En juillet 1795, Marie-Françoise Liedet voulait se remarier, mais comme son époux, Jean Gaudin, avait péri à la fin de la campagne de l’armée vendéenne outre-Loire, elle dut faire constater son décès par un intéressant échange de courriers entre une municipalité sarthoise et l’abbé Bernier.

94 L 10-3Extrait de la déclaration des officiers municipaux de Fontenay-sur-Vègre constatant la mort de Jean Gaudin (A.D. 49, 94 L 10/3)
  

La situation en Vendée prit un tour nouveau à la fin du mois de juin 1795 : Charette avait rompu la trêve qu’il avait signée le 17 février à la Jaunaye, soutenant ainsi le débarquement opéré par les émigrés et les Chouans sur les plages de Carnac ; Stofflet, en revanche, qui s’était soumis plus tardivement, le 2 mai, n’avait pour l’heure nulle intention de reprendre les armes. Une paix relative perdurait donc dans le territoire resté sous le contrôle du général en chef de l’armée d’Anjou.

Cette situation permit ainsi des échanges entre, d’une part les autorités militaires et les municipalités patriotes, d’autre part l’état-major de Stofflet et surtout l’abbé Bernier qui chapeautait l’administration civile et religieuse des Mauges et du Haut-Poitou. Ces relations ont pu faciliter la tenue de l’état civil, dont les actes étaient réciproquement reconnus par les uns et les autres, comme le prouve le cas de Marie-Françoise Liedet, veuve de Jean-Baptiste Gaudin.

Le couple s’était uni devant Dieu à Beaupréau, paroisse Notre-Dame, le 4 février 1777. Il eut six enfants, nés de 1779 à 1789 (1).

Jean-Baptiste Gaudin prit part à l’insurrection de 1793, et suivit la Grande Armée catholique et royale dans sa virée d’outre-Loire, dont il ne revint pas ; il périt sur le chemin du retour, à une date imprécise.

« Il s’est trouvé des hussards qui l’ont fait mourir… »

Les circonstances de sa mort nous sont connues grâce à un acte établi par les officiers municipaux de la commune de Fontenay-sur-Vègre, district de Sablé, département de la Sarthe, qui certifièrent « avoir vu le sieur Gaudin, marchand, (leur) ayant dit être de Beaupraux, pris par les citoyens de la garde nationale dudit Fontenay, et de la commune d’Avoise, qui étoient partis pour amener ledit Gaudin au tribunal audit Sablé ; en passant par la commune de Parcé(-sur-Sarthe) il s’est trouvé des hussards qui l’ont fait mourir à ce que l’on nous a assuré. Le tout étant arrivé il y a environ dix huit mois » (2). L’acte étant daté du 27 messidor an 3e de la république (15 juillet 1795), cette mort remonterait au début de l’année 1794.

Le document signé par Chotard et Hermange, officiers municipaux de Fontenay-sur-Vègre, fut adressé à l’abbé Bernier, qui résidait au château du Lavouër, paroisse de Neuvy-en-Mauges. Ce dernier ajouta au bas de l’acte la mention suivante : « Vu le certificat cy dessus et les autres preuves y jointes, nous déclarons la mort du sieur Godin suffisamment certifiée et authorisons, en tant que besoin est, sa veuve à prouver à la célébration d’un second mariage, toutes formalités civiles et canoniques étant d’ailleurs observées. Donné à Nevi (Neuvy-en-Mauges) le 17 juillet 1795 ».
  

AM Levron LiedetLa signature de Marie-Françoise Liedet au bas de l'acte de son 2e mariage, avec une mention concernant un enfant né de cette union jusqu'alors reconnue seulement religieusement (A.D. 49)
  

La veuve Gaudin se remarie religieusement en 1795
et civilement en 1798

Reconnue veuve, Marie-Françoise Liedet put convoler à nouveau quelques jours plus tard, avec Jean Levron, également marchand à Beaupréau. Ce mariage célébré par un prêtre réfractaire, sera inscrit le 28 floréal an VI (17 mai 1798) par l’officier d’état civil de Beaupréau qui précisera dans l’acte que les époux « ont déclaré vivre ensemble depuis le trois thermidor an trois (21 juillet 1795) époque de la bénédiction nuptiale qui leur a été conférée par le ministre du culte de Labelloire (sic). »

Afin de permettre la célébration de ce mariage civil en 1798, soit trois ans après la cérémonie religieuse, un acte de notoriété avait été établi le 24 frimaire an VI (14 décembre 1797) devant Jean-François Paumard, juge de paix du canton de Beaupréau. Marie-Françoise Liedet, « veuve de Jean Godin, présentement femme Levron », y déclara vouloir déposer au greffe « un écrit sous seing privé en date du vingt-sept messidor de l’an trois de la République, intitulé Nous officiers municipaux de la commune de Fontenay, district de Sablé, département de la Sarthe… », le même document qui fut adressé à l’abbé Bernier, aujourd’hui conservé dans les papiers de la justice de paix de Beaupréau.

Marie-Françoise Liedet mourut à Beaupréau le 20 juin 1825, à l'âge de 65 ans (3).
  


Notes :

  1. Dont François Gaudin, né le 4 septembre 1785 à Beaupréau, paroisse Notre-Dame, qui combattra comme soldat dans le 107e régiment d’infanterie de ligne et fera les campagnes de 1806 à 1814, avec le grade de caporal en 1811, puis de sergent en 1813 (voir sa fiche sur le site Mémoire des hommes).
  2. A.D. 85, 94 L 10/3.
  3. Elle était née à Beaupréau, paroisse Notre-Dame, le 7 octobre 1759.