur les terres de Fonteclose, il a redonné vie à un ancien combattant maraîchin, Pierre Jolly dit la Tendresse, incarné par Claude Mercier qui en a relaté les souvenirs de guerre en un émouvant poème. Les deux hommes se sont retrouvés récemment, devant la caméra d’Éric Dick, pour évoquer la genèse de ce court-métrage… un moment très touchant, puisqu’on y entend une dernière fois l'immense conteur que fut Claude Mercier.
Claude Mercier dans le court-métrage d'Éric Dick, Jolly la Tendresse
Remercions nos hôtes, Jean-Claude Mauvoisin et Éric Dick, pour cette belle soirée cinématographique vendéenne ! Remercions aussi Colette Mauvoisin pour le repas traditionnel dont nous nous sommes tous régalés, avec la soupe de sa grand-mère, la poule au pot et ses légumes du potager, le fionaïe du marais et les pommes cuites à la cheminée, sans oublier la p’tite goutte pour faire couler le tout…
Le prochain Ciné-Dîner en janvier 2017 sera consacré à Gilles de Rays.
(1) Éric Dick a réalisé le film C'était une fois dans l'Ouest en 2015.
(2) Lire sur ce sujet l'article Actualités de 1960 et 2013 – André Mallard, sur le blog de La Maraîchine normande.
(3) Nicole Bonnin (Madame de La Rochefoucauld) épousa Pierre Croizé (Charette) dans la « vraie vie », ce qui explique qu’elle soit appelée Nicole Croizé dans le documentaire de Jean-Claude Mauvoisin.
Et pour conclure, un petit album photo de la soirée :
Un cinéma privé dans une vieille maison maraîchine
Colette et Jean-Claude Mauvoisin, nos hôtes
François Jaspart, Éric Dick, Brigitte et Hubert de Fontaines
(Brigitte est correspondante cantonal du Souvenir Vendéen
pour le canton de Saint-Hilaire-de-Riez)
Les pommes cuites du dessert se dorent dans la cheminée
depuis le début de la soirée…