Située au cœur du marais de Goulaine, l’île du Recoin a servi de refuge à des dizaines de familles du Louroux-Bottereau et de Saint-Julien-de-Concelles lors des Guerres de Vendée. Deux historiens locaux en ont raconté l’histoire dans L’Hebdo de Sèvre et Maine. Gérard Biteau, fervent défenseur de la mémoire du Loroux, m’a aimablement transmis ce long article.
Article de L’Hebdo de Sèvre et Maine, jeudi 4 mai 2017
Parmi les lieux de mémoire du Loroux-Bottereau, Joël Renaud, le batelier du marais de Goulaine, aime particulièrement la Croix du Recoin et il fait son possible pour l’entretenir et la fleurir. La Croix du Recoin fait partie des quatre croix d’ardoise posées par le docteur Renoul dans les années 40 avec le concours du Souvenir vendéen : à la Blanchetière, au Douet-Rouaud, au Maillon et sur l’île du Recoin. Louis Bossard, historien local, et Joël Renaud retracent l’histoire de cette île, « pour la mémoire ».
Plus de 500 Lorousains tués en 1794
Le 11 mars 1793, comme dans plus de 600 paroisses, Le Loroux-Bottereau entrait dans l’insurrection foudroyante qui allait déferler en Vendée militaire. Pourtant, pendant la Guerre de Vendée proprement dite, du 11 mars au 23 décembre 1793, le pays du Loroux-Bottereau ne fut pas le théâtre de batailles importantes.
La paroisse du Loroux connaît son martyre lors du passage des Colonnes infernales, en mars 1794, colonnes conduites par Cordelier qui venaient, via Montaigu, de commettre le massacre des Lucs-sur-Boulogne. Lors de ses deux passages, marqués par l’incendie du bourg, la colonne de Cordelier assassine plus de 500 Lorousains, de l’enfant naissant au nonagénaire impotent.
Les habitants se réfugient sur l’île du Recoin
Le 6 mars 1794, l’un des représentants du peuple près de l’armée de l’Ouest engageait Cordelier à se rendre dans le canton du Loroux « où l’opiniâtreté des habitants de ce pays est inconcevable ». Ce 6 mars, Cordelier écrit à Turreau, le général en chef : « Je t’informe donc que je pars demain matin des Landes-de-Corpray pour me rendre à Clisson, puis au Loroux, bien décidé d’y porter le fer, le feu, la terreur et la mort. »
Le 8 mars, Cordelier tuera jusqu’à 500 hommes « de l’infâme pays du Loroux ». En un instant, la ville du Loroux fut la proie des flammes qui, poussées par un vent violent du nord, s’étendirent trop rapidement. Les habitants épouvantés abandonnent leurs maisons et vont se cacher dans l’île du Recoin dans les marais de Goulaine. Les incendies qui s’allument sur tous les coteaux du Loroux effraient aussi les habitants de Saint-Julien-de-Concelles qui se réfugient sur la même île.
D’autres massacres les jours suivants
Au soir de ce massacre, le général Robert (chef d’état-major de l’armée de l’Ouest) se vante auprès du ministre de la guerre Bouchotte : « Le nombre de brigands tués est considérable et cette journée victorieuse n’a pas coûté un soldat à la République ». Le soir du 6 mars 1794, la colonne de Cordelier campera sur les hauteurs de la Tour Gasselin, massacrant dans les villages des alentours.
Le 9 mars, 250 Lorousains commandés par Bureau de La Boissière tenteront d’arrêter les républicains aux Champs Morets. Sans succès. Une partie de la troupe campa ensuite au Maillon (village sur la route de La Chapelle-Basse-Mer) où, après un simulacre de jugement, les prisonniers condamnés étaient envoyés « derrière la haie ». Là, ils étaient massacrés. C’est dans le village du Landreau, situé entre Le Loroux et La Chapelle-Heulin, qu’a eu lieu l’épisode dramatique de la mort d’André Ripoche, « le saint du Bas-Briacé », en défendant la croix de son village contre les Bleus.
Des victimes écrasées par des pressoirs
Le 17 mars, Cordelier revient au Loroux, y brûle ce qui était encore debout, notamment l’église, et poursuit ses massacres en violant et éventrant les femmes, en portant les enfants au bout des baïonnettes, en utilisant les pressoirs à long fût de ce pays de vignoble pour écraser ses victimes. La lueur rougeâtre de l’incendie qui eut lieu ce soir-là éclaira la foule des femmes et des enfants qui se sauvaient dans l’île du Recoin.
Familles lorousaines et concelloises y vécurent dans le froid et la faim pendant six mois en attendant la paix, de mars à août 1794, protégés des Colonnes infernales par l’inondation des marais. On dit que parmi les gens du pays qui se réfugièrent en ce lieu, il y avait une Concelloise venue avec la petite statue de Notre-Dame-de-Léard. Elle trônait dans la chapelle éponyme du bord de la Loire, depuis plusieurs siècles en honneur des mariniers. Elle aurait été récupérée après la destruction de la chapelle.
Ce n’est qu’en novembre 1799 que des offices religieux purent être célébrés publiquement : « la Victoire des Vaincus ». Le pays était encore dévasté par ce terrible mois de mars 1794 dont le souvenir a longtemps hanté les mémoires. « Pendant ces années noires de 1793 et 1794, plus de 1 000 Lorousains ont perdu la vie pour défendre la liberté religieuse, d’où le titre de “Colisée de la Vendée militaire” attribué par les descendants de combattants au Loroux-Bottereau », concluent les deux historiens locaux.
Article de L’Hebdo de Sèvre et Maine, jeudi 4 mai 2017
Un grand merci à Gérard Biteau !