Un acte de notoriété établi à Cholet en 1797 atteste le décès de Pierre Brion au combat du Bois-Grolleau, quatre ans plus tôt. En fouillant les archives, on découvre que son fils a combattu lui aussi dans les rangs vendéens au moins jusqu’en 1815.

94 L 24Extrait de l'acte constatant le décès de Pierre Brion (A.D. 49, 94 L 24)
  

Le 23 ventôse an V (13 mars 1797), Marie Auvinet fit comparaître trois témoins devant Pierre-René-Jean-Baptiste Esnault, juge de paix du canton de Cholet, afin d’attester le décès de son mari, Pierre Brion. Ces hommes s’appelaient Joseph Macé (1), tisserand de Saint-Macaire-en-Mauges, Mathurin Dupont (2) et Louis Coudraye, tous deux fabricants de Cholet.

Ceux-ci déclarèrent que « Pierre Brion, cy devant marchand demeurant commune du May, a été tué au mois d’avril de l’année 1793 (vieux style) à l’affaire qui eut lieu au Bois Grolleau, lorsque les grenadiers de Saumur vinrent se cantonner dans ce cy devant chateau ; que le d(it) Brion fut apporté mort dans la cy devant église de St Pierre de cette commune et qu’il fut inhumé dans le cimetière dud(it) lieu » (3).
  

Carte Avril 1793 1Carte de l'offensive républicaine d'avril 1793 sur les Mauges
    

19 avril 1793, le combat du Bois-Grolleau

Cette affaire du Bois-Grolleau se déroula lors de la première offensive républicaine destinée à réprimer le soulèvement des Mauges. Faute de munitions, les insurgés durent plier devant plusieurs attaques : celles de Berruyer sur Chemillé et Leigonyer sur Coron (11 avril) ; celle de Gauvillier, de Saint-Florent vers Beaupréau. Au sud, l’entrée en guerre d’Henri de La Rochejaquelein et sa victoire sur Quétineau aux Aubiers (13 avril) rompirent cet encerclement et livrèrent un butin en armes aux combattants angevins qui s’étaient repliées en deçà de Cholet.

Le 19 avril, ces derniers se lancèrent à l’assaut du château du Bois-Grolleau, situé au nord-est de Cholet, afin d’en déloger les « patriotes » de Saumur et Montreuil-Bellay qui s’y étaient enfermés. « Déjà ils posent des échelles pour franchir la double enceinte de douves qui le protègent, lorsque de toutes les fenêtres des divers bâtiments, pleut sur eux une grêle de balles qui les obligent à se rejeter dans l’avenue d’entrée, dans les jardins, et les champs d’alentour. De part et d’autre la fusillade continue ; mais les assaillants font des pertes sensibles, sans pouvoir en infliger aux assiégés qui sont à l’abri » (4).

Ils tirèrent alors au canon sur le château et s’apprêtèrent à y mettre le feu, quand survint sur leur flanc gauche l’avant-garde de Leigonyer. Le combat s’étendit alors sur toute la lande des Pagannes. Après une heure de lutte seulement, les soldats de Leigonyer se débandèrent jusqu’à Doué dans le désordre le plus complet.
  

Carte Avril 1793 2Carte de la contre-offensive des insurgés soutenue par le renfort de La Rochejaquelein après sa victoire aux Aubiers
        

Seuls les Saumurois tenaient encore leur position au Bois-Grolleau le 20 avril. En les voyant brandir un drapeau blanc, quelques insurgés s’approchèrent pour recevoir leur capitulation, mais se firent tirer dessus dès qu’ils furent à portée de fusil. Exaspérés, les assiégeants décidèrent de bouter le feu au château pour forcer la reddition des Bleus, qui finirent par déposer les armes. Les paysans crièrent vengeance, mais les chefs s’y opposèrent. Quand le commandant Jérémie Tribert s’avança pour remettre son épée, La Rochejaquelein lui dit qu’il pouvait la conserver et le reçut le soir même à sa table.

Pierre Brion aurait donc pu mourir, soit dans de la première attaque, le 19 avril ; soit le lendemain, s’il a fait partie du groupe qui crut, en voyant leur drapeau blanc, que les assiégés allaient se rendre.

L’acte de notoriété indique que c’est Joseph Macé, l’un des trois déclarants, qui a dépouillé, enseveli et apporté dans l’église le corps de Pierre Brion, mais comme « il n’y avait à cette époque aucune autorité constituée, il ne put être rédigé acte de sépulture ». C’est la raison pour laquelle sa veuve entreprit cette démarche en 1797 auprès du juge de paix de Cholet.

Née à Cholet, paroisse Notre-Dame, le 4 février 1760 (5), Marie Auvinet s’était mariée le 9 juin 1778, dans la même paroisse, avec Pierre Brion. Ce dernier, né à Coron le 28 juin 1755, exerçait le métier de marchand au May-sur-Èvre, dans une certaine prospérité avant la Révolution.
  

Le Bois-GrolleauLe château du Bois-Grolleau au début du XXe siècle
     

Pierre-François Brion, un enfant dans la guerre

C’est dans cette paroisse du May-sur-Èvre que naquit son fils Pierre-François, le 4 octobre 1779. Il avait ainsi 13 ans, comme d’autres jeunes insurgés qu’on a vus ici, quand la guerre éclata au printemps 1793.

On lit dans sa demande de pension rédigée le 17 mai 1825 (5), que son père, Pierre Brion, « est mort au champ d’honneur le 19 avril 1793 au combat du château du Boisgroleau de Cholet, étant à la tête de la commune qu’il commandait en second, avec M. de Coï de Vileneuve qui commandait en premier ».

Il ajoute que sa « mère resta veuve avec huit enfants ; sa maison servait d’asile aux chefs et soldats vendéens (…) Elle fit de nombreux fourniment (sic) pour le service de l’armée royale, tant en fourage pour la cavalerie, qu’en marchandises de draperie, qu’elle a livré pour vêtir les soldats et canonniers ». Elle reçut pour cela des bons qui ont été perdus, « sauf un de 151 Fr. signé du 13 septembre 1793 par monsieur de la Massonnière, chef de division d’artillerie ».

En représailles, après le départ de l’armée vendéenne outre-Loire, les républicains brûlèrent les six maisons que possédait la famille Brion, avec le mobilier, les marchandises et les draperies.

Malgré ces malheurs et son jeune âge d’à peine 15 ans, Pierre-François Brion prit les armes en 1794 : « J’ai marché courageusement contre les ennemis du trône légitime, marchant sur les traces de mon père, j’ai assisté à la presque totalité des combats de cette campagne » (6).

« En 1799, toujours animé du zèle de combattre contre les ennemis de la cause royale, je fus un des premiers à marché sous les ordres de MM. les généraux Forestier, St-Hubert, Beauvolier, ou au combat de Cirière en Poitou, j’ai aider à sauver un Forestier qui fut blessé grièvement le 7 septembre 1799, et ne l’ai quitté que quand il fut dans un lieu de sûreté. »

« En 1815, j’ai reçu en qualité de capitaine le premier signal, comme mon dévouement était connu pour le parti de l’honneur, je reçu une lettre du 15 mai 1815 venant de la part de monsieur le marquis de la Bretêche, qui venait de prendre le commandement de la division de Montfaucon pour faire rassembler les habitants de notre commune au son du tocsin. » Comme les troupes impériales se trouvaient à Cholet et Beaupréau, il appela au rassemblement de ses troupes à La Romagne.

Il conclut sa demande de secours, en récompense de ses services au roi, en mentionnant la perte d’un de ses frères, « mort au combat de Jallais en 1794 », sans en préciser, hélas, le prénom (7).


Notes :

  1. Né en 1751 à Saint-Macaire-en-Mauges, Joseph Macé prit les armes en mars 1793. Sa demande de pension (A.D. 49, 1 M 9/248) le signale à de nombreux combats majeurs : Thouars, La Châtaigneraie, Fontenay, Saumur, Nantes, Luçon, Châtillon-sur-Sèvre, Cholet. Il fut nommé commissaires aux fourrages et aux vivres dans l’armée d’Anjou et du Haut-Poitou en 1794 et conserva cette fonction lors des guerres de 1799 et 1815. Un certificat de service prouve son grade de sergent de la paroisse de Saint-Macaire, dans la division de Montfaucon. Il perdit un fils en 1793.
  2. Né à Cholet, paroisse Notre-Dame, en 1768, Mathurin Dupont fut emprisonné avant le soulèvement de mars 1793 « pour avoir parcouru les campagnes pour préparer les jeunes gens à cette insurrection ». Il put cependant prendre les armes lui aussi et participer à de nombreuses batailles, notamment à l’affaire du Bois-Grolleau (19 avril 1793), au cours de laquelle périt Pierre Brion.
  3. A.D. 49, 94 L 24.
  4. Félix Deniau, Histoire de la Vendée, t. Ier, p. 435.
  5. Elle décédera à Cholet le 11 février 1822.
  6. A.D. 49, 1 M 9/88.
  7. Plusieurs chefs divisionnaires de l’armée d’Anjou confirment le dévouement de Pierre-François Brion : le marquis de La Bretesche et Legeay, de la division de Montfaucon ; Lhuillier, de celle de Beaupréau ; le capitaine Gauttier et le chef de bataillon Pierre Hulin.
  8. Il en eut plusieurs : René-Charles né en 1759, Mathurin-Joseph en 1760, René-Jean en 1762.