Les pièces relatives à la Grande Guerre de 93 sur le site des Archives de la Vendée ne sont pas toutes réunies dans le fonds du S.H.D. ou des Archives nationales. On trouve par exemple, dans le fonds Gauly, égarée parmi des documents concernant la monarchie de Juillet, cette lettre sur la situation en Vendée à la fin septembre 1793. 

81 J 267-28 1Début de la lettre d'Auguste Rousse (A.D. 85, 81 J 267-28)
   

Rédigé le 22 septembre an II par Auguste Rousse, « bon patriote » réfugié à La Flèche, ce document décrit le tournant de la guerre après l’offensive républicaine qui échoua à Torfou, au Pont-Barré et à Coron. Un nouvel assaut mené depuis Nantes par l’armée de Mayence, depuis Luçon par l’armée commandée par Bard et depuis Bressuire par celle commandée par Chalbos, resserre inexorablement l’étau sur les forces vendéennes qui s’épuisent au fil des combats. La lettre donne également un aperçu de la situation des « patriotes » restés à l’intérieur du territoire encore aux mains des insurgés.

En voici la retranscription : 

Je ne puis, mon cher ami, vous exprimer la joie que m’a causé votre lettre ; j’y ajoute une satisfaction que mon cœur affligé n’espérait plus ressentir, celle d’apprendre que mon papa et maman se portent toujours bien, car parmi des brigands fanatiques on vit aujourd’hui, demain on n’est plus. 

Voilà mon cher ami ce que je redoute encore car que puis-je espérer ; Mortagne est refortifié et miné de tous côtés ; les rebelles sans doute veulent s’y défendre ; mais il faudra bien qu’ils cèdent enfin au courage de nos troupes que rien ne peut plus arrêter tant à Saumur qu’à Angers et à Nantes où la garnison de Mayence toute entière frappe les plus grands coups (1) ; déjà les côtes de la mer jusqu’aux Sables sont entièrement purgées de ces brigands. L’armée nantaise est déjà à Montaigu. Saint-Lambert auprès de Chemillé est à nous. Brissac, Doué, Vihiers, Thouars, tout cela a été conquis par les républicains. Santerre (2) se porte en ce moment sur Chollet avec une armée très nombreuse pour en faire le siège, et si les brigands s’y veulent maintenir, il y a toute apparence que cette ville ainsi que Mortagne ne seront pas seulement bombardées, canonnées, mais encore rasées sitôt leur reddition.

Et dans ces terribles moments, que deviendront mon père et ma mère ? Ces brigands forcés alors dans leurs derniers retranchements étendront leur rage sur les infortunés patriotes qu’ils tiennent dans leurs fers, et n’épargneront sans doute pas mon papa et maman qu’ils ont toujours reconnus pour bons patriotes. Voilà mes craintes, chefs citoyens, et ne sont-elles pas que malheureusement trop fondées ! Mais j’espère toujours qu’ils pourront se tirer de ce mauvais pas, car jusqu’ici la Providence (3) a semblé veiller sur leurs jours et peut(-être) ne les abandonnera-t-elle pas dans le fort de l’action. 

Je crois, mon cher ami, qu’en vous rendant à l’armée de Saumur qui se porte en avant, vous seriez plus à portée de sçavoir de leurs nouvelles et peut-être même de les sauver, car les brigands sont épouvantés sur tous ces points et ne sçavent où donner de la tête. 

Vous me faites bien du plaisir en m’apprenant l’évasion de mon oncle, de ma tante et de mes cousins et cousines. Témoignez-leur toute ma joie de les voir sortir des mains de ces animaux fanatiques et ne manquez pas de les assurer de mon amitié. 

Adieu, mon cher ami, aux frontières, à la Vendée, partout les aristocrates prennent la fuite. Espérons que le règne des tyrans passera, et qu’après tant de maux nous goûterons enfin le bonheur. Adieu encore une fois et croyez-moi. Pour la vie, le meilleur et le plus reconnaissant de vos amis. 

Auguste Rousse, bon patriote 
  

Source : Archives de la Vendée, fonds Gauly, monarchie de Juillet, élections législatives en Vendée, lettre jointe au discours de M. Rousse, juge de paix du canton de Fontenay (23 juin 1830), 81 J 267-28
   

81 J 267-28 2Signature d'Auguste Rousse, « bon patriote »
   


Notes :

  1. Après son offensive de septembre 1793, repoussée à la bataille de Torfou le 19, l’armée de Mayence est repartie à l’assaut depuis Nantes le 25, a battu Bonchamps à Treize-Septiers le 6 octobre, et marche sur Cholet.  
  2. En réalité, Santerre a été rappelé en raison de sa déroute à Coron le 18 septembre. 
  3. Étonnant de voir un bon républicain en appeler à la Providence !