La tradition orale rapporte qu’un massacre fut commis par une colonne infernale au village de la Brenauderie (ou Bernauderie), paroisse de Saint-Martin-des-Noyers, en février 1794. Dix-huit personnes auraient été tuées par les soldats républicains. Mais le récit transmis au sein de la famille Puaud ne colle pas tout à fait avec la généalogie.
Le village de la Brenauderie sur le cadastre de 1825 (A.D. 85)
L’histoire de ce massacre a été racontée par Henri Bourgeois dans La Vendée historique en 1909 : « … La famille Puaud était nombreuse : trois générations habitaient sous le même toit. Pierre Puaud était âgé de seize ans ; Jean, son père, en avait quarante-cinq ; le grand-père, Jean-Baptiste, était presque octogénaire. Au mois de janvier 1794, les colonnes infernales envahirent la contrée et ce fut alors seulement que commença pour les malheureux habitants, jusque-là épargnés, la période des incendies et des massacres. Le village de la Brenauderie devait être éprouvé entre tous (…) »
Le récit du massacre de la famille Puaud
Henri Bourgeois indique ensuite qu’il copie textuellement le manuscrit rédigé par le curé Hillairet, sous la dictée d'Hortense Puaud :
« Au plus fort de la guerre, le village est envahi un jour par les Bleus, qui se livrent à leurs atrocités ordinaires. Ils saisissent le vieillard, lui passent une corde au cou et l'entraînent au bord d'une fosse. Pendant plus d'une heure ils lui font faire le tour de la fosse en le frappant et l'injuriant. Ils le menacent de l'y jeter s'il ne veut pas crier : Vive la République ! Mais à chaque sommation, il répond hardiment : Crève la République ! Sans cesse il faisait son signe de croix, croyant à chaque instant qu'on allait l'achever. À la fin les Bleus l'étranglent et le noient dans la fosse. »
Après le vieillard, ce fut le tour de son fils Jean, père de Pierre et arrière-grand-père d'Hortense Puaud. Le manuscrit poursuit ainsi :
« Jean Puaud, âgé de quarante-cinq ans, saisi par les soldats en même temps, fut invité à crier lui aussi : Vive la République ! À chaque fois qu'on lui disait : Allons ! crie donc Vive la République ! il répondait : “Y ne hucherai jamais votre République, je suis un bon chrétien !” On le menace de le sabrer : “Je le veux bien, dit-il, mais laissez-moi dire un acte de contrition et faire un signe de croix”. Son corps fut haché par morceaux et jeté dans la fosse avec le cadavre de son père. »
À peine Jean Puaud avait-il rendu le dernier soupir, que les massacreurs passèrent à d'autres victimes plus jeunes :
« La fille de Jean Puaud, Marie-Renée, fut sabrée en même temps. La pauvre fille s'efforçait d'amortir les coups en se couvrant la tête avec son tablier : à chaque nouvelle blessure, elle faisait un signe de croix. Son frère, François, et ses deux cousins germains, Jacques et Pierre Puaud, subirent le même sort. »
« Le futur grand-père d'Hortense, Pierre Puaud, petit-fils, fils, frère et cousin germain de ces martyrs, ne se trouvait point dans le village lorsque les Bleus y firent irruption ; il arriva pendant qu'on massacrait ses parents. » En l’apercevant, les Bleus se mirent à sa poursuite mais ne purent que le blesser. Pierre rejoignit alors l'armée de Charette. Il « vécut jusqu'à l'âge de quatre-vingts ans : on voit qu'il eut tout le temps de raconter à sa fille l'horrible drame dont il avait été témoin… »
Voilà pour le récit que Jean Lagniau a repris dans le n°22 de la revue La Fin de la Rabinaïe (février 1987, pp. 10-11).
Généalogie simplifiée de la famille Puaud, victime du massacre de la Brenauderie en 1794 (Pierre Puaud, le survivant qui a transmis le récit à ses descendants, est surligné en rouge)
Des points d’interrogation sur l’histoire et la généalogie
La transmission orale de ce drame semble avoir subi quelques altérations au fil des ans.
D’une part, les environs de Saint-Martin-des-Noyers n’ont pas été touchés par la première marche des Colonnes infernales, en janvier-février 1794. Il n’est pourtant pas exclu que des détachements de soldats aient pu s’y aventurer depuis leurs cantonnements au sud du Bocage, peut-être à une date postérieure. On sait par exemple que la colonne du général Ferrand passa dans le secteur de Sainte-Cécile aux Essarts en juillet 1794.
D’autre part, la famille Puaud décrite dans cette histoire ne cadre pas complètement avec les données généalogiques. Il est question :
- du grand-père, Jean-Baptiste, octogénaire ;
- du père, Jean, 45 ans ;
- du fils, Pierre, 16 ans, le survivant ;
- de Marie-Renée et François, autres enfants de Jean, tués également lors du massacre ;
- de Jacques et Pierre, deux cousins germains de Pierre, tués eux aussi ;
- d’Hortense Puaud, petite-fille de Pierre.
Les recherches sont ardues car l’orthographe des patronymes n’étant pas fixée avant l’instauration du livret de famille à la fin du XIXe siècle, on trouve aussi bien des Puaud, Puau, Péault, Péau, etc., dans cette généalogie.
Bonne nouvelle, Pierre Puaud est attesté : il est né le 15 octobre 1777 à Saint-Martin-des-Noyers ; il a donc effectivement 16 ans lors du massacre. Son père s’appelle bien Jean, et sa mère Renée Bouffard. Le décès des parents a été constaté par un acte de notoriété dressé aux Essarts par le juge de paix, le 12 thermidor an XIII (31 juillet 1805), et cité dans l’acte de mariage de Pierre Puaud avec Jeanne Baudry conclu un mois après, ce qui laisse penser que cette mort a eu lieu à l’époque de la guerre civile.
Pierre a une fille, Marie, née en 1811, qui épouse en 1843 Charles-Cyprien Seguin, avec lequel elle aura une fille, Marie-Eugénie-Hortense, née en 1844. Jusque-là tout coïncide, sauf qu’Hortense ne porte pas le nom de Puaud.
Les points de divergence sont les suivants :
- Qui est ce « Jean-Baptiste », l’octogénaire massacré ? Le grand-père paternel de Pierre (le survivant) s’appelle lui aussi Pierre ; en outre il est mort en 1784 aux Essarts. Rien non plus du côté maternel : le père de Renée Bouffard s’appelle Louis. Peut-être un vieillard prénommé Jean-Baptiste a-t-il été tué par les Bleus à la Brenauderie, mais si tel est le cas il conviendrait d’établir son lien de parenté.
- Du côté de la fratrie du survivant, il existe bien une Renée Puaud, née en 1771 à Saint-Hilaire-le-Vouhis ; a priori il n’y a pas de François, mais trois autres enfants morts avant la Révolution, et un autre, Louis, qui survit aux événements.
- Quant aux deux cousins germains, Jacques et Pierre, le mystère demeure. Toutefois, un certain Jacques Puaud a bien été déclaré mort en février 1794, mais il est le frère de Jean, donc l’oncle de Pierre. L’acte de mariage de son fils Joseph nous apprend en effet que « Jacques Puaud cultivateur (est) décédé au mois de février mil sept cent quatre vingt quatorze en cette dite commune (Saint-Martin-des-Noyers) comme le déclarent et l'affirment par serment le dit futur époux et les quatre témoins du présent acte de mariage… »
- Ce Jacques Puaud avait un fils, François, né en 1771 à Saint-Hilaire-le-Vouhis. Peut-être est-il celui que le récit nous présente comme le frère de Pierre et Marie-Renée, mais qui serait en fait leur cousin germain ?
Pour dissiper ces zones d’ombre, il faudrait reconstituer les familles du village de la Brenauderie à la veille de la Révolution et comparer la situation dans les années 1800. On saurait plus précisément qui a disparu dans la tourmente.
Actes de baptême, mariage et décès de Pierre Puaud, le survivant du massacre :
L'acte de baptême mentionne la naissance de Pierre Puaud à la Brenauderie
(15 octobre 1770, registre paroissial de Saint-Martin-des-Noyers, A.D. 85)
L'acte de mariage mentionne la déclaration de décès des parents de Pierre Puaud
(9 thermidor an XIII, état civil de Saint-Fulgent, A.D. 85)
Acte de décès de Pierre Puaud (18 février 1855, état civil de Saint-Fulgent, A.D. 85)
PUAUD Eugénie 1881-1934, fille de
PUAUD Dominique né en 1840, fils de
PUAUD Jean 1781-1867, fils de
PUAUD Louis 1748-1825