Deux sources se contredisent sur la date de la mort de Pierre Charon, marchand de draps de Beaupréau, engagé dans l’insurrection vendéenne. Un acte de notoriété de 1797 le prétend tué en mai 1793 entre Nuaillé et Cholet, tandis que les demandes de secours de ses deux filles disent qu’il périt les armes à la main en 1794, entre Cholet et Coron.

Signature de Pierre CharonLa signature de Pierre Charon sur son acte de mariage
  

Posons d’abord quelques repères généalogiques. Fils de François Charon, un marchand de Beaupréau, et de Marie Grellier, originaire de La Varenne, Pierre Charon naquit le 23 avril 1756 à Beaupréau et fut baptisé le lendemain à l’église Notre-Dame. Il se maria le 5 octobre 1779 à Chemillé, paroisse Saint-Léonard, avec Renée Pousset (1), dont il eut deux filles nées à Beaupréau, paroisse Notre-Dame : Marie le 15 avril 1781 et Renée-Françoise le 21 novembre 1784.

L’acte de notoriété de 1797

Pierre Charon prit part à l’insurrection de 1793. Il y perdit la vie, comme l’atteste un acte de notoriété établi le 18 frimaire an VI (8 décembre 1797) par Jean-François Paumard, juge de paix du canton de Beaupréau, d’après la déclaration de trois habitants de la ville : Jean Pineau (2), aubergiste patenté, Mathurin Bouët (3), compagnon maçon, et Jacques Herbert, compagnon tisserand.

Ces témoins déclarèrent que « dans une bataille entre les républicains et l’armée soi disant catholique, entre Nouaillé et Chollet, vers le mois de may mil sept cent quatre vingt treize, le citoyen Pierre Charon, lors marchand de drap à Beaupreau, se trouva à cette affaire au moment où la partie, dans laquelle il était, prenait la déroute ; qu’ils le virent frappé à coups de sabre par des hussards ; qu’un instant après, passant ensemble au même endroit, ils virent ledit citoyen Charon mort de ses blessures » (4)
  

94 L 10Extrait de l'acte de notoriété attestant la mort de Pierre Charon
(A.D. 49, 94 L 10)

  

Les demandes de secours des filles de Pierre Charon

On conçoit cependant difficilement qu’une bataille ait pu avoir lieu entre Cholet et Nuaillé en mai 1793, à une époque où toute menace républicaine avait été chassée du cœur du territoire insurgé. La vérité se trouve probablement dans la déclaration que firent les deux filles de Pierre Charon et Renée Pousset le 20 mai 1825, lorsqu’elles sollicitèrent un secours afin de subvenir aux besoins et à l’éducation de leurs enfants en bas âge (5). Chacune fournit le même texte :

« Pierre Charon, mon père, se rangea sous les drapeaux vendéens dès la première insurrection de 1793. Il joignit à la bravoure un désintéressement sans bornes, et se montra dans toutes les occasions où il étoit besoin de développer du courage et dans lesquelles on pouvoit acquérir de la gloire.

Au retour de la campagne d’outre Loire (6) il contribua fortement à la réorganisation de l’armée sans avoir eu le bonheur de jouir longtemps du succès de la cause qu’il deffendoit, ayant péri les armes à la main dans l’affaire qui, en 1794, eut lieu entre Cholet et Coron. Il étoit à cette époque et militaire et membre du Comité chargé de l’entretien et de la subsistance de la troupe.

Époux et père de deux filles en bas âge, il ne consulta que son devoir, dont il fut victime, et sa mort laissa une épouse infirme et des enfants réduits à la plus affreuse misère, puisque sa fortune consistoit en plusieurs maisons sises à Beaupreau et ses environs, et une boutique d’étoffes conséquente ; que le tout fut la proie des flammes. Lors de l’incendie de 94, la perte de cet avoir peut se monter pour ma portion de trente à quarante mille francs… » (7)

Cette déclaration fut confirmée par Oger de L’Isle, ancien chef de division, Pauvert, commissaire général, La Sorinière, chef de division de Chemillé, Maugeais, ancien commissaire des armées royales de la Vendée.
  

CarteCarte des lieux cités
  

Ainsi Pierre Charron dut-il périr en 1794, entre Cholet et Coron. Si cela eut lieu en mai, comme le suggère l’acte de notoriété de 1797, peut-être fut-ce le 8, lors du combat que l’adjudant général Dusirat, alors en cantonnement à Coron, livra à une troupe d’insurgés sur la grand-route venant de Vezins. Quand le commandant républicain vint reconnaître les environs le lendemain, il nota : « J’ai vu par mes propres yeux que la perte des brigands, dans la journée du 8, est vraiment considérable. Il n’est pas de direction qu’ils n’aient prise dans leur déroute » (8).


Notes :

  1. Fille de Paul Pousset et de Françoise Deniau, Renée Pousset naquit à Saint-Léonard de Chemillé, mais fut baptisée dans l’église Saint-Gilles le 19 août 1755.
  2. On trouve dans les demandes de secours adressées en 1825 un Jean Pineau originaire de Notre-Dame de Beaupréau. Né 7 février 1751, il était le fils de Jacques Pineau, meunier, et de Marie Boctault. Il prit les armes en 1793 et fut nommé courrier par le général Stofflet. Mais on lit dans sa demande que ses infirmités ne lui permettaient pas de travailler (A.D. 49, 1 M 9/290).
  3. Mathurin Bouët, maçon à Beaupréau. Fils de Paul Bouet et Renée Daburon, il fut baptisé le 4 avril 1766 à Beaupréau, paroisse Notre-Dame. Son dossier de pension (A.D. 49, 1 M 9/72) nous apprend qu’il prit les armes dès le commencement de la guerre en se portant à Saint-Florent-le-Vieil (soit le 12 mars 1793) et qu’il a servi dans l’armée vendéenne jusqu’à la pacification comme dragon dans la division de Beaupréau. Il a reçu trois blessures au combat : au bras, dans une charge de cavalerie à Saumur (9 juin 1793) ; un coup de feu à la tête, au Bas-Plessis de Chaudron-en-Mauges ; à la lèvre supérieure coupée par le bout de la carabine d’un cavalier, à Luçon (probablement la 3e bataille, le 14 août 1793). Il reprit les armes pendant les Cent-Jours, avec le grade de sergent-major, et participa au combat de Rocheservière (20 juin 1815).
  4. A.D. 49, 94 L 10.
  5. Marie s’était mariée le 2 frimaire an XI (23 novembre 1802) à Beaupréau avec Joseph Ménard, boulanger, puis cirier. Ils eurent huit enfants : Marie-Joséphine-Geneviève, née le 9 nivôse an XII (31 décembre 1803) ; Pauline-Étiennette, née le 24 floréal an XIII (14 mai 1805) ; Joseph-François, né le 19 février 1808 ; Paul, né le 18 septembre 1809 ; Antoine-Hypolite (sic), né le 12 septembre 1810 ; François-Maximin, né le 12 août 1813 ; Marguerite-Joséphine, née le 11 octobre 1815 ; et Constant, né le 9 avril 1819. Marie Charon est décédée à Beaupréau le 18 février 1868.
    Renée-Françoise s’était mariée le 3 septembre 1808 à Sainte-Gemmes-d’Andigné avec Jacques-Paul Féron (Champtoceaux 1782 – Chemillé 1850), fabricant de mouchoirs installé à Beaupréau en 1808 ; il sera, à la fin de sa vie, débitant de tabac à Chemillé. Ils eurent deux fils : Victor-François-Paul, né à Chemillé le 7 février 1814 ; et Alexis-Arsène, né à Chemillé le 12 mai 1817. Renée-Françoise Charon est décédée à Chemillé le 16 juin 1831.
  6. Par conséquent à la fin décembre 1793 ou au début de l'année 1794.
  7. A.D. 49, 1 M 9/101.
  8. J.-J. Savary, Guerres de Vendéens et des Chouans contre la République française, t. III, p. 487.