Les gens des Landes-Genusson regrettent avec amertume ce vestige de leur patrimoine : Chambrette, cet élégant donjon carré flanqué de tourelles aux angles. Chambrette, qu’on voyait encore intact sur les vieilles cartes postales, a désormais totalement disparu, rasé jusqu’aux fondations. 

CPA ChambretteLe donjon de Chambrette au début du XXe siècle 
   

La commune des Landes-Genusson (Vendée) possède plusieurs châteaux, certains admirablement restaurés comme la Godelinière. Chambrette en revanche, en dépit d'un indéniable intérêt architectural, n'a pas eu cette chance. 

Située sur un promontoire, au confluent du Gaudineau et de la Crûme, la forteresse de Chambrette constituait un poste de défense avancé du château de Tiffauges. Elle aurait été édifiée au XVIe siècle par son propriétaire, François Goullard (1).

En voici une description datée de 1700 : « Le château se composait d'une avant-cour à l'entrée de laquelle se trouvaient un pavillon et une forteresse avec canaux et guérites entourée de douves ; au milieu, d'un autre pavillon couvert en ardoises, avec rez-de-chaussée et deux étages ; et à droite, y touchant, un corps de bâtiments avec plusieurs salles basses et hautes » (2).

CadastreChambrette sur le cadastre des Landes-Genusson en 1839 (A.D. 85)
  

Chambrette brûle pendant les Guerres de Vendée 

Sous la Révolution, Chambrette fut incendié par les Colonnes infernales, probablement lorsque le général Cordelier envoya aux Landes-Genusson un bataillon d’infanterie et vingt chasseurs pour y attaquer une troupe de 200 « brigands », comme il l’écrit le 8 janvier 1794 : « Ce bataillon s’est fort bien acquitté de sa mission ; il a incendié le bourg des Landes-Genusson et ses dépendances, sans oublier le château, et a fusillé tous les hommes, femmes et enfants qui y étaient restés » (3). 

Le propriétaire du château, Henry-Charles de La Roche-Saint-André, un chef vendéen dont il a été question ici (c'est d'ailleurs à la suite de cet article, que la nouvelle de la démolition du château est parvenue) le releva de ses ruines après la guerre et s’y installa. C’est là, en novembre 1831, qu’il donna l’hospitalité à la comtesse de La Rochejaquelein, surnommée « l’héroïque comtesse » (4). 

L’ « héroïque comtesse » de La Rochejaquelein à Chambrette

CPA Chambrette

Pour contenir toute tentative de soulèvement de la Vendée hostile à la monarchie de Juillet, les troupes de Louis-Philippe quadrillaient le pays et surveillaient les lieux les plus séditieux, à commencer par le château de Landebaudière, à La Gaubretière, propriété d’Auguste de La Rochejaquelein et de son épouse, Félicie de Durfort-Duras. 

Le 9 novembre 1831, cette dernière et son amie Félicie de Fauveau furent délogées d’un four de la ferme de Rubion, dans lequel elles s’étaient cachées. Ramenée à Landebaudière et placée sous bonne garde, la comtesse de La Rochejaquelein parvint à s’échapper sous un déguisement de fille de cuisine. 

« Elle gagna les champs, rencontra un meunier déjà au courant de l'affaire, qui la prit en croupe pour la mener à Chambrette, sur la paroisse des Landes-Genusson. Il s'agissait d'une vieille tour qui servait de retraite à un ancien de la "grande guerre", M. de La Roche-Saint-André, qui ne demanda pas mieux que d'offrir l'hospitalité à "l'héroïque comtesse". Celle-ci avait été bien inspirée de fuir. Au matin de ce 10 novembre, le fermier de Rubion avait révélé au procureur du roi l'introuvable cache des pierres à fusil (…) On tenait désormais contre Mme de La Rochejaquelein la preuve d’un complot tendant à la guerre civile » (5). 

Chambrette 1Chambrette photographié au début du XXe siècle (Pays et Terroirs)
    

La ruine de Chambrette

Encore préservé au début du XXe siècle, le château de Chambrette a dépéri au fil des ans. En 2010 ne subsistaient guère que les murs des bâtiments, tandis que le donjon avait perdu ses tourelles d’angles. 

Hélas, on a appris ici qu’en décembre 2013, une grosse pelle hydraulique avait rasé l’ensemble des bâtiments jusqu’aux fondations, y compris le donjon quelque temps après. A-t-on manqué de moyens pour sauvegarder ces ruines ? On peut en douter en consultant les ressources financières, pour le moins enviables, de son propriétaire… 

Chambrette n’est plus à présent qu’un souvenir, auquel nous ne pouvons plus nous raccrocher qu’au travers d’anciennes cartes postales du début du XXe siècle ou les quelques photos prises en 2010 par Jean-Christophe Mênard, en vue de la publication d’un livre sur Les Landes-Genusson par les éditions Pays et Terroirs :

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DSC_03151La chapelle de Chambrette

DSC_03161Une tour, autrefois beaucoup plus haute
   


Notes

  1. André Laurentin, Le Haut-Bocage, monuments, sites et histoire, Res Universis, 1993, p. 116. 
  2. Auguste Audureau et Michel Paillat, À la découverte des Landes-Genusson en 450 illustrations, Cholet, Pays & Terroirs, 2010. 
  3. J.-J. Savary, Guerres des Vendéens et des Chouans contre la République française, réédition Pays et Terroirs, 1993, t. III, p. 165. 
  4. « En attendant le retour de Madame (la duchesse de Berry), la comtesse de La Rochejaquelein organisa l’insurrection dont le maréchal de Bourmont devint, en 1831, le chef suprême. Elle s’efforça de bien le renseigner ; de suppléer en l’absence de son mari ; de remplacer aussi le jeune colonel de Charette (neveu du général), qui ne débarqua en Vendée qu’au mois de juin 1831 ; de soutenir l’héroïque inexpérience du fils de Cathelineau, appelé à commander à son tour. Sur toute la rive gauche de la Loire, elle se conduisit, dès l’origine du mouvement, en animatrice (…) Elle joignait un esprit supérieur et des talents de chef » (Gustave Gautherot, La Vendée de 1832, l’ « Héroïque Comtesse », Revue du Bas-Poitou, 1922, p. 236). 
  5. Thérèse Rouchette, La folle équipée de la duchesse de Berry, C.V.R.H., 2004, p. 198