Il ne reste plus que quelques jours, jusqu’au dimanche 3 novembre 2019, pour visiter l’exposition Bonchamps par David d’Angers au Musée d’Art et d’Histoire de Cholet. Pour en approfondir la découverte, un livre explore toute la complexité de cette époque qui vit un artiste acquis aux idéaux de la Révolution dédier à un général vendéen un chef-d’œuvre de la sculpture du XIXe siècle.

Bonchamps David Angers

Après son inauguration à Saint-Florent-le-Vieil en 2017 et un passage à Saint-Sébastien-sur-Loire en 2018, l’exposition Bonchamps par David d’Angers s’est installée cette année au Musée d’Art et d’Histoire de Cholet, qui en refermera les portes ce dimanche. Il n’était pas prévu initialement de la compléter par un livre, bien que l’idée ait été évoquée dès l’origine. Mais la découverte de documents inédits à travers divers fonds d’archives a convaincu les membres du comité scientifique de réaliser un ouvrage qui va bien au-delà d’un simple catalogue d’exposition.

À la fois livre d’histoire et livre d’art, ce grand volume tout en couleur met en lumière une période qui n’a pas souvent les faveurs du public, période politiquement complexe qui court de la Restauration à la IIe République. Il décrypte également, avec une précision renforcée par une iconographie aussi riche que soignée, les embûches et les contrariétés que David d’Angers rencontra tout au long de sa carrière.

Rédigés par des spécialistes en leur domaine (1), les chapitres abordent les phases d’une histoire qui aboutit à la création de ce monument de la sculpture française : Bonchamps et les Guerres de Vendée, le Pardon et sa mémoire, le souvenir de la Vendée exalté sous la Restauration et, parallèlement, le parcours de Pierre-Louis David et celui de son fils Pierre-Jean, connu sous le nom de « David d’Angers ».

Bonchamps défendu par des républicains et attaqué par des Vendéens

On est saisi par un récit à cent lieues de la vision simpliste et manichéenne si souvent appliquée pour dépeindre les deux camps. Ici tout s’enchevêtre. On s’aperçoit que des républicains – Haudaudine, Kléber, Danican, etc. – ont défendu la mémoire de Bonchamps et son geste de grâce, tandis que les dénégations les plus virulentes éclataient du côté vendéen, de la marquise de La Rochejaquelein à Le Bouvier Desmortiers (2).

On s’étonne du paradoxe par lequel David, dont la vocation née dans le Temple décadaire d’Angers en 1799 et nourrie d’idéaux révolutionnaires, serait devenu « le sculpteur officiel du gouvernement de la Restauration ». On apprend d’ailleurs qu’il « se serait proposé pour diriger les travaux destinés à la construction d’une chapelle expiatoire dédiée aux victimes royalistes des républicains » à Avrillé ; le projet aboutira en 1832, mais sans lui (hélas, pour l’art).

Proche des milieux légitimistes angevins, surtout du duc de Brissac, son protecteur, David d’Angers a constamment cherché à œuvrer pour sa ville, bien que ses rapports difficiles avec les municipalités successives fissent échouer la plupart de ses projets (encore hélas, notamment pour la statue du général Beaurepaire, dont on découvre le projet de l’artiste).

Encore un paradoxe quand cet artiste, qui prit une part active aux journées révolutionnaires de 1830 et de 1848, voulut élever un monument au Roi René, et même restaurer son tombeau dans la cathédrale Saint-Maurice, et qu’il n’y parvint que grâce au comte de Quatrebarbes, riche aristocrate légitimiste et fervent défenseur de la cause vendéenne.

Comment le monument de Bonchamps a été créé

On ne sera donc pas surpris que David d’Angers ait manifesté son désir d’être chargé de la réalisation du monument de Bonchamps. Ce chapitre passionnant détaille, croquis après croquis, la genèse de l’œuvre, passant d’une statue debout évoluant dans sa pose, à un simple buste ou à un faisceau d’armes placé sur le tombeau, pour aboutir au personnage allongé, se retenant sur son bras gauche et tendant la main droite pour imposer sa grâce, mais pas dans la direction qu’on s’imagine. Là encore, David d’Angers put s’exprimer avec assez d’indépendance, alors qu’il n’en était qu’au début de sa carrière, pour ne pas tenir compte des recommandations de ses commanditaires.

Rien n’est oublié dans ce travail, pas même son coût qui nous révèle que David d’Angers a perçu un paiement plutôt modeste au regard de l’importance de cette commande, lui dont la situation financière était précaire et qui fut pourtant payé « au lance-pierre ».

Ultime paradoxe, dans les jours qui suivirent l’inauguration du monument, cet héritier de la Révolution prit son crayon pour dessiner les portraits des vétérans vendéens de l’armée de Bonchamps. Quatre planches originales sont reproduites dans le livre ; on les trouve toutes numérisées sur le site des Archives de la Vendée, sauf une ajoutée à la liste, celle d’Haudaudine, ce républicain nantais qui fit tant pour sauver Madame de Bonchamps de la mort en 1794-1795 et pour perpétuer le souvenir du général vendéen.
  

Les Anneaux de la Mémoire, Après la guerre, Bonchamps par David d’Angers, La Geste, 2019, 192 pages

 


Notes :

  1. Anne Rolland-Boulestreau, maître de conférences habilitée à diriger les recherches en histoire moderne à l’Université catholique de l’Ouest, pour les Guerres de Vendée ; Éric Morin, directeur des musées de Cholet, pour la représentation de la Vendée dans l’art sous la Restauration ; Patrick Le Nouëne, conservateur en chef honoraire des musées d’Angers, pour les deux chapitres sur David d’Angers et son père, etc.
  2. C'est toujours le cas de nos jours…