Ce 14 juillet 2018, date anniversaire de la mort de Jacques Cathelineau, était décidément bien animé, entre la cérémonie d’hommage au « Saint de l’Anjou » organisée par le Souvenir Vendéen à Saint-Florent-le-Vieil et à Chaudron-en-Mauges, une excursion des Amis du Pont-Paillat à Champtoceaux, et les vingt ans de la Troupe des Cœurs de Chouans célébrés jusqu’à ce dimanche.
La plaque du Souvenir Vendéen sur le puits du Vau-Brunet
Tous ces événements ont été coordonnés, afin que chacun puisse y prendre part. Dès le matin, les Amis du Pont-Paillat et les Cœurs de Chouans se sont donné rendez-vous à Champtoceaux, aux confins des Mauges. Après un café servi par Jacqueline sous le kiosque du Champalud, ce sublime belvédère surplombant l’un des plus beaux paysages de la Loire, la trentaine de participants s’est mise en route pour le Vau-Brunet, un hameau isolé au sud du bourg.
Les costumés prennent la pose.
Le massacre de la grotte du Vau-Brunet
De là, un discret chemin creux très encaissé et entièrement couvert nous a immergés dans un coin de bocage tel qu’on pouvait en voir au temps de la Grand’Guerre de 93. Sur un vieux puits masqué par la végétation, une plaque posée par le Souvenir Vendéen en 2005 (1) évoque la martyre de femmes et d’enfants brûlés dans une grotte qui se situait près d’ici. L'endroit a hélas disparu.
Le 17 mai 1794, les Bleus surprirent trente personnes cachées dans ce refuge. Lorsqu’ils leur ordonnèrent d’en sortir, seule une femme, Perrine Antier, veuve de Joseph Dumas, obtempéra en emportant sa fille Françoise. Les autres périrent après que les soldats eurent amassé des fagots qu’ils enflammèrent à l’entrée de la grotte. Les noms de ces 28 victimes nous sont parvenus, de même que le récit de ce drame, grâce au témoignage de la survivante… mais aussi grâce à un document découvert au début des années 90.
Dans le chemin creux du Vau-Brunet
Le curé jureur se venge de ses paroissiens
À cette époque, l’historien Denis Béalet dénicha une curieuse lettre dans les archives de La Ferté-Bernard. Daté du 26 mai 1794, ce document à l’en-tête bien républicain contenait un passage concernant ce massacre à Champtoceaux :
« Témoin des grands avantages remportés sur les Brigands…, je me restreins au récit exclusif de ces faits. Une colonne de nos troupes qui vient de côtoyer la rive gauche de la Loyre jusqu’auprès de Nantes, a combattu partiellement l’ennemi et en a défait un bon nombre [manque une ligne à la copie] proche Champtoceaux, à un souterrain réceptacle impur de vingt et quelques femmes et de deux vieillards. Sommés de se rendre, et persistant toujours dans leur opiniâtreté, à l’exception d’une femme, avec son enfant, elles n’ont jamais voulu sortir de leur caverne, et y ont été, à la quatrième fois, consumées par les flammes. Cette colonne dans sa marche utile et fructueuse a incendié quelques bourgs, villages et des moulins disséminés dans ces malheureuses contrées… »
Denis Béalet confia une copie de cette lettre à Jean-Camille Émeriau, l’historien du pays, qui nota la signature : « Hachard, républicain ». Il fit alors le rapprochement avec le curé constitutionnel de Champtoceaux, Pierre Hachard, qui avait pris la place du curé Baujard et de son vicaire, tous deux réfractaires. Rejeté par ses ouailles, le jureur finit par déguerpir en mai 1792 sur l’autre rive de la Loire. Il s’établit à la cure de Varades, en remplacement de l’abbé Guitton, décédé en juin. On le voit signer « Hachard prêtre » sur le registre paroissial jusqu’au 20 décembre de cette même année, puis « Hachard officier public » à partir du 21. Défroqué, il occupa donc des fonctions municipales jusqu’au 29 avril 1794, soit dix-huit jours avant le massacre.
L’ancien curé jureur repassa donc la Loire, probablement employé comme guide par la colonne qui ravagea le pays de Champtoceaux en mai 1794, peut-être pour se venger de ses anciens paroissiens. C’est ce dont Jean-Camille Émeriau est convaincu (2).
Le curé de Champtoceaux sauve les reliques du Mans en 1793
Il est un autre personnage auquel on ne pouvait manquer de rendre hommage, l’abbé Alexis Barbot, qui fit la Virée de Galerne avec son frère Jean-Jacques. Quand les Vendéens occupèrent Le Mans en décembre 1793, le prêtre alla prier dans la cathédrale et se vit confier par un paroissien les plus précieuses reliques (3) qu’il fallait sauver du vandalisme révolutionnaire. Les deux frères Barbot échappèrent aux massacres du 13 décembre, faillirent être découverts dans une ferme où ils s’étaient cachés sur la route de Laval, et réussirent enfin à repasser la Loire pour rentrer à Champtoceaux.
C’est là, dans la cure, que l’abbé Barbot finit par déposer les reliques de la cathédrale du Mans. Celles-ci ont été retrouvées récemment au fond d’une armoire, par Jean-Yves Bouchaud, diacre de la paroisse. Présentées aux participants à la journée d’automne du Souvenir Vendéen le 30 septembre 2017, elles ont enfin pris le chemin du retour au Mans, cette semaine, 225 ans après leur tragique périple outre-Loire.
Les reliques de la cathédrale Mans, sauvées par l'abbé Barbot en 1793,
ont été rapportées au Mans cette semaine.
Le massacre oublié de la forêt du Parc
Quittant le Vau-Brunet, le groupe s’est ensuite dirigé en voiture vers la forêt du Parc, sur la route de Saint-Laurent-des-Autels. Ce massif forestier, autrefois beaucoup plus étendu, servit de refuge aux habitants des villages environnants. Les Bleus y firent toutefois des incursions comme l’a rapporté Jean-Camille Émeriau. Ils s’y sont même livrés à un massacre à la mi-mars 1794.
Après le départ des soldats, des survivants vinrent inhumer les corps des victimes, côte à côte dans une longue tranchée, et plantèrent trois chênes parfaitement alignés pour se souvenir de l’emplacement de cette fosse commune. Plus de deux siècles après, ces arbres magnifiques ne sont plus que des témoins muets, car aucune croix, ni plaque, ne rappelle ce drame.
Les chênes du massacre de la forêt du Parc
Nul chemin n’y mène, à tel point que certains participants se sont perdus dans la broussaille. Rassurez-vous, tout le monde est parvenu à sortir de la forêt. Il était temps d’aller déjeuner au camp de base des Cœurs de Chouans, à quelques lieues de Saint-Florent-le-Vieil.
Dans l’après-midi, le groupe a rejoint le Souvenir Vendéen qui proposait une cérémonie d’hommage à Jacques Cathelineau. Le compte rendu est consultable ici.
Localisation du chemin creux du Vau-Brunet
et des trois chênes de la forêt du Parc
Notes :
- Cette plaque a été inaugurée lors de la journée du Souvenir Vendéen à Champtoceaux, le 24 septembre 2005. Il en est rendu compte dans la Revue n°233, pp. 28-33.
- Pour en savoir plus sur ce Pierre Hachard, on lira le compte rendu de la journée d’automne 2017 du Souvenir Vendéen, dans la Revue n°281, pp. 41-43.
- N. Delahaye, Les reliques de la cathédrale Mans sauvées par un prêtre vendéen en 1793, Revue du Souvenir Vendéen n°279, pp. 37-41.
À lire aussi le compte rendu de la journée par Richard Lueil sur Chemins Secrets
Sans oublier les nombreuses photos publiées par les participants sur Facebook !