C’est un patronyme maudit par l’histoire que celui de Porcher, ce bordier de Chanteloup-les-Bois qui guida les Bleus au cœur de la forêt de Vezins, là même où les habitants des environs avaient trouvé refuge au début de 1794. Ce fut un carnage qui donna au lieu son nom de « Cimetière des Martyrs ». En récompense de sa traîtrise, Porcher fut exécuté. Une croix marquait l’endroit de sa mort, mais où se dressait-elle ?

Croix de l'Epinay 1La croix de l'Épinay fut érigée à l'emplacement de la Croix-Porcher
  

Au matin du 25 mars 1794 (1), après un massacre au village de la Poterie, la colonne de soldats républicains commandés par Crouzat rallia dans les landes de Genty, près de l’étang de Péronne, celle de Grignon qui s’était confrontée peu de temps auparavant aux hommes de Stofflet.

Tandis qu’ils s’apprêtaient à fouiller les bois, un nommé Porcher, bordier du village des Princes, connu pour ses idées révolutionnaires, leur proposa de les guider jusqu’au refuge où Stofflet avait installé son hôpital. Ils surprirent d’abord 1.500 personnes à la Bauge-des-Buissons, des femmes, des enfants et des vieillards originaires des paroisses alentour ; quasiment tous furent massacrés sur place.

De là les Bleus se dirigèrent vers la haute forêt. Ils l’enveloppèrent, s’emparèrent du quartier général de Stofflet (2), se jetèrent sur son hôpital et firent un nouveau carnage de plus de 500 victimes. Ils continuèrent leur traque toute une journée, fouillant les taillis et les futaies à la recherche de ceux qui avaient échappé à leurs crimes.

« En sortant de la forêt, le 26 au soir, les égorgeurs emmenèrent avec eux plusieurs charrettes pleines de jeunes femmes et de jeunes filles qu’ils avaient choisies et allèrent camper au château de Villefort et autour de la métairie de l’Épinay (…) Porcher était toujours avec eux. Le général demanda à ce traître s’il était satisfait : “Très satisfait, général, lui répondit-il, j’ai au moins contribué à l’anéantissement de tant de canailles de Brigands. – Infâme, reprend le général (…) tu es la première canaille ; tous ceux que tu nous as livrés n’étaient pas aussi canailles que toi” ; et en disant ces mots, il lui brûle la cervelle d’un coup de pistolet. » (3)
  

CarteCarte des lieux cités dans le massacre du 25 mars 1794
  

À la recherche de Porcher et de sa croix

La Maraîchine normande a recherché la trace de Porcher dans les registres de Chanteloup-les-Bois. Elle a trouvé un Michel Porchet (sic), « bordier aux Prinzes », époux de Renée Godard, sur l’acte de mariage de leur fille Marie en 1776 ; c’est le seul acte qui porte cette indication de lieu. Mais en poussant plus avant, on apprend que ce Michel Porcher s’est marié à Jallais en 1749 et qu’il est né aux Cabournes en 1725. Il n’avait donc pas 40 ans en 1794 comme le raconte l’abbé Deniau. Un autre couple de Chanteloup-les-Bois, Michel Porchet et Françoise Humeau, ne nous donne pas plus d’indices.

Une croix fut érigée au début du XIXe siècle à l’endroit où Porcher reçut sa récompense. On l’appelait la « Croix du Traître », la « Croix-Porcher » ou encore la « Croix du Pardon ». Probablement endommagée au fil des ans, elle fut remplacée en 1906 par une nouvelle, en granit, connue de nos jours comme la « Croix de l’Épinay », à l’entrée du chemin de la ferme éponyme.

Ornée de fleurs de lys à l’extrémité de ses bras, celle-ci fut élevée par le vicomte Raymond de Chabot (1827-1916), en souvenir de son épouse, Marie-Victurienne-Jeanne de Colbert de Maulévrier (1839-1906), qui s’était installée au château de Villefort à son mariage (4), et qui fut la bienfaitrice de la paroisse d’Yzernay (5).

Croix de l'Epinay 2La plaque en mémoire de la vicomtesse de Chabot sur la croix de l'Épinay
  


Notes :

  1. L’abbé Deniau, curé du Voide, a retenu cette date d’après le récit que lui a fait un survivant du massacre, un enfant de Chanteloup-les-Bois. Il a rapporté tous ces faits, avec de nombreux autres témoignages, dans son Histoire de la Vendée, t. IV, pp. 327-334.
  2. Stofflet et sa troupe étaient absents à ce moment. Horrifiés de ce qu’ils découvrirent à leur retour, ils se vengèrent en écrasant les massacreurs aux Oulleries le 27 mars 1794.
  3. F. Deniau, Histoire de la Vendée, t. IV, p. 334
  4. Le 6 juin 1859 à Yzernay. Auguste de La Rochejaquelein, frère de « Monsieur Henri » fut l’un des témoins.
  5. H. Boré, Les témoins muets de la Vendée Angevine, 1992, pp. 110-111. La vicomtesse de Chabot fut inhumée dans la chapelle du Cimetière des Martyrs (voir illustration ci-dessous).
     

Enfeu de ChabotL'enfeu du vicomte Charles-Raymond de Chabot et de son épouse Marie-Victurienne-Jeanne, née de Colbert de Maulévrier, à qui est dédiée la croix de l'Épinay (état du monument avant les actes de vandalisme qui ont détruit une partie des éléments sculptés à la fin août 2010)