On ne saura jamais les noms de tous ceux qui ont suivi l’armée vendéenne outre-Loire et qui ont succombé en chemin, emportés par la faim, la maladie, ou les massacres qui ont jalonné cette marche tragique de mille kilomètres. Quelques-uns ressortent parfois des archives notariales, comme celui de Marguerite-Julienne Bouletreau, morte entre Pontorson et Dol.

94 L 10-3Extrait de l'acte de notoriété constant la mort de Marguerite-Julienne Bouletreau
(A.D. 49, 1 M 9/334)

  

C’est Renée Bouletreau qui, ne pouvant trouver l’enregistrement de la mort de sa sœur Marguerite-Julienne, la fit constater devant Jean-François Paumard, juge de paix du canton de Beaupréau, le 11 fructidor an V (28 août 1797) (1).

Toutes deux étaient les filles de Jean Bouletreau, cordier, et de Marguerite Pineau, qui s’étaient mariés à Notre-Dame de Beaupréau le 6 février 1732 :

  • L’aînée, Marguerite-Julienne était née dans cette même paroisse le 18 décembre 1732 ;
  • Après deux autres sœurs, Renée vint au monde le 18 juillet 1745. Mariée à Notre-Dame de Beaupréau le 3 novembre 1767 avec François Sourice, elle s’éteindra dans sa ville natale le 8 février 1829, à l’âge de 83 ans.

Renée Bouletreau ne se présenta pas seule devant le juge. Elle fit en effet comparaître avec elle trois témoins :

  • Joseph Durand, de Saint-Martin de Beaupréau, environ 40 ans. Nous l’avons déjà rencontré : c’est lui qui fut désigné comme tuteur à personne et biens de Louis-Maurice-Joseph d’Elbée, le fils unique du généralissime.
  • Gervais Fourreau, maçon de Beaupréau. Fils d’André Fourreau et Marie Raimbault, il s’était marié à Beaupréau le 12 mai 1797 avec Thérèse-Louise Gaudillon, une Vendéenne originaire de Saint-Étienne-du-Bois. Il mourut à Beaupréau le 8 avril 1811. Son nom apparaît régulièrement dans les actes de notoriété du canton de Beaupréau constatant des décès pendant les Guerres de Vendée.
  • Martin Supiot, jardinier de Saint-Martin de Beaupréau, environ 30 ans. Il doit s’agir du Martin Supiot qui fit une demande de pension en 1825 : né à La Salle-et-Chapelle-Aubry en 1765, il fit « partie des dix jeunes gens qui s’étoient dévoués pour la garde de la personne du général d’Elbée ; qu’au mois de juin 1794, le général Stofflet le nomma adjudant major de la division de Beaupréau ». Son dossier indique également qu’il reprit les armes en 1799 et en 1815 (2).

Ces anciens soldats de l’armée vendéenne affirmèrent « que ladite Marguerite Julienne Bouletreau, revenant d’Avranches, passant par Pontorson, elle est tombée malade et est morte dans un village dont ils ne se rappellent pas le nom, entre Dôle (Dol-de-Bretagne) et Pontorson ».
  

Carte de la Viree de GalerneCarte de la Virée de Galerne ou campagne de l'armée vendéenne outre-Loire
(du 18 octobre au 23 décembre 1793)

  
La chronologie de la Virée de Galerne nous permet de situer ce décès. Après l’échec du siège de Granville les 14 et 15 novembre 1793, suivi de la prise de Villedieu-les-Poêles le 17, l’armée vendéenne revint vers Pontorson dans la nuit du 17 au 18. Elle y délogea dans l’après-midi une troupe républicaine commandée par le général Tribout (3), resta dans la ville jusqu’à lendemain, puis se remit en marche dans la nuit du 19 au 20, en direction de Dol, atteint dans la matinée. Les jours qui suivront jusqu’au 22 novembre seront marqués par une succession de combats terribles à Dol, dont les Vendéens réussiront à sortir vainqueurs, bien qu’un grand nombre pérît, en particulier parmi les civils.

Marguerite-Julienne Bouletreau mourut donc d’épuisement ou de maladie le 19 ou le 20 novembre 1793. On imagine le calvaire que fut cette marche épuisante, dans les chemins embourbés par les pluies d’automne, et sous la menace constante d’attaques ennemies, pour une femme de 60 ans.


Notes :

  1. « Laquelle a dit que ne pouvant trouver l’enregistrement de la mort de Marguerite Julienne Bouletreau, morte dans la guerre de la Vendée lors du passage de la Loire, qu’elle a suivie l’armée vendéenne jusques sur les frontières de la Normandie, où elle est décédée, qu’en conséquence elle désire l’acte de notoriété qui constate son décès » (A.D. 49, 94 L 10-3).
  2. A.D. 49, 1 M 9/334.
  3. Le général Auguste-Joseph Tribout (1766-1834) signait sa correspondance : « Tribout Libre ».