En ces temps de confinement, l'amateur de généalogie a de quoi s'occuper en feuilletant les registres paroissiaux et y faire quelques trouvailles, comme ces souvenirs de Louis Mary, jardinier de Beaupréau, qui fut un proche de la famille d’Elbée, depuis sa naissance jusqu’à sa mort sur le champ de bataille de Cholet.

La LogeLa loge de d'Elbée de nos jours avec, en médaillon, la plaque posée sur la façade par le Souvenir Vendéen en 1938
  

Julien Mary était closier (1) à la Loge-Vaugirault, domaine situé à l’écart du bourg de Saint-Martin de Beaupréau, et qui appartenait à la famille d’Elbée depuis 1720. Il avait épousé le 25 juin 1754, dans cette même paroisse, Jeanne Bondu, dont il eut un fils, Louis, né le 3 juin 1759.

Filleul du père ou du fils d’Elbée ?

L’acte de baptême de cet enfant (illustration ci-dessous) tranche avec ceux que l’on voit habituellement dans le registre de Saint-Martin, par son importance et ses signatures : le parrain de Louis Mary n’était autre que Maurice-Joseph-Louis Gigost d’Elbée, « lieutenant aux gardes grenadiers du roi de Pologne électeur de Saxe », auquel l’intéressé ajoute en signant « général major d’infanterie dans l’armée saxonne » (2). Il s’agissait donc du père du futur généralissime vendéen. Retiré dans sa maison de la Loge-Vaugirault, il y mourut quatre ans après ce baptême, le 10 juillet 1763.

AB Louis MARYActe de baptême de Louis Mary, filleul de Maurice-Joseph-Louis Gigost d'Elbée (A.D 49)
  

« Notre » général d’Elbée aurait-il pu être le parrain de Louis Mary ? On peut en douter compte tenu de son âge en 1759 (7 ans) et des grades énoncés dans l’acte de baptême. Et pourtant, quand Louis Mary se maria à l’église Saint-Martin de Beaupréau, le 12 janvier 1790, avec la demoiselle Perrine Perdriaux (3), le premier témoin cité fut Maurice-Joseph-Louis Gigost d’Elbée, seigneur de la Loge et « parrain de l’époux » ! (illustration ci-dessous) La fonction s'était donc transmise de père en fils, afin que toujours un d'Elbée parrainât Louis Mary…
  

AM Louis MARYActe de mariage de Louis Mary et Perrine Perdriaux, avec Morice-Joseph-Louis Gigost d'Elbée, « parrain de l'époux » cité comme premier témoin (A.D. 49). L'abbé Poirier, vicaire de Saint-Martin de Beaupréau qui signe au bas de l'acte, sera massacré par les républicains à Saint-Florent-le-Vieil à la fin de l'année 1793.
  

Louis Mary, domestique et soldat du général d’Elbée

Louis Mary travaillait comme jardinier, d’après l’acte de mariage, ou comme « domestique du général d’Elbée ». C’est ce qu’on lit dans la demande de pension de Perrine Perdriaux (4). Celle-ci fit en effet valoir, en 1825, que sa pauvreté l’avait obligée depuis quelque temps à changer plusieurs fois de domicile avant de s’établir à Saint-Macaire-en-Mauges, et qu’elle ne jouissait d’aucun secours de l’État.

Qu’était-il advenu de Louis Mary pendant les Guerres de Vendée ? On connaît son sort grâce à la demande de pension de sa femme : il fut tué à la bataille de Cholet, le 17 octobre 1793. Ce fut son dernier combat, mais aussi celui du général d’Elbée (5), dont il fut si proche toute sa vie.
  

AExtrait de la demande de pension de Perrine Perdriaux, veuve de Louis Mary
(A.D. 49, 1 M 9/285)

  


Notes :

  1. Un closier cultivait une exploitation agricole (une closerie), plus petite qu’une métairie.
  2. On croise çà et là, dans les registres paroissiaux de Notre-Dame et de Saint-Martin de Beaupréau, les signatures des Gigost d’Elbée, soit qu’ils fussent parrains ou marraines, soit témoins de mariage. Marguerite Charlotte Duhoux de Hauterive, épouse de Maurice Gigost d’Elbée (le futur généralissime), signe ainsi en tant que marraine l’acte de baptême d’Agathe-Marguerite-Charlotte Rousseau (à laquelle elle a donné ses prénoms), le 24 décembre 1790, à Notre-Dame de Beaupréau.
  3. Fille de Jean Perdriaux, tisserand, et Jeanne Renou, Perrine était née à Landemont le 25 mars 1758.
  4. A.D. 49, 1 M 9/285.
  5. Grièvement blessé, d’Elbée fut transporté jusqu’à Noirmoutier, dernier territoire encore aux mains des Vendéens (l’île fut reprise par Charette cinq jours avant la bataille de Cholet). Il y sera fusillé dans les premiers jours de janvier 1794.