Un lecteur m’a récemment interpellé sur l’armée des Côtes de La Rochelle, affirmant que son territoire était circonscrit au seul département de la Charente-Inférieure et son état-major strictement cantonné à La Rochelle. Il ne paraît pas inutile, en conséquence, de poser quelques notions de base sur l’organisation des armées républicaines au cours des Guerres de Vendée.

Les armees republicaines en VendeeÉvolution des armées républicaines sur le théâtre des Guerres de Vendée
  

« Armées des Côtes de La Rochelle », « armée de l’Ouest », « armée de Mayence », « armée des Côtes de Brest »… Ces appellations omniprésentes dans les chroniques vendéennes peuvent parfois dérouter, tant le dispositif militaire des Bleus a évolué au fil des ans.

Lorsque l’insurrection embrasa le Bocage à la mi-mars 1793, les forces républicaines étaient organisées en deux corps : l’armée des Côtes, tournée vers la défense du littoral, et l’armée de Réserve. Cette dernière était placée sous les ordres du général Berruyer, qui commandait directement à sa droite la division de Saumur (avec Leigonyer à Vihiers, Ladouce à Saint-Lambert et Gauvillier à Chalonnes) ; à sa gauche, Beaufranchet d’Ayat dirigeait l’armée de la Vendée depuis Fontenay (avec Boulard aux Sables et Quétineau à Bressuire).

30 avril 1793 : Création de l’armée des Côtes de La Rochelle
et de l’armée des Côtes de Brest

L’échec de la contre-offensive des Bleus dans les Mauges entraîna le rappel de Berruyer et la réorganisation de l’armée de Réserve, transformée en armée des Côtes de La Rochelle par un décret du 30 avril 1793. Leigonyer la commandait en chef depuis Doué, d’où opérait son aile droite ; sous ses ordres, son aile gauche était confiée à Beaufranchet d’Ayat, à Fontenay. D’après les termes du décret, l’armée des Côtes de La Rochelle occupait « les côtes et place depuis d’embouchure de la Gironde jusqu’à celle de la Loire, et la rive droite de la Loire depuis Ingrandes et le départ de la Loire-Inférieure » (A.D. 85, SHD 5/4-5).

À la même date, l’armée des Côtes fut scindée en deux corps : l’armée des Côtes de Brest commandée par Canclaux « depuis l'embouchure de la Loire jusqu'à Saint-Malo inclusivement », et l’armée des Côtes de Cherbourg commandée par Wimpffen.

Cette organisation montra aussitôt ses limites. Deux armées entraient en concurrence pour lutter contre l’insurrection vendéenne : l’armée des Côtes de Brest depuis Nantes, et l’armée des Côtes de La Rochelle, elle-même tiraillée par des forces contraires éloignées les unes des autres sur le pourtour du territoire rebelle, surtout entre l’état-major du général Biron, nouveau commandant en chef installé à Niort depuis le 28 mai, et la « commission de Saumur ». Créée le 15 mai, celle-ci devait à l’origine servir de liaison entre les commissions départementales, mais elle prit un tel ascendant qu’elle chercha constamment à imposer ses propres plans aux militaires.

Malgré le renfort de troupes, cette situation signa de nouveaux revers pour les Bleus, notamment à la bataille de Saumur le 9 juin, ou encore à celle de Vihiers le 18 juillet (l'aile droite, dite « armée des Côtes de La Rochelle opérant sur la Loire », était commandée par Duhoux, puis par La Barolière par intérim).

Dénoncé à la Convention par la commission de Saumur, Biron fut finalement démis et remplacé par le très hébertiste Rossignol, nommé commandant en chef de l’armée des Côtes de La Rochelle le 27 juillet ; il restera à ce poste jusqu’au début octobre, avec un bref intérim de Santerre à la fin août. Les commandements de ses deux ailes restaient placés aux mêmes endroits, Saumur pour la droite et Niort pour la gauche.
  

Cartes des armees republicainesCarte des armées républicaines dans l'Ouest (mai-septembre 1793)
  

De l’armée des Côtes de La Rochelle à l’armée de l’Ouest

Un bouleversement s’opéra au 1er août 1793, lorsque la Convention décréta l’envoi en Vendée de l’armée de Mayence, qui ne pouvait plus être employée sur les frontières après sa capitulation. Elle était commandée par le général Aubert du Bayet.

Ce renfort conséquent n’eut pourtant pas l’effet escompté dans la grande offensive républicaine de septembre, marquée par de cuisants échecs à Coron, au Pont-Barré, à Torfou, Saint-Fulgent, etc.

Le 2 octobre 1793, toutes les forces des Bleus (armée des Côtes de La Rochelle, armée de Mayence, ainsi que les troupes placées sous le commandement de l’état-major de Nantes, soustraites à l’armée des Côtes de Brest) furent alors fondues en une seule, désignée sous le nom d’armée de l’Ouest, placée sous les ordres du général Léchelle, un militaire dont le sans-culottisme constituait le seul gage de compétence. Sa déroute complète à Entrammes et Craon, au début de la Virée de Galerne, mit fin à sa carrière et à sa vie. Rossignol reprit les rênes de cette armée, le 13 novembre, à Rennes. Marceau lui succéda, le temps pour lui d’anéantir l’armée vendéenne au Mans (13 décembre) et à Savenay (23 décembre).

Le commandement en chef de l’armée de l’Ouest passa ensuite au général Turreau, du 27 novembre 1793 au 13 mai 1794, avec son quartier général établi principalement à Nantes ; puis à Vimeux, à Niort (mai-août 1794), à Dumas à Fontenay (août-octobre 1794), à Canclaux à Nantes (octobre 1794-août 1795).

La situation avait bien changé en Vendée au début de l’année 1795 : les forces républicaines s’étaient repliées dans des camps placés en périphérie du territoire insurgé ; des négociations de paix avaient été entamées avec les chefs vendéens ; et le nord de la Loire était entré en ébullition depuis 1794.

L’armée de l’Ouest fut donc fondue à son tour avec l’ensemble des armée des Côtes de Brest et des Côtes de Cherbourg, pour former l’armée des Côtes de l’Océan, que le général Hoche saura diriger de main de maître. À partir de 1797, elle deviendra l'armée d’Angleterre, et aura son quartier général à Angers, sous le commandement du général Hédouville, à l’époque du soulèvement de 1799.
  


À lire sur le sujet : Lieutenant-colonel Henry de Malleray, Les cinq Vendées, précis des opérations militaires sur l'échiquier vendéen de 1793 à 1832, d'après des documents inédits extraits des archives de la guerre, Angers, Siraudeau, 1924