Nous avons quitté Stofflet au moment où celui-ci tombait sur la terre du Champ de Mars, à Angers, le jeudi 25 février 1796, frappé par les balles du peloton d’exécution. Qu’a-t-on fait ensuite de son corps ?
Situation du cimetière du Clon sur le cadastre d'Angers de 1809 (parcelle C3, A.D. 49)
Les souvenirs de Michel Coulon, secrétaire de Stofflet, s’interrompent aux derniers mots prononcés par le général vendéen. La suite du récit provient du côté républicain : « Stofflet est fusillé. Je l’ai vu sur le Champ-de-Mars, la face tournée vers le mur de la manufacture Joubert. Son aide-de-camp et son secrétaire étaient à ses côtés. Le même feu les a jetés par terre… » Ce témoignage contredit quelque peu celui de Coulon qui affirmait que Stofflet avait commandé le feu et qu’il ne pouvait donc lui tourner le dos. D’autre part, le général fut accompagné dans la mort par quatre de ses compagnons d’armes : Charles Lichtenheim, son aide de camp ; Joseph Moreau, son domestique ; Pierre Pinot, un de ses courriers ; et l’officier chouan Érondelles Desvarannes. Coulon, son secrétaire, avait réussi à s’échapper du piège de la Saugrenière. Le témoin républicain poursuit ainsi : « À peine tombés, leurs corps étaient mis dans une charrette à bras et la foule les entourait, avide de voir des hommes si terribles, qui désormais seraient muets et immobiles » (1).
On les emporta ensuite au cimetière du Clon. Situé dans la campagne au sud de la ville close, l’endroit avait aménagé à la fin des années 1770 pour accueillir les sépultures de plusieurs paroisses urbaines : Saint-Maurille, Saint-Pierre, Saint-Denis, Saint-Julien, Saint-Martin et Saint-Michel-la-Palud (2). Cette situation se prolongea après la Révolution, le cimetière du Clon servant aux inhumations des habitants de Saint-Laud, Saint-Maurice, Notre-Dame et Saint-Joseph, jusqu’à l’établissement du cimetière de l’Est en 1847 (3).
C’est donc là que les cadavres des cinq fusillés furent jetés dans une fosse commune, le 25 février 1796. Celui de Stofflet eut droit à un traitement particulier : avant de le mettre en terre, on lui coupa la tête et le bras droit afin de les présenter comme trophées à la curiosité publique, comme nous le verrons plus tard.
Cette sépulture sommaire demeura en ce lieu jusqu’à la désaffectation du cimetière du Clon au milieu du XIXe siècle. Il était encore en place en 1868, quand Aimé de Soland décrivait les quelques monuments funéraires dignes d’intérêt artistique, notamment deux tombeaux sculptés par les deux David : Louis et son fils, le célèbre David d’Angers (4). Cet auteur écrivait plus loin : « Nous apprenons que les terrains des anciens cimetières de Saint-Serge et du Clon viennent d’être aliénés. On en recueillera avec soin les ossements, pour les déposer au milieu du cimetière de l’Est, dans un vaste caveau qui sera prochainement construit. C’est sur cet ossuaire, sur la cendre des anciens habitants d’Angers, sur les restes de nos morts, que s’élèvera une nouvelle et modeste chapelle » (5). La construction de cette chapelle était déjà lancée, la première pierre ayant été posée l'année précédente. Bâtie par Ernest Dainville dans un style néoroman, elle fut bénie par Mgr Freppel, évêque d'Angers, le 31 octobre 1870 (6). Elle se dresse encore aujourd’hui au cœur du cimetière de l’Est. C’est là que reposent les restes du général Stofflet, exceptés son crâne et son bras droit qui connurent un autre destin.
Vues de la chapelle du cimetière de l'Est, à Angers. C'est là que furent déposés les ossements recueillis dans le cimetière du Clon après sa désaffectation. Merci à Guy Jacob pour les photos.
Un cimetière disparu
Une question se pose cependant : où se trouvait précisément le cimetière du Clon ? L’urbanisation a totalement redessiné les campagnes qui entouraient jadis Angers. La voirie a même fait disparaître la plupart des chemins ruraux, ce qui complique la superposition du cadastre de 1809 et du plan actuel de la ville. Il en reste cependant assez pour réaliser cette opération. Dans le secteur qui nous concerne, on retrouve par exemple le tracé de la rue de Brissac, ancien chemin d’Angers aux Ponts-de-Cé ; celui de la rue du Docteur Guichard, ancien chemin d’Angers à Sainte-Gemmes ; ou encore de vieux chemins qui deviendront la rue de Frémur, la rue Éblé et la rue de Tête-Noire avec ses deux angles droits bien reconnaissables.
Voici donc la parcelle C3 sur laquelle est délimité le cimetière du Clon, superposée sur le plan actuel d’Angers. Comme on le voit, ce cimetière s’étendait au croisement de la rue Jean Bodin et de la rue Dupetit-Thouars :
Le cimetière du Clon et les repères topographiques du cadastre de 1809 marqués en rouge (le Clon et le tracé des anciens chemins conservé dans la voirie actuelle)
Voici à présent trois vues plus larges superposant exactement le cadastre napoléonien et le plan actuel d’Angers, la deuxième associant les autres par transparence. Les rues de Brissac, du Docteur Guichard, de Frémur et Éblé suivent les tracés d’anciens chemins et servent de repères précis :
Détail du tableau d'assemblage du cadastre napoléonien (1810) et localisation du cimetière du Clon
Superposition du cadastre napoléonien et du plan actuel d'Angers
Plan actuel d'Angers et localisation de l'ancien cimetière du Clon
Notes :
- Hélyon de Champ-Charles, Pièces inédites sur la guerre civile de l’Ouest, Paris, Chavaray, 1847, p. 49.
- Célestin Port, Dictionnaire du Maine-et-Loire, édition révisée, Angers, Siraudeau, 1991, t. Ier, p. 777. Ces paroisses furent supprimées à la Révolution.
- F. Uzureau, Les cimetières d’Angers, L’Anjou historique, 1924, p. 135. La paroisse Notre-Dame cessa d’utiliser le cimetière du Clon à partir de 1823.
- Bulletin historique et monumental de l’Anjou, 1867-1868, p. 156.
- Ibidem, p. 218.
- F. Uzureau, op. cit., p. 136.
Vous pouvez participer au projet de reconstitution du vrai visage de Stofflet en cliquant sur l'image ci-dessous :