Le retour de Napoléon en mars 1815 ne souleva pas la Vendée, en dépit des efforts du duc de Bourbon. Son annonce prit le camp royaliste au dépourvu et ce n’est qu’au mois de mai qu’éclatèrent les premiers troubles.
Localisation de La Chapelle-Basse-Mer sur la carte de la guerre de 1815
au sud de la Loire
La nouvelle du débarquement de Napoléon à Golfe-Juan, le 1er mars 1815, parvint à Paris quatre jours après. Constant de Suzannet, ancien officier de l’armée de Charette, se rendit aussitôt aux Tuileries afin de suggérer à Louis XVIII l’idée de confier aux populations de l’Ouest, en se transportant au milieu d’elles, le soin de le défendre (1). Il ne put même pas accéder au roi. On lui apprit seulement que le duc de Bourbon (2) était envoyé à Angers comme gouverneur général des provinces de l’Ouest, mais sans ordre d’y organiser une résistance armée.
Personne dans l’entourage royal ne semblait prendre la mesure du péril. Michelot Moulin, officier chouan normand, raconte ainsi dans ses Mémoires qu’il se présenta chez le duc de Berry et lui proposa de former un corps de volontaires en Normandie, ce à quoi le prince répondit « qu’il avait des forces bien plus que suffisantes pour arrêter Bonaparte et la poignée d’hommes qui l’accompagnaient » (3). Lorsque le Chouan renouvela son offre quelques jours plus tard, on lui dit qu’il était trop tard.
La Vendée ne se soulève pas
Napoléon reprit le pouvoir en main en entrant à Paris le 20 mars. Le 24, le duc de Bourbon, qui s’était replié sur Beaupréau, appela à une prise d’armes pour s’y opposer. Il lançait ses premiers ordres (4) quand d’Autichamp (5) le rejoignit dans les Mauges et le convainquit d’ajourner le soulèvement. Les affaires des royalistes périclitaient, les autorités locales se soumettaient au pouvoir impérial, forçant le duc de Bourbon à s’embarquer à Paimbœuf le 31 mars.
Si la Vendée n’avait pas encore couru aux armes en raison de la division de ses chefs, elle ne commençait pas moins à gronder face à la levée d’impôts, aux réquisitions et à la conscription qui poussa de nombreux jeunes gens à la révolte. Des échauffourées finirent par éclater çà et là dans le Bocage dans les premiers jours du mois de mai. Elles furent toutefois circonscrites par les troupes impériales commandées par les généraux Lamarque et Travot qui quadrillaient la région.
Le mécontentement des paysans ne cessait cependant de croître, au point que les chefs royalistes purent assez vite compter sur plusieurs milliers d’hommes répartis en quatre corps. Au sud de la Loire, d’Autichamp commandait l’armée d’Anjou dans les Mauges ; Auguste de La Rochejaquelein, l’armée du Haut-Poitou dans le nord-ouest des Deux-Sèvres ; Sapinaud, l’armée du Centre dans le Haut-Bocage vendéen ; et Suzannet succédait à Charette dans l’ouest de la Vendée. Mais faute d’armes, ils ne pouvaient encore passer à l’attaque.
Extrait du Récit des opérations militaires menées par le comte de Suzannet et le 3e corps de l'Armée catholique et royale de Vendée du 15 mai au 22 juin 1815 (A.D. 85, 1 Num 273/46)
11 mai 1815, la réunion de La Chapelle-Basse-Mer
Or, le 11 mai 1815, lors d'une réunion qui se tenait à La Chapelle-Basse-Mer, Auguste de La Rochejaquelein informa d'Autichamp et Suzannet – Sapinaud étant absent – qu’il venait de recevoir deux lettres de son frère Louis. Ce dernier avait embarqué le 1er mai sur une flottille anglaise et annonçait qu’il apportait des secours considérables d'armes, de munitions, d'argent, etc. La nouvelle décida les trois chefs vendéens à fixer la date du soulèvement général au lundi 15 mai, sans attendre que les coalisés déclenchent les hostilités sur les frontières. Des ordres furent expédiés sur-le-champ aux différents chefs de division pour faire sonner le tocsin le même jour dans toutes les paroisses et y organiser des rassemblements (6).
Mais où se tint cette réunion qui décida du jour où devait commencer la quatrième guerre de Vendée ? Au manoir de la Barre, non loin du château de la Vrillère, à La Chapelle-Basse-Mer. Cette demeure appartenait alors à Andronic-François Poullain de la Vincendière, le maire de la commune (7). Il avait émigré et rejoint l’armée des Princes en 1792, avait servi sous les ordres du général d’Autichamp, oncle du chef vendéen, puis avait profité du débarquement de Quiberon pour regagner la France. Il intégra alors l’armée de Scépeaux en 1795, déposa les armes l’année suivante, mais les reprit dans la division du Loroux dès que la guerre éclata à nouveau, d’abord 1799 et bien sûr en 1815.
La Barre, siège de la réunion des chefs vendéens le 11 mai 1815
La Barre sur le cadastre de La Chapelle-Basse-Mer en 1810 (A.D. 44)
La désillusion du débarquement d’armes
Quant au débarquement d’armes qui avait décidé les chefs vendéens à partir en guerre, il s’avéra bien décevant. Le 13 mai, Suzannet se trouvait à son quartier général à Maisdon, lorsqu’il reçut la visite de M. de Fourcaud, qui venait de quitter l’escadre anglaise. Ce dernier lui déclara qu’il avait été envoyé par Louis de La Rochejaquelein « pour lui faire connaître qu’il y avait à bord de la flotte quatorze mille fusils, une grande quantité de munitions, de l’argent, de l’artillerie et trois cents canonniers anglais destinés à soutenir les royalistes ». Il ajouta qu’un second convoi portait en outre vingt mille fusils et quinze cents hommes.
Le 17 mai, quand Suzannet parvint à Saint-Gilles où le débarquement avait eu lieu, il constata que la quantité d’armes ne correspondait pas à ce qu’on lui avait promis ; la moitié avait même été déjà distribuée à la division du Marais. Il ne lui restait plus que 1.000 fusils. Les cales des navires n’avaient jamais renfermé les subsides, l’artillerie et les servants annoncés. À la crainte de voir ses 5.000 hommes se retirer devant cette déconvenue, s’ajoutèrent bientôt plusieurs défaites dans l’ouest de la Vendée (8).
Notes :
- Ernest Daudet, La police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895, p. 326.
- Louis-Henri-Joseph, prince de Condé, duc de Bourbon (1756-1830), père du duc d’Enghien assassiné sur ordre de Napoléon en 1804.
- Mémoires de Michelot Moulin sur la Chouannerie normande, 1893, p. 369.
- Ordres irréalistes : Auguste de La Rochejaquelein devait prendre Saumur, et Canuel Châtellerault (F. Deniau, Histoire de la Vendée, t. VI, p. 273).
- Charles-Marie de Beaumont d’Autichamp (1770-1859) avait défendu Louis XVI aux Tuileries le 10 août 1792. Réfugié ensuite en Anjou, il rallia l’armée de son cousin Bonchamps et fit dans ses rangs toute la guerre de 1793 jusqu’à la bataille du Mans. Il y fut sauvé par un officier républicain qui le fit passer dans un régiment de hussards. D’Autichamp put rentrer en Vendée en 1795, dans l’armée de Stofflet auquel il succéda en 1796. Il reprit les armes en 1799. À la Restauration il fut nommé commandant des départements de Maine-et-Loire et de Mayenne.
- Récit des opérations militaires menées par le comte de Suzannet et le 3e corps de l'Armée catholique et royale de Vendée du 15 mai au 22 juin 1815 (A.D. 85, 1 Num 273/46). Dans ses Mémoires, d’Autichamp rapporte que le tocsin sonna dans la nuit du 15 au 16 mai 1815.
- Il avait été nommé maire de La Chapelle-Basse-Mer le 3 germinal an XII (24 mars 1804), et resta en poste jusqu’à la révolution de juillet 1830.
- Patrick Avrillas, Les débarquements d’armes au temps des guerres de Vendée, Revue du Souvenir Vendéen n°276 (automne 2016), Le soutien de l’Angleterre à La Rochejaquelein en 1815, pp. 15-20.
merci de m éclairer odile lacocquerie