Pour sa 9e édition, la randonnée annuelle sur les traces des Guerres de Vendée dans les Mauges a glissé vers le pays de Chemillé. Des landes des Cabournes à la Croix des Combats, en passant par le château de la Morosière, cette marche a réveillé le souvenir de La Rochejaquelein et de Stofflet en 1794-1795.

Randonnee 10 mars 2019La Croix des Combats et le panorama sur Neuvy-en-Mauges,
théâtre de la dernière bataille d’Henri de La Rochejaquelein 
   

Le point de rendez-vous a été fixé près de l’église Notre-Dame-des-Mauges où Bernard Chevalier (du Grahl de Beaupréau) et Christophe Cholet (de La Poitevinière dans le rétro) ont accueilli les participants et donné les instructions pour assurer le bon déroulement de la randonnée.

Notre-Dame-des-Mauges

Bertrand Delahaye a ensuite pris la parole pour évoquer l’histoire de « cette terre de confins » entre Anjou et Poitou (1), longtemps restée à l’écart de toute voie de communication. Ce qui n’était alors qu’un hameau autour de la Trainerie, comme on le voit sur le cadastre de 1834, se trouvait si isolé du bourg de Jallais au milieu du XIXe siècle, que ses habitants émirent le vœu d’y bâtir une grande chapelle pour y exprimer leur foi.

Un pieux cultivateur, Jean Boussion, prit les choses en mains pour réunir les matériaux et lancer en 1862 les travaux de construction d’une église formée d’une simple nef et d’un chœur aux murs de schistes et de briques (2). De cette entreprise naquit quelques années plus tard une paroisse prélevée sur celle de Jallais, et qui recevra le nom de « Notre-Dame-des-Mauges ». 
   

Randonnee 10 mars 2019 1Près de l’église de Notre-Dame-des-Mauges, Bernard Chevalier (à droite au micro) donne les instructions pour le bon déroulement de la randonnée. 
    

Les landes des Cabournes

Bertrand Delahaye ajouta quelques anecdotes sur des maisons et des fermes voisines, puis notre groupe de marcheurs est monté vers les Cabournes, marquant un arrêt à l’ombre des murs de la Maison-Neuve, à l’abri d’un vent frais qui balayait ces hauteurs jadis couvertes de landes ingrates. L’historien a commencé par expliquer l’origine du mot « cabourne » que le Glossaire des patois et parlers de l’Anjou, par Verrier et Onillon, qualifie de « méchante cabane, taudis, cahute, masure ». Une autre explication pourrait venir de l’altération des « quatre bornes », marquant le point de rencontre de quatre paroisses. Bertrand Delahaye a d’ailleurs rappelé la légende du tumulus du « chevalier Chaperon », aussi connu sous le nom de « table des quatre curés » qui pouvaient y déjeuner sans quitter leurs paroisses respectives.

Rappelant que nous étions là « dans le sanctuaire de la Vendée angevine », il s’est étendu plus longuement sur les événements du début de l’année 1794. La Rochejaquelein et Stofflet étaient parvenus à repasser la Loire à la mi-décembre 1793, au retour de la Virée de Galerne, accompagnés de quelques centaines d’hommes. Le nom de « Monsieur Henri », qui errait depuis quelques semaines dans ce bocage, et les premiers jours de campagne des colonnes du général Turreau, qui massacraient et brûlaient tout sur leur passage, suscitèrent un rassemblement dans cette lande des Cabournes où les Bleus ne s’aventuraient guère. Il y avait là cette « Petite Armée » que Pierre Cathelineau, frère du généralissime, avait maintenue dans les Mauges à la fin de l’année 1793. « Comme nous venions d’apprendre l’arrivée de La Rochejaquelein dans le bois de Saint-Lézin, rapporte M. de La Bouëre, nous renvoyâmes tous nos gens en les ajournant au lendemain, 24 janvier (1794), au même endroit, les engageant à ramener avec eux le plus de jeunes gens ou d’hommes en état de se battre, leur disant qu’il n’y avait pas d’autre moyen d’arrêter les incendies et les massacres ». 
   

Randonnee 10 mars 2019 11Sur le chemin (privé) entre les Cabournes et la Morosière 
   

La présence de La Rochejaquelein fut toutefois dénoncée par le citoyen Thubert, curé intrus de Chemillé, au général républicain Cordelier, alors à La Jumellière. Ce dernier envoya fouiller le bois de Saint-Lézin, n’y trouva rien, et fusilla le délateur « comme un alarmiste » (3).

Monsieur Henri n’était pourtant pas bien loin. Le 24 janvier, vêtu de la redingote bleue d’un officier républicain (4), il prit la tête d’une troupe nombreuse « près d’un moulin à vent dans la lande des Cabournes » (nous étions tout près de l’endroit). Ils se dirigèrent vers Neuvy, dépassèrent le bourg et se heurtèrent à un bataillon occupé à mettre le feu au moulin de Grouteau. Les Bleus ne tinrent pas longtemps face à l’ardeur des paysans. Ils décampèrent en direction de Saint-Laurent-de-la-Plaine, par le vieux chemin que nous emprunterons tout à l’heure. Ce fut là la dernière bataille et la dernière victoire d’Henri de La Rochejaquelein. 

Bertrand Delahaye a également évoqué les malheurs subis par les habitants du pays au temps des Colonnes infernales. Il a rappelé les noms de quelques-unes de leurs innombrables victimes, qui périrent près d’ici le 20 janvier 1794, comme Marie Boidron, 67 ans, de la Teulière, tuée par les Bleus en se sauvant dans le pré des Aunaies-Jaguz (à 500 m au nord du village de Notre-Dame-des-Mauges) ; Marie Brouard, 41 ans, tuée elle aussi près des Aunaies-Jaguz ; et trois autres personnes tuées un peu plus haut, à la Couraudière : les métayers Jacques Chevalier, 50 ans, et Mathurin Brouard, 52 ans, avec une jeune domestique de 20 ans, Marie Coiffard, originaire de Saint-Martin de Beaupréau.
   

Randonnee 10 mars 2019 15Devant l'orangerie du château de la Morosière 
   

Le château de la Morosière et le trésor de Stofflet

La randonnée a repris son cours le long d’un chemin (privé) menant à travers champs jusqu’au château de la Morosière. Le site historique, habituellement inaccessible au public, nous était exceptionnellement ouvert. Marcel Humeau, historien du pays de Chemillé, y a raconté nombre d’anecdotes liées à ce lieu : une réunion de chefs vendéens au château en juillet 1793 ; les malheurs du jeune de Violaine, fils des propriétaires de la Morosière à la même époque, emmené par les Bleus, incarcéré dans l’église Saint-Pierre de Doué transformée en prison, mais épargné en raison de son âge ; et bien sûr la présence dans ces murs du quartier général de Stofflet en 1795.

On ne pouvait naturellement échapper à cette fameuse histoire de trésor de pièces d’or découvert en 1878 dans une allée du domaine appelée depuis lors « l’allée de la Boursée ». Marcel Humeau nous en a livré les trois versions, sachant que le bénéficiaire de cette fortune fut toujours Mme des Cars, propriétaire de la Morosière. Elle en fit bon usage. Les Neuvillois (habitants de Neuvy-en-Mauges) lui doivent en effet la construction de l’église, de deux écoles et d’une maison asile pour vieillards. Mais ses œuvres charitables dépassèrent le cadre de la commune, comme en témoigne le clocher de Notre-Dame-des-Mauges, érigé grâce à cette bienfaitrice. Elle fut même la marraine de la plus grosse des trois cloches. 
   

Randonnee 10 mars 2019 18Le château de la Morosière
   

La Croix des Combats à Sainte-Christine

Nous avons ensuite quitté la Morosière, traversé le bourg de Neuvy-en-Mauges, aperçu au loin, caché derrière un rideau d’arbres, le château du Lavouër où l’abbé Bernier, l’éminence grise de Stofflet, résidait en 1795, et continué notre chemin jusqu’à la vallée du Jeu. Au-dessus de Grouteau, au bord de la rivière, s’ouvre un vieux chemin creux, vestige de l’ancienne route de Chalonnes, où se déroula la bataille du 24 janvier 1794, relatée précédemment aux Cabournes. Nous l’avons suivi en gravissant le coteau jusqu’à la Croix des Combats, un monument du Souvenir Vendéen inauguré en 1971 en mémoire des habitants de Sainte-Christine morts pour leur foi, et de la victoire d’Henri de La Rochejaquelein. 
   

Randonnee 10 mars 2019 28Marcel Humeau à la Croix des Combats
   

En redescendant le coteau vers l’ouest, nos pas nous ont menés à la Grande-Dube, une ferme bien connue pour ses activités pédagogiques, mais aussi pour le spectacle sur les Guerres de Vendée qu’elle a accueilli en 2011 et 2013 : Moulin Turpin. Élie Jarry, le maître des lieux, a présenté l’histoire de ce son et lumière qui mobilisa de nombreux bénévoles de tout âge, à travers la projection de plusieurs séquences filmées. La randonnée s’est achevée sur ces images pleines de nostalgie pour ceux qui avaient assisté à ces scènes.

Merci au Grahl de Beaupréau pour l’organisation de cette marche, qui nous donne accès à des lieux parfois inaccessibles, et pour la qualité des intervenants ! 

Retrouvez les photos de la randonnée sur le site du Souvenir Vendéen ! 
    


Notes : 

  1. Ces confins poitevins ont laissé une trace dans la toponymie, en particulier à La Poitevinière, commune voisine de Jallais. Le diocèse poitevin de Maillezais, plus tard rattaché à La Rochelle, s’étendait au nord jusqu’à l’abbaye de Bellefontaine, à Saint-Georges-du-Puy-de-la-Garde et à Cossé.
  2. Le clocher en tuffeau et couvert d’ardoises fut ajouté en 1882.
  3. Souvenirs de la comtesse de La Bouëre, pp. 137-138.
  4. Cet officier, qui était accompagné du curé Thubert, avait été tué la veille lors d’une poursuite en revenant vers Chemillé. Renée Bordereau en parle dans ses Mémoires, p. 39.