Jean-François Couet a passé plusieurs années à fouiller les archives pour reconstituer les événements de la Terreur à Angers et sortir de l’oubli les 6.000 prisonniers qui périrent là en seulement une année. Son travail vient de paraître dans un ouvrage publié par le C.V.R.H. (Centre Vendéen de Recherches Historiques).
Quand on évoque les prisons et les exécutions de masse au temps des Guerres de Vendée, on pense spontanément à Nantes et à la terreur que le représentant Carrier fit régner dans cette ville. On oublie cependant qu’Angers fut au même titre l’un des épicentres de la répression féroce à l’encontre des « brigands de la Vendée », des contre-révolutionnaires et de tous les individus simplement suspects. En quelques mois, ceux-ci furent entassés par milliers, hommes, femmes et enfants, dans des geôles insalubres établies dans des lieux familiers des Angevins d’aujourd’hui : la Citadelle, le Calvaire, le Bon-Pasteur, les Pénitentes, etc.
Submergées par leur nombre, les autorités mirent en œuvre des moyens d’exécution à grande échelle, la guillotine étant réservée aux plus notables en raison de son coût et de son faible rendement. Les prisonniers furent fusillés par centaines au Port de l’Ancre et au Champ des Martyrs d’Avrillé ; d’autres furent déportés vers des lieux d’exécution plus éloignés, aux Ponts-de-Cé et à Doué ; d’autres encore succombèrent de misère ou de maladie dans leurs cachots. On compte au total environ 6.000 victimes en seulement une année, puis la Terreur prit fin et le silence se fit à Angers.
L’intérêt de cet ouvrage scientifique est triple : sortir de l’oubli toutes ces personnes qui furent exécutées sans trop savoir pourquoi et sans trop savoir par qui ; montrer les dérives de la Révolution, notamment à travers des personnages emblématiques comme le terrible Vacheron, juge analphabète violeur et alcoolique ; et expliquer comment les autorités locales rendirent la mort industrielle. Tout ce travail de recherche est solidement documenté par plus d’un millier de sources extraites des Archives départementales du Maine-et-Loire et par des documents de l’époque.
Les Angevins y découvriront la dure vie quotidienne de leurs ancêtres tenaillés par la faim et la peur, et celle des prisonniers désespérés, dont les lettres montrent toute la détresse en ces temps effroyables. Nul doute qu’ils regarderont leur ville différemment après la lecture de cet ouvrage qui comble un grand vide dans l’histoire angevine et vendéenne.
Jean-François Couet, Dans les prisons d’Angers sous la Terreur (1793-1794), C.V.R.H., paru le 25 octobre 2021, 400 pages, 2 cahiers d’illustrations en couleurs, 25 €.