À l’écart d’un chemin perdu dans la forêt du Cellier (Loire-Atlantique) se dresse une vieille croix de bois qui semble protéger une tombe ornée de quelques fleurs défraîchies. Cette émouvante sépulture isolée dans les bois, connue sous le nom du « Petit Saint », garde le souvenir de deux martyrs tués par les soldats républicains en 1795. 

Le Petit Saint 5La tombe du Petit Saint dans la forêt du Cellier 
   

La carte de Cassini dressée au XVIIIe siècle nous montre une forêt du Cellier bien plus étendue qu’elle ne l’est aujourd’hui. Il n’est donc pas surprenant que l’endroit ait été choisi, en pleine Révolution, pour y célébrer des messes clandestines, auxquelles assistaient non seulement les paroissiens du Cellier, mais aussi ceux de Couffé, Saint-Mars-du-Désert et Oudon. 

Une messe était justement célébrée ici dans la nuit du 7 au 8 décembre 1795 par l’abbé Louis Jousset, prêtre originaire du Cellier (1). Les recommandations du général Hoche à l’égard du culte catholique ne paraissaient pas avoir convaincu aussi bien les fidèles, toujours attachés à leurs messes dans les bois, que les soldats républicains toujours prompts à les disperser et à pourchasser leurs curés. 

Dévorés par les chiens

Cette nuit-là, après plusieurs heures de confession, l’abbé Jousset officia à minuit, aidé par un jeune homme de dix-neuf ans, Jean Gauffriaud (2), qui se destinait à la prêtrise. Tout à coup, à l’instant où l’on récitait le Pater, les sentinelles crièrent que les Bleus arrivaient. Les soldats avaient été conduits dans cette clairière par les chiens des fermes voisines, dont les maîtres se trouvaient à la messe. Les fidèles parvinrent à s’enfuir à travers bois, sauf l’abbé Jousset et le jeune Gauffriaud, qui furent massacrés sur place. On raconte que les Bleus « excitèrent les molosses à dévorer les deux corps, tout en chantant la Marseillaise » (3). 

On recueillit les dépouilles des victimes le lendemain. Le corps du prêtre fut emporté par des habitants d’Oudon qui l’inhumèrent sur la route de Paris. Celui de Jean Gauffriaud, en revanche, fut enterré là même où il avait péri, et sa tombe devint aussitôt un lieu de vénération pour celui qu’on appelait désormais le « Petit Saint ». 

En 1854, on découvrit en abattant un hêtre près de cette sépulture, sous l’écorce de l’arbre, la gravure d’une croix, d’un calice, d’un ciboire et d’un ostensoir. 

La tombe en bon état et toujours fréquentée ne porte pas d’inscription. C’est sur le socle de maçonnerie de la vieille croix de bois qu’on trouve une plaque de marbre sur laquelle on peut lire : 

En cette forêt
la nuit du 7 au 8 décembre 1795
pour leur fidélité au Christ et à son Église
après la célébration de la messe
furent massacrés
Louis Jousset 49 ans prêtre du pays
Jean Gauffriaud, 19 ans agriculteur du pays
Qu’ils gardent la foi dans notre paroisse St Martin
    


Quelques photos de la tombe du Petit Saint prises hier : 

Le Petit Saint 1Au bord du chemin (privé), la tombe du Petit Saint (croix rouge)

Le Petit Saint 2La croix et la tombe du Petit Saint

Le Petit Saint 3Une tombe perdue dans la forêt du Cellier

Le Petit Saint 4La croix et la tombe

Le Petit Saint 6La plaque commémorative sur le socle de la croix

Le Petit Saint 7Une vieille croix de bois sans âge

Le Petit Saint 8La plaque de marque face à la tombe

Le Petit Saint 9Dernier regard sur la tombe du Petit Saint dans une forêt noyée de brouillard
   


Notes : 

  1. Il est né et a été baptisé le 17 avril 1746 au Cellier (A.D. 44, état civil du Cellier, BMS 1746) et a accédé à la prêtrise le 9 juin 1770 (A. Lallié, Le diocèse de Nantes pendant la Révolution, t. II, p. 191). 
  2. Fils de Nicolas Gauffriaud et Marie Launeau, il est né et a été baptisé le 6 juillet 1776 au Cellier (A.D. 44, état civil du Cellier, BMS 1776). 
  3. Michel Lagrée, Jeanne Roche, Tombes de mémoire, la dévotion populaire aux victimes de la Révolution dans l’Ouest, Apogée, 1993, p. 52. 

AB_Louis_Jousset_1746L'acte de baptême de l'abbé Louis Jousset

AB_Jean_Gauffriaud_1776L'acte de baptême de Jean Gauffriaud, le Petit Saint du Cellier

AD_Jean_GauffriaudEnregistrement du décès de Jean Gauffriaud dans les reconstitutions d'actes d'état civil après la Révolution. Il est noté que « Jean Gaufriaud, garçon agé de vingt ans, domicilié au Rochais (Rocher), fils de Nicolas Gaufriaud et de Marie Launeau, fut tué dans le forêt du Cellier le sept décembre mil sept cent quatre vingt quinze, ainsi qu'il est prouvé par la déclaration du vingt deux ventose an cinq (12 mars 1797), faite par la dite Marie Launeau sa mère, soutenue de l'attestation de Jean Even et Louis Richard, témoins non parents qui ne signent. »