Dans l’après-midi du 29 mars 1796, le général Charette, dernier chef de la Vendée, tombait sous les balles du peloton d’exécution. Quel fut l’itinéraire de sa dernière marche à travers les rues de Nantes, du Bouffay jusqu’à la place Viarme ?
Charette refuse qu'on lui mette un bandeau sur les yeux…
Capturé dans le bois de la Chabotterie le 23 mars 1796, Charette fut d'abord emmené au château de Pont-de-Vie, au Poiré-sur-Vie, où il passa sa première nuit de captivité. On le conduisit le lendemain à Cholet, via Montaigu. Le vendredi 25, il prit la route d'Angers (1), car c’est là que siégeait l’état-major de l’armée des Côtes de l’Océan, commandée par le général Hédouville. Le dimanche 27 mars, on l’embarqua sur une canonnière qui descendit la Loire jusqu’à Nantes. Il fut alors enfermé dans la prison du Bouffay pour y être interrogé le lundi 28 (2).
Au terme de son procès qui se tint dans la matinée du mardi 29 mars, Charette attendit deux heures avant d’entendre le verdict qui lui annonçait sa condamnation à mort. Il était onze heures du matin. Sans manifester aucune émotion, il sortit du prétoire au milieu des cris de « Vive la République ! » et fut ramené dans sa chambre. Il y trouva sa sœur Marie-Anne et l’abbé Guibert, curé constitutionnel de Sainte-Croix de Nantes, qui lui offrit son ministère (3).
Vers quatre heures de l’après-midi, Charette parut sur le perron du Bouffay aux côtés du prêtre. La foule se tut, hormis un homme qui l’injuria ; le Vendéen lui lança un regard fixe qui fit disparaître l’insulteur. Charette descendit alors l’escalier pour se placer dans les rangs des gendarmes qui l’attendaient en bas, puis commença sa dernière marche sous le roulement des tambours.
Itinéraire de Charette et de son escorte entre le Bouffay et la place Buffon
(plan de Nantes, Sebise éd., 1795, BnF)
Du Bouffay à la place des Agriculteurs
À pied, suivi de son escorte, il longea les quais jusqu'à la place du Commerce, tourna ensuite à droite dans la rue Bayle (actuelle rue de Gorges). Levant les yeux, il guetta la fenêtre où un prêtre insermenté devait lui donner l’absolution (4).
Il traversa la place Égalité (actuelle place Royale), monta par l’actuelle rue de l’Échelle jusqu’à la place Buffon (place Bretagne, disparue sous la Tour de Bretagne), et s’avança dans la rue du Marchix qui débouche sur la place des Agriculteurs (actuelle place Viarme) où l’attendaient 5.000 hommes de troupes encadrant un espace carré sur trois côtés, le quatrième étant formé de murs de jardins. Au centre se tenaient une dizaine de généraux avec leurs états-majors, les représentants du peuple, deux musiques militaires, et un peloton de 18 hommes alignés en face des murs.
Itinéraire de Charette et de son escorte entre la place Buffon et la place des Agriculteurs (plan de Nantes, Sebise éd., 1795, BnF)
Les gendarmes qui escortaient Charette depuis le Bouffay le laissèrent à l’entrée de ce grand carré de soldats. Toujours suivi de l’abbé Guibert, le condamné s’avança vers le groupe des généraux, discuta un moment avec eux, avant d’aller se placer devant l’une des portes percée dans les murs au fond de la place.
Charette refusa de s’agenouiller, ni qu’on lui mît un bandeau. Il demanda à l’officier qui commandait le peloton de ne pas faire feu avant qu’il n’en fît lui-même le signal en inclinant la tête, retira le bras gauche de son écharpe, se recueillit, et donna son dernier ordre. La décharge des fusils rompit brutalement le silence assourdissant qui régnait sur la place, bientôt suivi par la musique militaire qui entonna des airs nationaux tandis qu’on déposait le corps du dernier chef vendéen dans un cercueil.
L'itinéraire de Charette reporté sur un plan actuel de Nantes
Où fut inhumé Charette ?
Sa dépouille ne fut pas jetée dans les carrières de Gigant, comme on le lit parfois, mais dans une fosse commune du chemin de Rennes, située à l’emplacement de l’actuelle rue Costes et Le Brix. Un charnier y fut mis au jour lors d’un chantier de construction en 1981. Une plaque du Souvenir Vendéen fut posée en 1997 au bout d’une impasse voisine (avenue du Lavoir) à la mémoire de Charette et des milliers de victimes de la Révolution qui furent inhumées en ce lieu.
Notes :
- Il s'arrêta à Saint-Lambert-du-Lattay pour déjeuner à l'auberge de la Croix-Blanche.
- L’interrogatoire, signé de la main de Charette, est consultable sur le site des Archives de la Vendée (SHD B 5/36-98).
- Le récit de l’abbé Guibert a été reproduit par Camille Mellinet, Histoire de la Commune et de la Milice de Nantes.
- « Ce fut elle (Marie-Anne Charette de La Contrie) qui, aidée de notre grand-mère, dame Charette de Thiersant, et après s’être entendue dans la prison avec son frère, fit placer à une fenêtre de la rue de Gorges, à Nantes, un bon prêtre (un insermenté) qui put donner une dernière absolution au général Charette quand, pour le fusiller sur la place Viarmes, on lui faisait parcourir les rues de Nantes » (A. de Monti de Rezé, Documents généalogiques pour la maison de Charette, p. 51).
Sait-on ce qui fut fait des restes découverts dans ce charnier de la rue Costes et Le Brix ?
Merci !