La première offensive lancée par les républicains pour écraser l’insurrection des Mauges fut marquée par une bataille restée dans l’histoire comme « le grand choc de Chemillé », le jeudi 11 avril 1793. D’après Henri Boré, une croix en rappellerait le souvenir.

La croix de la Combriou 1La croix dans la rue de la Combriou
  

Le lieu-dit de la Combriou forme aujourd’hui un quartier au nord-est de Chemillé. À la fin du XVIIIe siècle, on y trouvait que des champs entourant une ferme de ce nom, en lisière du bourg de Saint-Pierre. D’après Henri Boré, une croix de granit fut plantée dans ce quartier « pour honorer les morts de l’armée vendéenne, lors du grand choc de Chemillé » (1).

En explorant le secteur, j’y ai trouvé un grand calvaire flanqué de quatre statues et d’une double volée de marches, à l’intersection des rues de la Sorinière, de Beauregard, du Petit-Cormier et de la Croix Renaudeau ; ainsi qu’une simple croix de granit posée sur un piédestal de briques, au bout de la rue de la Combriou, qui semble correspondre à la description, bien qu’elle ne porte ni date, ni inscription. Elle se situe en outre à proximité des combats du 11 avril 1793.

Le grand choc de Chemillé

À cette date, il fait encore nuit noire lorsque le général Berryuer entame sa marche sur les Mauges, en franchissant le Layon par le Pont-Barré (2) pour investir Saint-Lambert-du-Lattay. Là, il divise son armée en deux colonnes : il confie celle de droite au général Duhoux (3), secondé par Rossignol, qu’il charge de prendre le bourg de La Jumellière, ce qui sera fait dans la matinée ; le général en chef garde le commandement de celle de gauche, avec le général Menou, grossie d’un renfort de troupe venu de Chanzeaux, pour suivre la grand-route vers Chemillé.

Vers midi, la colonne de Berryuer prend position sur le coteau de Salbœuf, face au bourg de Saint-Pierre solidement défendu par les insurgés commandés par d'Elbée et Cathelineau (4). Après un long échange de tirs, les deux camps passent à l’offensive. Les Bleus cèdent du terrain, surtout les gardes nationaux qui ne tiennent pas au feu, au point de menacer les positions de Salbœuf, mais les gendarmes les repoussent au combat et parviennent à rejeter les paysans au-delà de l’Hyrôme.

Pendant plusieurs heures les attaques se succèdent. Menou part ainsi à l’assaut de la redoute qui barre la grand-route vers Saint-Lambert. D’abord surpris, les insurgés parviennent à le rejeter et semblent sur le point d’emporter la victoire, quand survient la colonne de Duhoux venue de La Jumellière. Il est cinq heures du soir.
  

Grand choc de ChemilleCarte des lieux cités : la Combriou (1), la place Saint-Pierre (2), les redoutes sur la route de Saint-Lambert (3), les positions républicaines sur le coteau de Salbœuf (4), le pont de Berge (5), la ville de Chemillé (6). La rivière de l'Hyrôme figure en bleu (fond de carte extrait du cadastre de Chemillé, 1827, A.D. 49)
  

Berruyer décide alors d’une nouvelle offensive : lui-même sur la redoute de la grand-route ; Duhoux et Menou par le pont de Berge (5). La bataille atteint son paroxysme, les Bleus débordent les défenses des insurgés, on lutte jusque sur la place de l’église Saint-Pierre qui se couvre de cadavres. Dans la confusion, plus d’une centaine de prisonniers bleus qui avaient été enfermés dans l’église Saint-Gilles (6) en profitent pour s’enfuir et rejoindre leur camp. Leur apparition dans l’obscurité et la fumée aurait fait craindre à Berruyer une charge de l’ennemi. Toujours est-il que le commandant républicain, craignant d’être trop en flèche la nuit dans ce pays rebelle, ordonne d’évacuer le bourg de Saint-Pierre après en avoir incendié les maisons. De leur côté les insurgés opèrent le même mouvement de repli, faute de munitions, en direction de Chemillé. Il est neuf heures du soir.

Ce grand choc, comme l’appellent les paysans, n’aura pas décidé du sort de la guerre qui commence à peine. Berruyer bivouaque à Saint-Lambert, mais ne tardera pas à reprendre son offensive sur les Mauges avec plus de succès, du moins au début ; privés de munitions et des canons que les Bleus leur ont pris à Saint-Pierre-de-Chemillé, les insurgés ont en effet reculé sur tous les fronts. Ils ne devront leur salut qu’au renfort apporté par Henri de La Rochejaquelein, qui vient de prendre les armes le 13 avril 1793.

La croix de la Combriou 2La croix et la statuette de la Vierge à l'abri de sa niche
  


Notes :

  1. Henri Boré, Les témoins muets de la Vendée Angevine, 1992, p. 64.
  2. En passant, les Bleus incendient le village de Barré et en fusillent tous les habitants (F. Deniau, Histoire de la Vendée, t. Ier, p. 405).
  3. Les historiens en font souvent l’oncle de l’officier vendéen du même nom, alors qu’il n’y avait aucun lien de parenté entre les deux hommes.
  4. Ils avaient aménagé une redoute armée d’une forte batterie sur la route de Saint-Lambert, trois canons sur le pont de Berge, point de passage sur l’Hyrôme, et deux ou trois autres du côté du nord-est (donc vers la Combriou).
  5. Pont franchissant l’Hyrôme sur le chemin de Saint-Lézin.
  6. L’une des églises de Chemillé, brûlée pendant les Guerres de Vendée, aujourd’hui disparue. Il y avait 133 prisonniers selon Berruyer.