Les bénévoles de l’association herbretaise Passion patrimoine se sont lancé un défi d’envergure depuis l’automne 2016 : défricher les abords du château de l’Étenduère, que le temps avait ensevelis sous une forêt de ronces et d’arbustes, depuis le passage des Colonnes infernales. 

L'Etenduere 5Détail de la façade principale, à présent dégagée
  

Rebâtie au début du XVIIIe siècle, cette belle demeure classique appartenait à la famille des Herbiers-l’Étenduère, qui fournit maints officiers à la Marine royale, à commencer par Henri-François des Herbiers (1681-1750), marquis de L’Étenduère, brillant marin qui se distingua notamment par ses relevés cartographiques du Saint-Laurent, au Canada, et du Gange, en Inde. Le château passa par mariage, en 1761, à la famille d’Escoubleau de Sourdis, elle aussi pourvoyeuse de marins et d’amiraux de renom ; puis à nouveau par mariage, en 1785, à la famille Jousbert du Landreau.

La Révolution mit un terme brutal à cet âge d’or. Dernier seigneur de l’Étenduère, René-Louis-Marie Jousbert, baron du Landreau, périt en Allemagne en 1796 (1).

Les Colonnes infernales incendient l’Étenduère

Quelques mois plus tard, le château de l’Étenduère fut investi par des soldats républicains qui l’incendièrent (2). Les officiers municipaux de la commune des Herbiers, en firent le constat le 25 frimaire an VI (15 décembre 1797) : « Nous membres de l’administration municipale du canton des Herbiers, département de la Vendée, certifions qu’il est vrai et constant que la maison de l’Étenduère, appartenant à la citoyenne Armande Descoubleaux du Landreau, a été totalement incendié, ainsi que presque tous les bâtiments de servitudes et toutes les fermes qui en dépendent » (3).

Armande d’Escoubleau de Sourdis était la veuve de René-Louis-Marie Jousbert (4). Un acte daté du 2 prairial an VIII (22 mai 1800) présume qu’elle aurait « suivi l’armée des rebelles et avoir passé la Loire avec eux » (5). Elle mourut au château de la Forest, à Gesté, en 1801.

L’Étenduère ne se releva jamais de ses ruines. Le château resta en possession de la famille Jousbert du Landreau, dont la dernière propriétaire, Mme la comtesse de Bermond d’Auriac, en fit don avant de mourir à l'évêché de Luçon, sous l'épiscopat de Mgr Cazaux. 
  

Cadastre Les HerbiersL'Étenduère sur le cadastre de 1839 (les bâtiments ruinés sont indiqués en jaune).
On aperçoit en haut à droite, la stèle de la Demoiselle (voir illustration plus bas).
  


Notes :

  1. Philippe Ricot, « un étonnant Vendéen », le chevalier du Landreau, 1976, p. 23. Dans un article sur l’Étenduère paru dans l’Annuaire de la S.E.V. de 1951-1953, Jean Lagniau s’interroge cependant sur la date de la mort du père du « chevalier du Landreau » : « Alors qu'il existe des pièces officielles prouvant sa mort, en Allemagne, René-Louis-Marie Jousbert est inscrit sur le registre des décès de la commune de L'Hôtellerie-de-Flée, canton de Bouillé-Mesnard, département du Maine-et-Loire, sous le n°100, vers la fin d'octobre 1793. Il y a même un certificat signé par l'administration municipale de Bouillé-Mesnard, prouvant qu'il a résidé sans interruption dans cette commune du 1ermai 1792, jusqu'en octobre 1793. Ce certificat est du 14 prairial an 8. Un autre certificat de notoriété publique, fait par le juge de paix de Bouillé-Mesnard, le 13 prairial an 8, tend à prouver que René-Louis-Marie de Jousbert faisait partie des insurgés connus sous le nom de brigands de la Vendée. Il avait été mortellement blessé à Château-Gontier, en combattant les troupes de la République. Il fut transporté chez le nommé Bodin, closier à la Barre, dans la commune de L'Hôtellerie-de-Flée, et quelques jours après son arrivée, y mourut faute de soins. Il fut inhumé dans une pièce de terre de la Déroutais ». D’après Philippe Ricot, ces dernières déclarations auraient eu pour but d’empêcher que les biens de la famille soient saisis comme biens d’émigrés (ibidem).
  2. Soit ces soldats appartenaient à la colonne infernale de Grignon, qui passa aux Herbiers le 31 janvier 1794, soit ils étaient commandés par Amey, qui écrit le 4 février suivant : « Avant mon départ des Herbiers, j’ai fait mettre le feu à la ville » (Savary, t. III, p. 144).
  3. Philippe Ricot, Les Herbiers, un gros bourg vendéen au XVIIIe siècle…, Ouest Éditions, 1994, p. 114.
  4. Ils eurent trois fils, dont Marie-Eugène (1787-1863), connu sous le nom fameux de « chevalier du Landreau ».
  5. Jean Lagniau, ibidem.
      

Articles connexes :
Les Herbiers (85) – L'Étenduère (La Maraîchine normande)
L'Étenduère des Herbiers, témoin des Colonnes infernales (Chemins Secrets)
Le trésor de l'Étenduère, la cloche, la chapelle, le trésor… (Chemins Secrets)
  


Quelques photos prises ce matin :

L'Etenduere 1Le château de l'Étenduère, côté nord

L'Etenduere 3À l'angle nord-est, une corniche défie le temps et la gravité…

L'Etenduere 2La façade côté ouest se reflète dans les douves gelées.

L'Etenduere 11L'ancienne entrée et les dépendances du château

L'Etenduere 9Les piles de l'ancienne entrée

L'Etenduere 10Perspective du chateau côté est

L'Etenduere 14La façade côté est, dégagée de la végétation qui la masquait

L'Etenduere 13Les douves

L'Etenduere 12Détail de la façade principale

L'Etenduere 4On mesure le péril qui pèse sur ces vieux murs…

L'Etenduere 7La « Volière » érigée par Louis des Herbiers-L'Étenduère pour son épouse, Diane du Plantis du Landreau. Les armes des deux familles figurent sur les deux pilônes.

L'Etenduere 6Au fond de la « Volière », une plaque rend hommage à Henri François des Herbiers-L'Étenduère

L'Etenduere 15La stèle de la Demoiselle évoque, par son nom, la légende racontée ici. Elle fut dressée à l'occasion du mariage, en 1644, de Charles des Herbiers-L'Étenduère et Marie d'Escoubleau de Sourdis, dont on voit le blason. 
  


Article de Ouest-France du 20 janvier 2017 : Opération sauvetage à l'Étenduère

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Depuis octobre, des bénévoles de l’association Passion patrimoine suent sang et eau sur un chantier d’envergure : le défrichage du château de l’Étenduère, aux Herbiers. La tâche est plus lourde que prévue.

Ça ne chôme pas aux abords du château de l’Étenduère, aux Herbiers. Tous les samedis matin, une joyeuse équipe coupe et déblaie des brassées de bois. « On est une vingtaine à se relayer par petits groupes depuis le mois d’octobre », indique Luc Soulard, un des responsables de Passion patrimoine.

La jeune association a déjà restauré la statue Notre-Dame et le lavoir de Jean-Yole. Cette fois-ci, il n’est pas question de redonner du lustre à quoi que ce soit, mais de sauver ce qui peut encore l’être. En premier lieu : reprendre à dame nature ces ruines abandonnées il y a belle lurette.

Il faut défricher. « La Ville nous a installé une passerelle métallique l’été dernier. On ne s’attendait pas à ça : il n’y avait que 50 cm d’accès au-delà. Après, c’était un champ de ronces, d’arbustes, etc., qui atteignaient 5 à 6 mètres de haut », décrit Vincent Bourasseau.

Face à un tel enchevêtrement, même les débroussailleuses étaient inutiles. Il a fallu employer les grands moyens : les tronçonneuses. « Nous sommes conventionnés avec la Ville, propriétaire du terrain, précise Luc Soulard. Les services techniques nous ont fourni du matériel et donné des conseils. »

Comme, par exemple, respecter un périmètre de sécurité autour des ruines. Les lierres resteront donc en place. L’édifice est fragile, voire instable par endroits. Des pierres paraissent tenir en équilibre par la seule opération du Saint-Esprit. Tout cet espace, enceint de douves, est strictement interdit au public.

Le travail porte ses fruits. De la route, le passant voit de mieux en mieux les murs blessés par les Colonnes Infernales et les affres du temps. La suite de l’histoire est entre les mains de la Ville. « Il faudra cristalliser les murs pour préserver le château tel qu’il est », indique Vincent Bourasseau. Ce sera une affaire de spécialistes en patrimoine et une question d’argent.

Quant à l’association, elle gardera un œil attentif sur le château. « On appréciera d’être informés, au fur et à mesure des investigations », indique Luc Soulard. Les bénévoles ont des projets : « Créer une animation, faire découvrir les lieux au public, etc. »

Christophe Véronneau, qui est aussi conseiller municipal, imagine des tables de pique-nique disposées çà et là. Dans ce petit coin de nature, où le temps s’est arrêté, il y a deux siècles, l’histoire reprendra alors son cours. En attendant, il y a encore du boulot !
  

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L'EtenduereOn voit encore, sur cette carte postale ancienne, l'ancien pont de bois et les deux piles d'entrée (aujourd'hui disparues) au-dessus des douves.