Il ne reste plus qu’une journée pour découvrir le spectacle écrit et mis en scène par Corentin Stemler, Le Grand Hiver, une histoire inspirée d’un événement méconnu de la Grande Guerre de 1793. Les dernières représentations seront données demain samedi au Haras de la Vendée, à La Roche-sur-Yon.

Le Grand Hiver

Depuis la mi-janvier, la troupe de jeunes comédiens a pris ses quartiers dans un manège à chevaux aménagé en théâtre. Ils sont une quarantaine, tous très impliqués dans leurs rôles, à redonner vie à un épisode longtemps resté dans l’ombre : le massacre de la nuit de Noël 1793 dans l’église de Pouzauges. Les faits reposent sur une lettre découverte en 1976 par un érudit lyonnais, qui révéla le témoignage édifiant de Jean-Baptiste de Nogaret, volontaire d’un bataillon de la Drôme, en décembre 1793. Ce dernier y relate des combats à Chemillé et Jallais (3-4 décembre 1793), puis ce massacre de Pouzauges en ces termes :

« […] La veille de la Noël, instruit par un espion qu’ils (les Vendéens) s’étoient retiré à Pousoges, au nombre de 400, pour y assister la messe de minuit, nous nous y sommes rendu sur le champ, avec cents cavaliers de la région du Nord, et 6 husards du 8e régiment ; en effet nous les avons trouvé dans l’église. Ne connaissant pourtant pas bien leurs nombres, nous n’avons consulté dans ce moment là que nottre courage et le bien de nottre patrie. Nous y sommes entré à cheval laissant néamoins des gardes à la porte. Nous nous sommes servi au comencement de nos pistolets. Mais ennuyé de tirer nous avons comencé de les sabrer dans l’instant : l’église a été couverte de leur morts, pas un n’est échapé à nottre juste vengence ; on na jamais vu boucherie pareille. Nos chevaux avoient du sang jusque au jaret… »

Publiée dans la Revue du Souvenir Vendéen en 1980 [1], la lettre n’a guère rencontré d’écho, du moins jusqu’à ce que le journal Ouest-France s’y intéresse en 1991. Elle souleva cependant plusieurs questions, notamment sur le fait que les archives, autant que la mémoire locale, n’avaient conservé absolument aucune trace de ce drame [2], alors même que le passage des colonnes de Grignon et Lachenay à Pouzauges, à la fin janvier 1794, était documenté. Convaincu de l’authenticité de cette pièce et se la réalité du massacre de Pouzauges, le docteur Jean-Maurice Clercq entreprit alors une analyse des plus poussées à partir des données démographiques et historiques [3]. C’est son article paru en 2011 qui a inspiré à Corentin Stemler la création du spectacle Le Grand Hiver.

On notera certes quelques libertés prises avec les faits dans l’intérêt de l’intrigue, que ce soit le cas de conscience de certains soldats confrontés à l’ordre de commettre un massacre dans une église la nuit de Noël, ou encore la résistance des fidèles. Toutefois, on ne peut manquer de saluer la qualité de la mise en scène, avec quelques beaux tableaux qui semblent tout droit extraits de vitraux vendéens, et applaudir le jeu des jeunes acteurs, tous profondément habités par leurs personnages, voire même possédé quand il s’agit de ce général républicain [4] tout en fureur.

Si vous souhaitez profiter des dernières représentations de ce spectacle, rendez-vous demain, samedi 29 janvier 2022, au Haras de la Vendée, à La Roche-sur-Yon. Il reste des places pour les séances de 14h30, 17h30 et 20h30.

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[1] Revue du Souvenir Vendéen n°130 (mars-avril 1980), pp. 44-45. La lettre de Nogaret a également été reproduite dans La Fin de la Rabinaïe n°75 (décembre 1991), pp. 10-11, ce qui fut probablement la source du petit article de Ouest-France.

[2] On trouve bien la mention d’un massacre commis à Pouzauges par le troupe de Joba, venue de La Châtaigneraie (le rapport utilise d’ailleurs le même terme de « boucherie » que Nogaret), mais il est daté du 19 décembre 1793, cinq jours avant Noël (SHD B 5/7-83).

[3] La question se pose sur l’identité des victimes : s’agit-il de Pouzaugeais, comme le pense le docteur Clercq, ou de femmes et de blessés qui suivaient l’armée de Charette ? Rappelons que cette armée passa par Pouzauges à la mi-décembre 1793 dans le but d’enrôler des combattants, qu’elle quitta la ville le 19 en direction de Cerizay, et qu’elle se porta ensuite vers Maulévrier. Le retour de La Rochejaquelein contraria Charette qui s’en revint vers ses terres. À la veille de Noël, le Maraîchin passait par Les Herbiers. On lira au sujet de la lettre de Nogaret la réponse à la question n°888 de « Chercheurs et Curieux » dans la Revue du Souvenir Vendéen n°261 (décembre 2012), pp. 52-56.

[4] Dans le spectacle, ce personnage prend l’identité de Crouzat, pourtant étranger à l’affaire de Pouzauges, et d’autant plus éloigné du jeune acteur qui l’incarne, que ce général républicain avait 58 ans à cette époque.