Comme on pouvait s’y attendre, Fontenay-le-Comte a puisé dans le registre républicain plutôt que vendéen pour ses noms de rues inspirés de l’époque révolutionnaire. On y rencontre toutefois le général de Lescure et un canon qu’on se disputa lors des deux batailles pour la prise de ce chef-lieu de la Vendée en mai 1793.
Quelques panneaux de rues de Fontenay-le-Comte évoquent l'histoire de la Révolution.
Le lieu le plus marquant se situe au nord de la ville, aux abords du site des deux batailles. L’armée vendéenne tenta une première fois de s’emparer de Fontenay-le-Comte le 16 mai 1793. Le combat s’engagea à la hauteur des Gourfailles, des Granges et du chemin de Pissotte. Il tourna à la déroute pour les assaillants qui se replièrent jusqu’au-delà de Baguenard, près de Vouvant.
La croix du Camp
Les Vendéens revinrent à la charge le 25 mai suivant, par le même endroit, et cette fois la chance leur sourit. Ils enfoncèrent la ligne de défense des républicains qui s’appuyait à droite sur les Moriennes et à gauche sur la croix du Camp, et les poursuivirent vers Fontenay. Soudain les Vendéens s’arrêtèrent à la hauteur de cette croix et s’agenouillèrent pour prier. La Ville-Baugé voulut les interrompre afin qu'ils reprennent leur course, mais Lescure l’en empêcha en lui disant : « Laissez-les prier, ils ne s’en battront que mieux après » (1).
La croix du Camp, qui avait disparu depuis lors, a été relevée en 2019 par le Souvenir Vendéen à l’orée d’un petit parc arboré. Un panneau explicatif placé à ses côtés raconte aux promeneurs les événements de mai 1793. C’est ici que nous arrivons à nos rues vendéennes : nous trouvons d’abord la rue Louis-Marie de Lescure qui débouche presqu’en face du monument ; et plus loin, la rue de la Croix du Camp.
La Marie-Jeanne
Il faut chercher l’impasse de la Marie-Jeanne à l’autre bout de la ville, en direction de Niort, ce qui sied à l’histoire quand on sait que ce canon fétiche des Vendéens, perdu lors de la première attaque du 16 mai, fut repris sur cette route le 25 au terme d’une poursuite épique. On avait promis 25.000 francs à un détachement d’infanterie et à des gendarmes à cheval s’ils parvenaient à soustraire cette pièce d’artillerie à l’ennemi qui venait d’investir Fontenay. Une poignée de Vendéens se lancèrent à leurs trousses. Parmi eux figuraient Forest, Rochard et Delaunay, de Chanzeaux, Loyseau dit L'Enfer, de Trémentines, Vandangeon dit le Sabreur, d’Yzernay, et Biot, de Mouchamps (2). Ces derniers l’emportèrent au terme d’une lutte acharnée où le canon fut perdu et repris six fois.
Le souvenir du canon la Marie-Jeanne sur la route de Niort
Les Fontenaysiens sous la Révolution
Un trio de généraux républicains est à signaler à proximité de la caserne : le boulevard Hoche, la rue Marceau et la rue Kléber (qui n’a pas de panneau). On aura pu s’attendre à d’autres officiers plus en rapport avec l’histoire de Fontenay sous la Révolution, comme Chalbos ou Beaufranchet d’Ayat, qui commandèrent les forces républicaines lors des deux batailles de 1793.
Les civils sont en revanche plus nombreux :
- Rue Ballard : David-Pierre Ballard, fut l’un des trois premiers membres du clergé (il était curé du Poiré-sur-Velluire) à rejoindre les députés du tiers état le 13 juin 1789.
- Rue Bouron : François-Anne-Jacques Bouron fut élu député du tiers état du Poitou en 1789, puis de la Vendée à la Constituante.
- Rue Cavoleau : Vicaire épiscopal constitutionnel et président du Conseil général du département de la Vendée en 1792, Jean-Alexandre Cavoleau fut capturé par les Vendéens le 25 mai 1793. Il occupera plus tard les fonctions de secrétaire général de la préfecture pendant 15 ans. Il nous a laissé une volumineuse Statistique du département de la Vendée.
- Rue René Esnard : Il fut membre de l’administration départementale de 1791 à 1793 et démissionna l’année suivante. Il fut suspecté à cause d’une lettre adressée à Mme de Grimoüard (voir ci-dessous).
- Rue Goupilleau : Jean-François-Marie Goupilleau dit de Fontenay fut élu à la Constituante, puis à la Convention où il vota la mort du roi. Il était présent en ville lors de la bataille du 25 mai 1793.
- Rue de Grimouard de Saint-Laurent : C’est chez Henri-Marie-Joseph de Grimoüard de Saint-Laurent que s’installèrent les chefs vendéens après la prise de Fontenay. M. et Mme de Grimoüard furent emprisonnés en 1794.
- Rue Mercier du Rocher : André-Charles-François Mercier du Rocher était avocat. Il a laissé des Mémoires très instructifs pour l’histoire de la Révolution à Fontenay.
- Rue Pervinquière : Mathieu-Joseph-Séverin Pervinquière, avocat élu député à la Constituante, fut capturé par les Vendéens le 25 mai 1793.
Concluons avec la rue Crétineau-Joly (ci-dessous), du nom du célèbre « historien » de la Vendée, né en 1803 à Fontenay-le-Comte.
Pour en savoir plus, on lira l'article de Jean Artarit, La prise de Fontenay par les Vendéens, le 25 mai 1793, Revue du Souvenir Vendéen n°287 (été 2019), pp. 2-39.
Notes :
- Cette scène célèbre a été immortalisée dans le portrait de Lescure par Robert Lefèvre et dans plusieurs verrières : au Pin-en-Mauges, à Pouzauges, à Rocheservière et à Montravers.
- F. Deniau, Histoire de la Vendée, 1878, t. II, pp. 73-74. Les états de service de certains anciens combattants vendéens cités dans leurs demandes de pension mentionnent leur participation à la reprise de ce canon, comme ceux de Pierre Cheneau, de Maulévrier, « blessé à la main droite en prenant la pièce de canon nommée Marie-Jeanne » ; Jacques Fonteneau, du Longeron qui « était du nombre de 15 à 20 hommes qui poursuivent les Bleus et se réemparent de la pièce de canon et l’amenèrent à Fontenai » ; Charles Godicheau, de Joué, « accompagné de vingt autres a pris la pièce de canon nommée Marie-Jeanne à l’affaire de Fontenay », etc. (Pierre Gréau, Autour de la Marie-Jeanne, Revue du Souvenir Vendéen n°222, mars 2003, pp. 5-11).