La commune de Béhuard, qui couvre l’île du même nom sur la Loire angevine, se situait en 1793 aux avant-postes républicains face aux insurgés de la rive gauche, très présents à Denée. Elle n’a cependant pas connu d’événements majeurs à cette époque, sinon qu’elle accueillit des réfugiés de la Vendée, comme l’indique son registre d’état civil de l'an II.
Localisation de l'île de Béhuard et des lieux cités
On appelle réfugiés de la Vendée les habitants des territoires insurgés de la Loire-Inférieure, du Maine-et-Loire, des Deux-Sèvres et de la Vendée, qui ont fui leur domicile par milliers pour gagner les régions restées fidèles à la République, soit dans les villes périphériques (Nantes, Angers, Saumur, Fontenay, Les Sables, etc.), soit au-delà, vers les Charentes, vers Le Mans, ou le long de la vallée de la Loire (1).
La Loire fut d’ailleurs un itinéraire très emprunté par cet exode à la fois pour les riverains du fleuve, et pour les personnes originaires du sud du pays nantais. Les registres d’état civil de Béhuard (2) conservent la trace de trois décès d’enfants de réfugiés de la Vendée, survenus au cours de l’été 1794 dans des bateaux conduits par des « voituriers par eau », et dont les actes ont été établis par Charles-René-Jean Colin (3) :
- Le 3 messidor an II (21 juin 1794) ont comparu Pierre Pineau, voiturier par eau, 40 ans, domicilié à Montrelais (Loire-Inférieure) et Charlotte Huchet, filassière, 30 ans, domiciliée à « Montglone » (nom révolutionnaire de Saint-Florent-le-Vieil) ; lesquels ont déclaré que Pierre Pottier, âgé de 26 mois, fils de Martial Pottier, filassier, et Charlotte Huchet (le couple s’est marié le 10 février 1789 à Saint-Florent-le-Vieil), est mort ce jour sur les cinq heures du matin « dans les bateaux dudit citoyen Pierre Pineau, conducteur des réfugiés de Montglone restés devant notre commune ».
- Le 24 thermidor an II (11 août 1794) ont comparu René Doussard, voiturier par eau, 56 ans, domicilié à Chalonnes, et Jeanne « Cléné » (Clénet), 38 ans, domiciliée à « Meudon » (Maisdon-sur-Sèvre) ; lesquels ont déclaré que Marie « Brongé » (Branger), âgée de 5 ans et quelques mois, fille de « Blais Brongé » (Blaise Branger) et de Jeanne Clenet (le couple s’est marié le 28 janvier 1777 à Maisdon-sur-Sèvre), est morte ce matin à cinq heures « dans les bateaux du citoyen Doussard restés devant laditte commune de Behuard dans la rivière de Loire ». Marie Branger était née le 19 octobre 1788 à la Haie-Trois-Sous, paroisse de Maisdon.
- Le 29 thermidor an II (16 août 1794) ont comparu le même René Doussard, et Marie Boidron, domiciliée à Saint-Fiacre (Loire-Inférieure), âgée de 48 ans ; lesquels ont déclaré que « Jean Airault, âge de huit ans, fils de Pierre Airault, cultivateur, et de Marie Boidron, domiciliés de la commune de Saint Fiacre (…) est mort hier sur les onze heures du soir dans les bateaux du citoyen René Doussard, chargés de réfugiés de la Vendée et restés devant laditte commune de Behuard à cause des vents contraires ». Or, on ne trouve aucun Airault à Maisdon pour cette période. Le maire de Béhuard a mal compris le nom. Il s’agit en fait de Pierre Météreau (ou Métaireau), marié à Saint-Fiacre le 24 janvier 1769 avec Marie Boidron, dont il eut un fils, Jean, né le 14 mars 1785 à Saint-Fiacre.
À noter que la fuite de ces réfugiés de Saint-Fiacre et de Maisdon eut lieu quelque temps après l’expédition dans ces communes d’une colonne sortie du camp de la Roullière au début du mois de juin 1794.
Acte de décès de Jean Métaireau (noté : Airault), le 16 août 1794, « dans les bateaux du citoyen René Doussard, chargés de réfugiés de la Vendée… » (A.D. 49, état civil de Béhuard, NMD 1793–An VIII, vue 19/74)
D’autres décès de réfugiés de la Vendée, originaires de Chaudefonds-sur-Layon, sont mentionnés dans le même registre, mais ces derniers sont décédés sur la terre ferme, et non dans les bateaux amarrés à l’île :
- Le 8 fructidor an II (25 août 1794) est constaté le décès de Claude Bênard, tonnelier, 52 ans, domicilié à Chaudefonds et réfugié chez le citoyen Mathurin Bertrand, mort la veille.
- Le 17 fructidor an II (3 septembre 1794), Guy Bompas, 31 ans, cultivateur, et Françoise Papin, son épouse, 30 ans, tous deux domiciliés dans la commune de Chaudefonds et « réfugiés dans celle de Béhuard à cause des brigands de la Vendée », ont déclaré que Marie Bompas, leur fille, âgée de 3 mois, est morte la veille.
Notes :
- On lira à ce sujet le livre de Guy-Marie Lenne, Les réfugiés des guerres de Vendée de 1793 à 1796, Gesté éditions, 2003.
- A.D. 49, état civil de Béhuard, NMD 1793–An VIII, vues 18-19/74.
- Charles-René-Jean Colin (Béhuard 1755 – Béhuard 1819), maire de la commune de 1792 jusqu'à sa mort.