La dernière livraison de la revue De fil en aiguille nous offre une grande variété d’articles sur l’histoire du textile choletais, en particulier une étude sur les activités d’un négociant à travers ses livres de comptes de 1776 à 1793.
Bien que Louis-Joseph Avril (1748-1825) ne fût pas l’un des plus importants marchands-fabricants ou négociants de Cholet, ses livres de comptes n’en fournissent pas moins un exemple pertinent pour appréhender la personnalité et le rôle de ces hommes d’affaires à la fin du XVIIIe siècle. Pascal Dollé les a étudiés dans le détail : 1° les 402 pages du « grand livre » qui fournissent d’abord le répertoire des clients, les événements personnels et familiaux, puis le « Grand livre commencé en l’honneur et la gloire de Dieu », dans lequel Louis-Joseph Avril a consigné les noms des personnes avec lesquelles il était en relation et toutes les transactions effectuées depuis 1776 ; 2° les 399 pages du « livre journal », qui s’ouvre à la première page sur le titre « Au nom de Dieu, commencé à Chollet le 15 d’avril 1776 » et qui contient toutes ses opérations commerciales jusqu’en 1810.
La généalogie de Louis-Joseph Avril nous montre d’emblée les liens qui l’unissaient à plusieurs familles de l’industrie textile choletaise et il n’est que de parcourir ses affaires de 1776 à 1793 pour cerner le réseau commercial dans lequel il évoluait, un réseau qui s’étendait de la Bretagne au Languedoc. On y découvre que son négoce consistait dans la vente de mouchoirs, dont le coton provenait essentiellement du sud de la France. Mais l’étude de la comptabilité va bien au-delà. Elle nous éclaire sur les affaires d’un marchand-fabricant, sur ses rapports avec les tisserands, sur les techniques de production et de blanchiment des toiles – spécialité choletaise –, et sur l’importance du port de Nantes pour les exportations. Louis-Joseph Avril avait en effet établi des liens avec la Guadeloupe dans les années 1790.
Une industrie détruite par les Guerres de Vendée
On ne sera pas surpris de voir la famille Avril pencher en faveur des idées révolutionnaires, comme la plupart des négociants de Cholet. Ceux qui venaient de Montpellier et Nîmes en furent d’ailleurs d’ardents promoteurs. Il en fut de même pour le frère de Louis-Joseph, François-René, alors vicaire de La Tessoualle, qui prêta le serment constitutionnel en 1791, mais qui dut abandonner sa charge deux ans plus tard. Les effets du soulèvement de 1793 se font sentir dans le « livre journal » : les deux dernières opérations sont notées au 3 mars, au moment des premières émeutes à Cholet. Elles ne reprendront qu’au 3 août 1794.
On suit alors Louis-Joseph Avril dans un périple en Bretagne, au cours duquel il continua de mener ses affaires dans l’espoir de reprendre son travail à Cholet dès que les troubles auront cessé. Il lui faudra attendre plusieurs mois. « Après retour de notre refuge, écrit-il dans son “grand livre”, nous avons trouvé notre mère morte qui avoit été brullée en sa maison par les insurgés (…) Touttes nos propriétés et papiers de la succession de notre mère ainsi qu’elle-même furent la proie des flammes… ». Il note aussi les 27.650 £ de marchandises volées « le jour que les mayanois (les Mayençais) ont entré dans Chollet », soit le 16 octobre 1793. Louis-Joseph Avril parvint pourtant à relancer son négoce, mais plus modestement qu’avant la Révolution. C’est là que s’interrompt l’étude sur ce parcours très instructif pour l’histoire locale à la fin du XVIIIe siècle.
Les autres articles de ce numéro de la revue De fil en aiguille offrent une grande variété de sujets : L’élevage des lapins angoras dans le Vihiersois – Maître et apprenti, tailleurs d’habits en 1848 – La blanchisserie de Mocrat à Cholet – La dette du tisserand – Le cimetière de Cholet, la mémoire du textile choletais gravée dans la pierre – Une éphémère fabrique de parachutes à Cholet (1938-1940) – Héraldique et industries de l’habillement, etc.
De fil en aiguille. Revue des Amis du Musée du Textile et de la Mode, n°45, mai 2021, 44 pages, 10 €.