Le feu des projecteurs braqués sur Charette grâce au film Vaincre ou mourir a diffusé sa lumière sur une découverte qui aurait pu rester dans l’ombre sans cela : l’exhumation d’ossements que certains rêvent d’attribuer au chef vendéen.
La plaque posée par le Souvenir Vendéen en 1997 au bout de l'avenue du Lavoir
(photo J.-Cl. Desmars, Le Souvenir Vendéen)
Ces restes humains ont été exhumés le 2 décembre 2022 lors de travaux dans une cave de l’avenue du Lavoir, à Nantes. Ce secteur du quartier des Hauts-Pavés-Saint-Félix, autrefois isolé à l’écart de la ville, fut choisi à l’époque de la Révolution pour recevoir dans des fosses communes les corps des victimes des fusillades et de la guillotine. Celui de François-Athanase Charette de La Contrie, l’un des principaux généraux vendéens, y fut ainsi jeté après son exécution le 29 mars 1796, comme le rappelle une plaque du Souvenir Vendéen posée sur un muret non loin de là. Il n’est cependant pas le seul, tant s’en faut. Autre « célébrité » vendéenne, l’abbé Matthieu de Gruchy, fusillé comme Charette sur la place des Agriculteurs (actuelle place Viarme) le 28 novembre 1797, connut le même sort.
L’effet Vaincre ou mourir
Parmi les milliers de corps inhumés naguère dans ces sinistres parages du chemin de Rennes, en grande partie découverts en 1981, la probabilité que ces ossements aient appartenu au « Roi de la Vendée », selon la formule consacrée, reste par conséquent infime. Elle n’aurait pas éveillé plus d’intérêt si Charette ne faisait pas tant parler de lui depuis la sortie du film Vaincre ou mourir, qui s’inspire de ses années de guerre de 1793 à 1796.
Le Puy du Fou, à l’origine de cette production cinématographique, a saisi l’occasion pour demander à la Drac des Pays de la Loire l’authentification de ces ossements et exprimer « son souhait d’accueillir les restes du général Charette – s’il s’agissait bien de lui, et avec l’accord de ses descendants ». La réponse ne s’est pas fait attendre : « Afin de compléter les premières observations anthropologiques sur le terrain, il est prévu de réaliser une datation radiocarbone sur l’individu », en ajoutant que « concernant l’interprétation du Puy du Fou, aucun argument scientifique ne permet d’étayer à ce stade que les restes humains récemment découverts puissent être ceux de François Athanase Charette ou de tout autre individu lié à l’insurrection vendéenne ». Ni d’étayer, ni de démentir d’ailleurs.
Un appétit insatiable pour les ossements
Pour ma part (après tout, c’est mon blog), j’en viendrais presque à souhaiter qu’on ne soit pas en présence de Charette. Je crains que cette histoire ne dégénère encore en foire d’empoigne, comme ce fut le cas après l’exhumation des charniers des Jacobins au Mans en 2009, lorsque chacun revendiquait les ossements, les uns à Saint-Florent-le-Vieil, les autres aux Lucs-sur-Boulogne, quelques farfelus sous la chapelle du Mont des Alouettes aux Herbiers, dans une crypte qui n’existe pourtant pas, ou sous l’église de Saint-Martin-Lars-en-Sainte-Hermine, en pays « bleu ». Un historien bien connu proposa même de partager ces restes en lots, chacun des quatre départements composant la Vendée militaire devant recevoir le sien.
Quant aux restes de Charette – si d’aventure ce sont bien eux qui ont refait surface –, je n’imagine même pas qu’ils puissent reposer dans un parc d’attractions, quelque prestigieux que soit le reliquaire. Il y a tant d’autres sites plus légitimes pour une telle sépulture : Couffé, La Garnache, Belleville-sur-Vie, ou encore Legé, puisque cette ville du Pays de Retz, premier quartier général, possède déjà sa « chapelle de Charette ». Toutefois, comme le précise le président du Cercle Charette, qui réunit les descendants de Louis-Marin, le frère du général vendéen (1), c’est « la famille dans sa globalité (qui) devra se positionner sur le lieu de sépulture » (2). Croyez-moi, ça fait du monde. Les ossements de l’avenue du Lavoir ne sont pas près de sortir de leur tiroir. Après tout, ceux des Jacobins du Mans dorment toujours dans les cartons de l’Inrap.
Notes :
- Charette n’a eu qu’un enfant de son mariage avec Marie-Angélique Josnet de La Doussetière, Louis-Athanase, né le 2 février 1792 à La Garnache (Vendée). On raconte que sa décision de reprendre les armes à la fin juin 1795 aurait été mue par la nouvelle de la mort du petit Louis XVII, ressentie d’autant plus douloureusement par le général vendéen que celui-ci venait de perdre son fils, comme on le voit dans le film. Pour être plus précis, Louis-Athanase était mort trois ans auparavant, à Pâques 1792 (A.D. 85, L 2073).
- Le Figaro, 4-5 février 2023, p. 11.