Après une vente exceptionnelle d’autographes d’époque révolutionnaire en avril dernier, la maison Rossini présente un nouveau catalogue de livres, manuscrits et documents historiques. On y retrouve des lots qui n’avaient pas trouvé preneurs, dont un billet du général Joly. 

JolyBillet autographe du général Joly, lot n°120 de la vente Rossini
   

Tous les autographes des généraux vendéens se sont arrachés lors de la vente d’avril. Tous, sauf celui de Joly, le rival malheureux de Charette. Il fut pourtant le premier à rassembler sous son autorité les insurgés de l’Ouest vendéen en vue d’attaquer Les Sables, mais son caractère ombrageux et l’échec de son projet lui causèrent un tort irréparable. Sa postérité dans l’histoire en a beaucoup souffert, ce qui explique probablement que son billet ait été délaissé. 

Ce billet (lot n°120) est adressé à William Bulkeley (1), commandant les insurgés de La Roche-sur-Yon, et ainsi libellé : « Je ne vous diray pas au Sud la situation de l'hennemy, on nous assure quil monte la garde au Moutiers (suit un mot peu lisible), nos geans les on vu de Beaulieu. Mr Charet (Charette) na rien marqué de nouveau. Je suis presentement a Ayzenay Mr Savin a Paluau et M. Charet à Legé. Voila tout ce que je puis vous dire pour le moment et je suis, en atandant l’honneur de vous voir, Joly, commandant. »

Si le billet n’est pas daté, il recèle plusieurs indices. Quand Charette se trouvait-il à Legé ? On sait qu’il s’est rendu sur le camp de Royrand, commandant l’armée du Centre, à Saint-Fulgent le 23 avril, mais qu’il y a été reçu froidement. Il en repartit aussitôt vers Vieillevigne, où la bande de Vrignault, sous l’influence de Madame de Goulaine qui détestait Charette, le menaça ouvertement. Lucas de La Championnière note même dans ses Mémoires que les paysans, « excités par la marquise de Goulaine, délibérèrent s’ils ne le tueraient point » (1). Charette jugea alors plus prudent de s’établir à Legé où aucun chef local n’était en mesure de le concurrencer. C’est là qu’il mit en échec l’attaque lancée sur lui par l’adjudant général Boisguyon, le 30 avril. Charette quitta ensuite Legé, repris par les Bleus le 5 mai. 

Qu’en est-il à présent de Joly à Aizenay et de Savin à Palluau ? Joly s’enfuit d’Aizenay le 29 avril, devant l’avancée de l’armée des Sables commandée par Boulard, comme on le lit dans une lettre du représentant Auguis au Comité de Salut public (2). Le lendemain, l’armée de Boulard poursuivit sa marche, rencontra quelque résistance pour franchir la Vie, et investit Palluau au soir du 30 (3). Le billet proposé aux enchères a donc été écrit peu avant l’offensive de Boulard sur Beaulieu-sous-la-Roche le 29 (carte ci-dessous).
   

29-30 avril 1793Carte de la marche de l'armée de Boulard sur Beaulieu-sous-la-Roche, Aizenay et Palluau (29-30 avril 1793)
   

Ajoutons que le poste des Moutiers-sur-le-Lay, mentionné dans le billet, fut pris et repris plusieurs fois. Le chef de brigade de cavalerie Nouvion le réoccupa le matin du 30 avril (4).
   

On peut relever dans le catalogue de la vente Rossini d’autres lots orphelins de celle d’avril :

  • Une lettre signée du général Rossignol, commandant en chef l’armée de La Rochelle, exposant la situation calamiteuse de ses forces après le désastre de Vihiers, le 18 juillet 1793 (lot n°134) ; 
  • Une lettre autographe signée du général Kléber annonçant au représentant Carrier la victoire des armées républicaines à Savenay, le 23 décembre 1793 (lot n°155) ; 
  • Une lettre autographe signée de Richard-Marigné dénonçant, en juillet 1799, le climat insurrectionnel dans les Mauges (lot n°270) ; ou encore une lettre autographe signée de Charles-Henri Sapinaud de La Rairie, datée de 1815 (lot n°292). 
  • Un arrêté des représentants du peuple près l’armée et dans les départements de l’Ouest, étendant aux Chouans le traité de pacification de la Vendée signée à la Jaunaye le 17 février 1795 (lot n°219, grosse estimation de 1.400/2.000 €)

La vente aux enchères est en ligne sur le site de Drouot jusqu’au jeudi 8 septembre 2022. 
    


Notes :

  1. William Bulkeley est né à Clonmel, en Irlande, le 7 décembre 1763. Sous-lieutenant au régiment de Walsh-Serrant, il épousa à Saint-André-d’Ornay, le 20 novembre 1786, Céleste-Julie Talour de La Cartrie (la célèbre amazone vendéenne, Madame Bulkeley). Il quitta l’armée en 1792, pour se retirer au logis de la Brossardière, à Saint-André-d’Ornay, quand il prit en mars 1793, sous la pression de son épouse, le commandement des insurgés des environs de La Roche-sur-Yon, avec Jean-René de Chouppes. Il joignit ses forces d’abord avec Joly pour l’attaque des Sables, puis avec Charette. En septembre, il suivit la Grande Armée catholique et royale, avec sa femme et sa fille, et fit la campagne d’outre-Loire. Capturés tous les trois au Louroux-Béconnais, ils furent emprisonnés à Angers. William Bulkeley fut condamné à mort et guillotiné le 2 janvier 1794. Sa femme prétendit qu’elle était enceinte pour échapper à la mort (H. La Fontenelle de Vaudoré, Autour du drapeau blancRevue du Bas-Poitou, 1898, p. 482)
  2. Mémoires sur la guerre de Vendée (1793-1796) par Lucas de La Championnière, réimpr. Pays et Terroirs, Cholet, 1994, p. 15.
  3. SHD B 5/3-93.
  4. SHD B 5/3-94.
  5. SHD B 5/3-93.