Dans son intervention à La Roche-sur-Yon le 31 janvier, Franck Ferrand a contesté l’explication « consensuelle » de la devise de la Vendée : Utrique Fidelis. Selon lui cela ne signifierait nullement « Fidèle aux Blancs et aux Bleus », mais bien « à Dieu et au Roi ». Il a bien raison, et voici pourquoi… 

Blason de la Vendee
Le blason et la devise de la Vendée établis en 1943
   

Cette devise de fidélité aux Blancs et aux Bleus, à la Vendée de Charette et celle de Clemenceau, a été imposée depuis longtemps comme un symbole de réconciliation, avant tout destiné à faire passer aux républicains la pilule d’une iconographie un peu trop catholique et royaliste. C’est ainsi qu’elle nous est servie depuis maintenant 75 ans, comme on peut le lire dans un article publié sur le site des Archives de la Vendée à propos du blason du département : 

« On avait eu le souci de choisir des armes pour ainsi dire parlantes, évoquant sans conteste la Vendée, tout en cherchant à éviter qu’il ne s’agisse que d’une Vendée. La devise, “Utrique fidelis” (fidèle à l’un et à l’autre), proposée par un fonctionnaire, l’archiviste du département, faisait explicitement référence à la présence de braves du côté des Bleus comme de celui des Blancs. »

L’auteur de la devise lui-même, Pascal Lanco, n’avait-il pas déclaré en 1944 : « Il faut constater que des deux côtés de la barricade, des braves gens se sont trouvés dans les deux partis opposés et, comme l’on doit toujours chercher ce qui unit et non ce qui divise, en ce qui concerne les citoyens d’une nation, cette devise (Utrique fidelis) rappelle parfaitement qu’ont également, et souvent héroïquement, versé leur sang pour le drapeau sous lequel ils étaient enrôlés, les blancs et les bleus, les royalistes et les républicains, les Chouans aussi bien que les patauds : Utrique Fidelis. »

Voilà pour la belle histoire contée aux écoliers. Regardons à présent de plus près sur l’origine de cette devise pour comprendre son sens réel. 

Le retournement de veste de Pascal Lanco

Le blason de la Vendée fut créé en 1943, non pas à la demande du gouvernement de Vichy, comme le prétend Franck Ferrand (à 1:34 de son allocution), mais à l’initiative de Jacques de Maupeou, directeur de la Revue du Bas-Poitou, qui lança un concours afin d’offrir un emblème au département à l’occasion du 150e anniversaire de l’insurrection de 1793. 

Ce concours vit affluer de nombreuses propositions, certaines assorties d'un croquis. Le choix final se porta sur le projet n°26, conçu par Erik Dahl sous la forme qui nous est familière (illustration plus haut) d’un double cœur surmonté d’une couronne et d’une croix, et entouré d’une bordure alternant les fleurs lys (armes de France) et les châteaux d’or (armes du Poitou). Ce blason ne comportant pas de devise, on emprunta celle du projet de Pascal Lanco : Utrique Fidelis

Le récit s’arrête toujours là malheureusement, car on oublie de décrire le blason imaginé par Pascal Lanco. Son dessin était aussi simple qu’explicite. Voici comment son auteur le présenta au concours de 1943 : « Parti, à dextre de gueules à la croix d’or, et à senestre d’azur à la fleur de lys d’or ; la croix et la fleur de lys symbolisant les deux grandes causes pour lesquelles la Vendée a combattu à la fin du XVIIIe siècle. J’y adjoins la devise “Utrique Fidelis” qui me paraît tout à fait adéquate à ce sujet ». 

Blason P Lanco
Le véritable projet de blason de Pascal Lanco avec sa devise
   

Cette explication limpide et cohérente avec ce projet de blason a été soigneusement remisée au fond d’un carton lorsque les événements de la Libération ont convaincu Pascal Lanco d’adapter sa démonstration historique à un auditoire communiste un peu moins réceptif à cette envolée catholique et royaliste. Il invoqua alors les mânes des Bleus pour sauver sa peau. Sa déclaration de 1944, citée plus haut, est dès lors restée inscrite dans le marbre pour traduire « officiellement » la devise de la Vendée. 

Ce « Fidèle aux Blancs et aux Bleus » n’est par conséquent que du politiquement correct. La véritable devise, exprimée de la manière la plus limpide dans le projet de Pascal Lanco, restera à jamais : « Fidèle à Dieu et au Roi ».