La Vendée connaît, en ce début d’année 1799, une agitation accrue par les persécutions anticatholiques, la crise économique, et la guerre qui a repris aux frontières. À la misère qui frappe le pays s’ajoute soudain, le vendredi 25 janvier, une catastrophe naturelle : un grand tremblement de terre.
Vue de l'île de Bouin, estampe sur papier, XVIIe siècle (A.D. 85, 1 Fi 1142)
Ce séisme d’une rare violence a touché tout le Marais breton et ses environs : les îles de Bouin et Noirmoutier, la baie de Bourgneuf et le Pays de Retz, les marais de Challans et de Monts. Le commissaire de Bouin en informe aussitôt les autorités départementales à Fontenay : « À 4 heures un quart ce matin, nous avons été éveillés par un très fort tremblement de terre ; il nous a semblé pour un instant être engloutis sous les débris de nos demeures ; plusieurs murs et maisons sont tombés ; la flèche du clocher toute en pierre de taille construite en siment (sic) est sur le point de tomber, ainsy que plusieurs autres maisons ; heureusement personne de blessée. Sa durée a été d’environ une demi-minutte. La direction semblait être du Sud au Nord » (1).
La secousse a été perçue bien au-delà du Marais breton (2). À Nantes, elle « a causé une telle violence qu'une très grande quantité de citoyens ont sorti de leurs maisons et sont allés sur les places ou sur les quais pour éviter d'être écrasés sous les décombres (…) La rivière (la Loire) s'est tellement soulevée que les bateliers ont quitté leurs bateaux avec précipitation et frayeur » (3)
Les Affiches d’Angers du 10 pluviôse an VII (29 janvier 1799) publient une lettre qui rapporte les effets perçus à Beaufort, dans la vallée de la Loire, à 180 km de Bouin : « Aujourd’hui, à 4 heures du matin, nous avons ressenti un violent tremblement de terre qui s’est prolongé pendant l’espace de trente secondes. On pourrait dire que, pendant cet intervalle de temps, il y a eu deux tremblements de terre ; car, d’abord, les secousses se sont appaisées pendant quelques secondes, sans cependant cesser totalement : mais ensuite elles ont repris avec plus de violence (…) Les maisons ont été tellement ébranlées, qu’on peut comparer la commotion qu’on y éprouvait, à celle que l’on ressent dans une voiture non suspendue (sans suspension) et qui roule avec vîtesse sur le pavé » (4).
Le séisme a été ressenti à Beaufort, à l'est d'Angers
(A.D. 40, Les Affiches d'Angers, 29 janvier 1799)
Le commissaire de Bouin dresse un bilan le 28 janvier : « La ville, quoiqu’assé maltraitée, ne l’a point été autant que le marais ; des quartiers surtout sont abîmés, des maisons sont éboullées en entier, les habitans obligés de se sauver par les brèches des murs et de la toiture ; d’autres, les murs au ras de terre, se sont détachées de leur fondement et reportées soit en avant soit en arrière (…) »
On croit à l’éruption d’un volcan
Le même poursuit son rapport en évoquant l’hypothèse d’une éruption volcanique : « Le jour et le lendemain, et même encore dans ce moment, nous entendons à diverses reprises un bruit semblable au tonnerre ou à des secousses souterraine et lointaine, ce qui nous fait présager qu’il s’est ouvert quelques volcans qui s’agitent violamment (sic). On nous dit que la commune de Barbâtre et celle de Machecoul ont beaucoup souffert » (5).
Il n’est pas le seul à croire, à l’époque, à cette explication. Les Affiches d’Angers du 12 pluviôse an VII (31 janvier 1799) rapportent en effet la « circonstance singulière qui a accompagné le tremblement de terre », à savoir une hausse de la température au moment de la secousse, « ce qui donne à penser que le foyer du volcan qui l’a produite, ne doit pas être très éloigné » (6).
« La fin du monde ou le renversement de la République »
Outre le bâti, le séisme a aussi frappé les esprits, déjà bien troublés depuis plusieurs mois. Le commissaire de Tiffauges s’inquiète le lendemain de ses conséquences politiques : « Le tremblement de terre qui vient d’avoir lieu dans la nuit du 24 au 25 de ce mois (pluviôse an VII), sur les trois heures du matin (…) fait présumer au peuple que c’est la fin du monde, ou, tout au moins, le renversement de la République » (7)
Le bruit se répand que la catastrophe avait été prophétisée une semaine auparavant par des personnes « inspirées du Très Haut ». Le commissaire de Bouin s’en moque : « On vas jusqu’à nous dire que le 23 de mars prochain, veille de cy devant Pâques, à 6 heures 4 du matin, nous éprouverons un autre tremblement de terre, duquel on se ressouviendra longtemps. Vous voyez par là que quoique nous n’ayons pas de savans dans nos cantons, nous avons au moins des privilégiés du Tout Puissant qui prédisent l’avenir » (8).
Lorsque des répliques suivent au début de février et surtout le 21 mars, vers midi, le commissaire se fait moins railleur sur « les bruits populaires ». D’après eux, écrit-il le 22 mars, « nous devons en avoir deux autres plus forts, un demain et l’autre le 25 ». À croire que le Ciel, qui envoyait même des lettres (9), semblait donner raison à ceux qui parlaient de vengeance divine contre la République.
Écho du tremblement de terre de 1799 aux Sables-d'Olonne dans le manuscrit d'André Collinet (A.D. 85, 144 J 30, p. 63) : « Tremblement de terre du 25 janvier 1799 aux Sables : Les vent étois (était) calme et il tombet une petite pluie meme, le baromètre étoit à temps variable. Le 25 janvier 1799 /ou/ vendredy 6 Pluviôse de la 7e, à quatre heures du matin on a ressenti un tremblement de terre qui a duré quatre minute pendant lesquel il y a eu 3 forte secousse qui n’ont causé aucun mal, la commotion s’est faite sentir de l’Ouest à l’Est, avec un bruit semblable à un vent violant, la mer s’est ressentie de la commotion, et les batiments en le port ont été secoué… »
Notes :
- A.D. 85, L. 202, A. Billaud, La Vendée sous le Directoire, 1949, p. 237-238. Il n'y a pas de décès enregistrés après le séisme dans le registre d'état civil de Bouin.
- Elle fut ressentie de la Bretagne jusqu’à l'Auvergne. D’après des études sismologiques récentes, « cette secousse est estimée avoir atteint le degré VIII sur l’échelle d’intensité des séismes en XII degrés. Pour autant, les études sismologiques retiennent que l’épicentre a dû atteindre une intensité un peu moindre, de l’ordre de VII-VIII, et que le foyer de la secousse se situerait non pas au cœur du marais, mais un peu plus à l’ouest, en mer, dans la baie de Bourgneuf. La raison en est due aux effets de site initiés par les conditions géologiques superficielles du marais (sédiments peu consolidés) qui ont amplifié localement le mouvement sismique ».
- La Feuille nantaise, 8 pluviôse an VII.
- A.D. 49, Les Affiches d’Angers, pluviôse an VII, vue 9/31.
- A. Billaud, op. cit., p. 238.
- A.D. 49, Les Affiches d’Angers, pluviôse an VII, vue 11/31.
- A.D. 85, L. 252., A. Billaud, op. cit., p. 238.
- A. Billaud, op. cit., p. 239.
- La diffusion à travers la Vendée, au début de l’année 1799, de copies d’une « Lettre du Ciel » mobilisa l’attention des autorités et de la police contre ces messages qui participaient à une agitation toujours accrue depuis 1798.