Le Souvenir Vendéen rendra hommage à l’abbé Jacques-Louis Doussin (1753-1843), le mercredi 11 décembre 2019, à Dompierre-sur-Mer (Charente-Maritime). La tombe de cet aumônier de la Grande Armée catholique et royale a fait l’objet d’une restauration complète.
L'abbé Doussin harangue les Vendéens avant la bataille de Dol
Voici le programme de la manifestation du mercredi 11 décembre 2019 :
- 16h30 : Au cimetière de Dompierre-sur-Mer, bénédiction par Mgr Georges Colomb, évêque de La Rochelle et Saintes, du monument funéraire reconstruit ; dévoilement de la plaque pédagogique par David Caron, maire de la commune ;
- 17h00 : Intervention de Mgr Colomb, du maire, du président du Souvenir Vendéen, et de Bernard Sébileau, biographe de l'abbé Doussin ;
- 17h45 : Vin d'honneur ;
- 18h15 : Conférence de Bernard Sébileau : L'étonnant abbé Doussin.
Qui était l'abbé Doussin ?
Né à Saint-Georges-des-Coteaux le 11 septembre 1753, l’abbé Jacques-Louis Doussin de Voyer connut un destin hors du commun sous la Révolution. Après des études à Saintes, il avait embrassé l’état ecclésiastique dans la congrégation de Chancelade, ordre régulier de Saint-Augustin. Il professa pendant six ans la théologie à Cahors et devint ensuite prieur de la paroisse Sainte-Marie en l’île de Ré (1).
Son refus de prêter le serment constitutionnel en 1791 le chassa de sa cure. L’abbé Doussin trouva alors refuge en Vendée. Madame de La Rochejaquelein le cite à deux reprises dans ses Mémoires, la première pour rapporter que le prêtre intervint afin de sauver la vie de prisonniers républicains :
« Les prêtres les plus ardents à exciter les paysans au combat étaient souvent les plus ardents aussi à les empêcher de répandre le sang des vaincus. M. Doussin, curé de Saint-Martin-de-Ré, un des plus zélés ecclésiastiques de l’armée, sauva une fois la vie à un grand nombre de prisonniers, et arrêta le massacre par de vives et éloquentes représentations qu’il adressa aux Vendéens. Quelques années après, ayant été traduit devant un tribunal républicain, il fut acquitté en souvenir de cette action. » (2)
L’abbé Doussin fut interrogé à plusieurs reprises fin juillet et début août 1797, mais ce geste de clémence n’apparaît pas dans les échanges (3).
Toutefois, c’est surtout pour son rôle d’aiguillon à la bataille de Dol (21 novembre 1793), rapporté par Madame de La Rochejaquelein, que le prêtre est devenu célèbre dans l’historiographie vendéenne :
« À Dol (…), j’ai vu un prêtre fanatiser l’armée, comme disaient les républicains ; et, si on réfléchit que nous n’avions pour asile que la mer ou Dinan plein de Bleus, que nous périssions tous par conséquent, en cas de déroute, on conviendra (…) que c’était à la fois un acte d’humanité et de religion, dans un moment si désespéré.
Lors donc qu’on était parvenu à faire un peu de silence, pour écouter le canon, et qu’on commençait à être rassuré par son éloignement, un prêtre, curé de Sainte-Marie-des-Mines, ou bien de Saint-Martin, dans l’île de Ré, monta sur un tertre à côté de moi ; il éleva un grand crucifix. C’était un homme d’environ quarante ans, il avait une voix de stentor, il fit un discours énergique aux soldats, parlant à la fois en prêtre et en militaire, leur représentant qu’eux, leurs femmes, leurs enfants, périraient infailliblement, si l’on ne courait au combat, au lieu qu’on pouvait espérer se sauver, en le rétablissant ; il leur cria : “Mes enfants, je marcherai à votre tête avec la croix ; que ceux qui veulent se battre se mettent à genoux, je vais donner l’absolution aux braves ; s’ils tombent, ils iront en paradis, mais pour les poltrons, qui abandonnent leur Dieu, leur famille, point d’absolution, ils mourront également, ils iront en enfer”. Plus de deux mille hommes se mirent à genoux avec enthousiasme, l’absolution fut donnée à voix haute, les soldats se relevèrent en s’écriant : “Allons en paradis. Vive le Roi !” Ils partirent pleins d’ardeur, le prêtre à leur tête, qui ne cessait de les exhorter. » (4)
Signature de l'abbé Doussin dans le registre clandestin
de Dompierre-sur-Yon (A.D. 85)
Prêtre dissident jusqu'à la mort
L’abbé Doussin échappa à la mort au retour de la campagne d’outre-Loire, et se cacha au Bourg-sous-la-Roche, dont il devint le desservant. La manière dont il tint son registre paroissial, consultable sur le site des Archives de la Vendée, nous donne une idée du caractère bien trempé de ce personnage. Il s’en prend par exemple, dans un acte de mariage daté du 12 août 1794, à l’abbé Hilairet, curé jureur de La Merlatière, paroisse dont le marié était originaire :
« Le pasteur nommé Hylairet a prêté le serment horrible exécrable exigé par les suppots de l’enfer composant la prétendue assemblée nationalle, et ainsi consommé le schisme et l’hérésie en communiquant in divinis avec l’impie apostat Rodrigue, faux évêque de Luçon, etc. » (5)
On imagine sans peine comment ce curé tonitruant se fit remarquer lors du synode du Poiré-sur-Vie en août 1795. Il fut d’ailleurs le seul à manifester une opposition très bruyante aux décisions de cette assemblée, à telle enseigne que Charette résolut de faire arrêter ce dissident incontrôlable ; le général vendéen se ravisa cependant, grâce à l’intervention de l’abbé de La Colinière et surtout de Madame de Buor (6).
L’abbé Doussin poursuivit son ministre clandestin à Thorigny, où il arriva au début de l’année 1796. Il officiait dans la chapelle d’un ancien logis au village de la Boule, dans une relative tranquillité, jusqu’à son arrestation en juillet 1797. Conduit à Montaigu, puis Fontenay, interrogé à plusieurs reprises et reconnu coupable d’avoir crié « Vive le Roi » lors du baptême de deux enfants, le prêtre fut condamné à la déportation par un arrêté du 8 frimaire an VI (28 novembre 1797) et transféré à Rochefort. Mais il parvint à s’évader dans la nuit du 19 au 20 pluviôse (7-8 février 1798), pour revenir à Thorigny où il se cacha jusqu’au Concordat (7).
Cette restauration de la paix religieuse ne pouvait convenir à l’intransigeant « curé de la Boule ». Non seulement il refusa de s’y soumettre, mais il prêcha avec véhémence contre ce nouvel ordre concordataire, tantôt au Tablier, tantôt à La Rochelle, et surtout dans la région de Fontenay où il fera des adeptes (8).
Dissident jusqu’à son dernier souffle, l’abbé Doussin rendit son âme à Dieu à Chagnolet, village de Dompierre-sur-Mer, le 16 mai 1843, à l’âge de 89 ans.
Notes :
- Pierre-Damien Rainguet, Biographie saintongeaise ou dictionnaire historique…, 1851, p. 198.
- Mémoires de Madame la marquise de La Rochejaquelein, 1889, rééd. Pays et Terroirs, 1993 et 2017, p. 239.
- Les pièces de ces interrogatoires ont été numérisées sur le site des Archives de la Vendée, dans les Pièces isolées, sous la cote 1 J 2090.
- Mémoires…, op. cit., pp. 331-332.
- A.D. 85, état civil du Bourg-sous-la-Roche, Registre clandestin BMS août 1794-février 1795. Né à Nantes en 1730, François-Ambroise Rodrigue était curé de Fougeré lorsqu'il prêta le serment constitutionnel. Il fut élu évêque de Luçon le 2 mai 1791, mais il abandonna son siège épiscopal le 2 décembre 1793. Défroqué, il fut nommé juge au tribunal de Fontenay en 1797, puis à celui de Montaigu en 1798. Il se retira en 1811 à Nantes, où il mourut dans la misère deux ans plus tard (L. Delhommeau, Le clergé vendéen face à la Révolution, Siloë, 1992, p. 68).
- René Bittard des Portes, Charette et la guerre de Vendée, rééd. Pays et Terroirs, 1996, pp. 480-481.
- Thorigny, La Vendée historique, 1904, pp. 169-175.
- Auguste Billaud, La Petite Église dans la Vendée et les Deux-Sèvres, 1800-1830, N.E.L., 1982, pp. 174-175.