La situation de plus en plus délétère en Vendée au début de l’année 1799 a suscité l’apparition de plusieurs bandes armées au cours de l’été. L’une d’elles fit sensation à la foire de Saint-Michel-Mont-Mercure.

AD 85 - L 266Extrait de la lettre du 3 fructidor an VII avec les abréviations d'usage :
«
 le commissaire du directoire exécutif près l'administration de Pouzauges… »
(A.D.
 85, L 266)
   

Les faits ont été signalés par Houdet-Dugravier (1), commissaire près la municipalité de canton de Pouzauges, dans deux lettres envoyées à son collègue près l’administration du département, et datées des 3 et 4 fructidor an VII, soit les 20 et 21 août 1799 (2).

La foire de Saint-Michel-Mont-Mercure

On lit dans la première que « les brigands au nombre de deux cents, ou environ, sont entrés ce matin à St Michel, jour de foire, ils avaient tambour et fifre ; ils ont dit à tous ceux qui étaient rendus à cette foire, ou plutot au marché qui la précédait, car il n’était alors que six heures, que ce n’était pas l’époque où la foire devait tenir, et qu’ils devaient la tenir à l’époque ordinaire… »

La foire de Saint-Michel, aussi réputée dans le pays que celle de Pouzauges, se tenait traditionnellement le 3e lundi de chaque mois (3). En août 1799, elle aurait donc dû avoir lieu le lundi 19, soit le 2 fructidor, si le Directoire n’avait pas bouleversé le calendrier.

Forestier, le chef de la bande, se serait ainsi adressé aux paysans : « Mes amis, ce n’est pas aujourd’hui que la foire doit avoir lieu ; retournez chez vous avec vos bêtes. La République est foutue, mais elle va chercher à vous tirer vos derniers sous ; vous n’avez pas d’argent : on va vous enlever vos grains. Ne vous laissez pas faire, et, si le cœur vous en dit, venez avec nous » (4).
   

Carte Affaire St-Michel 1797Carte des communes citées
   

La Flocellière et La Pommeraie-sur-Sèvre

Houdet-Dugravier indique toutefois que ces rebelles sont restés peu de temps à Saint-Michel-Mont-Mercure. Ils se sont rendus ensuite à la Flocellière où ils ont coupé l’arbre de la liberté.

« Nous avons été instruits à sept heures de leur arrivée à St Michel, poursuit-il. La troupe est de suitte partie pour les y attaquer (…) Les brigands n’ont pas fait long séjour dans les deux premiers endroits où ils sont allés. À huit heures et demies ou neuf heures ils sont arrivés à la Pommeraye(-sur-Sèvre), ils ont attaqué le faible poste qui y était ; il s’est renfermé dans l’église où il s’est défendu ; le feu n’a pas été vif. Les brigands n’ont pas fait un long séjour ; aucun militaire n’a été blessé. Le poste de Pouzauges, la troupe de la Pommeraye, des Epesses, sont à la suite de ces scélérats qui ont passé la Sèvre ; ils ont parmi eux des gens qui connaissent parfaitement le pays et qui étaient barbouillés de crainte d’être connus… »

Il précise en outre qu'avant cette affaire, « les brigands ont tous couché au château de la Bonelière (…) Il paraist que les habitants de cette maison étaient consignés chez eux » (5).

AD 85 - L 266 2Signature de Houdet-Dugravier et mention du passage des rebelles au château de la Bonnelière (A.D. 85, L 266)
   

Le Boupère et Rochetrejoux

Toute la bande n’a peut-être pas franchi la Sèvre nantaise pour gagner les Deux-Sèvres, car le lendemain, 21 août 1799, le commissaire annonçait « qu’une autre troupe de ces scélérats dont on ignore encore le nombre, qui paraist conséquent, s’est porté cette nuit dans la commune du Boupère, s’est emparée des armes des patriotes ainsi que de leurs chevaux et a pillé dans un très grand nombre de maisons. Ces différentes colonnes de rebelles s’occupent principalement de ramasser des armes. » On sait notamment qu’ils saisirent le fusil et les chevaux du citoyen Bienvenu au hameau de Grenoble, au sud du Boupère. Mais ils prirent également de l’argent chez d’autres patriotes sur la commune de Rochetrejoux (6).

Face à ces bandes armées qui semaient la panique dans le Haut-Bocage depuis leurs incursions à Tiffauges et à La Bruffière au mois de juillet, les patriotes étaient excédés de fatigue. « Nous ne dormons ni nuit ni jour, il nous sera impossible de tenir longtemps si on ne nous donne pas des forces conséquentes », conclut Houdet-Dugravier. Ils n’auront guère l’occasion de fermer d’œil au cours des semaines suivantes, même après le coup d’État du 18 brumaire. La situation ne s’apaisera vraiment qu’au début de l’année 1800.
   


Notes :

  1. Originaire de Pouzauges, Daniel-Jacques Houdet du Gravier (1757-1814) avait été vicaire du Boupère en 1781, puis curé de la même paroisse à partir de 1788. Il prêta le serment constitutionnel au début de 1791, renia son sacerdoce le 3 février 1794, et fit carrière dans l’administration, en particulier dans le canton de Pouzauges à l’époque du Directoire. Particulièrement hostile aux prêtres réfractaires, il mena contre les croix et contre le culte catholique une guerre sans merci (Abbé Aillery, Chroniques paroissiales, pp. 81-82 et 117-118)
  2. A.D. 85, L 266.
  3. J-A. Cavoleau, Statistique ou description générale du département de la Vendée, 1844, p. 778.
  4. Auguste Billaud, La Vendée sous la Directoire, 1949, p. 271.
  5. La Bonnelière se situe à la limite ouest de la commune de Saint-Michel-Mont-Mercure, sur la route de Saint-Paul-en-Pareds.
  6. A. Billaud, op. cit., pp. 270-271.