Le projet de recherche des deux cents victimes de la colonne infernale de Lachenay, massacrées au Parc-Soubise le 31 janvier 1794, m’a poussé à jeter un œil dans les actes de notoriété de Mouchamps. Deux d’entre eux m’ont interpellé.
Localisation de l'Audonnière au bord du chemin de Rochetrejoux à Mouchamps (en rouge), sur le cadastre ancien de Mouchamps (1838, A.D. 85, détail du tableau d'assemblage de la Section R du Fief-Goyau)
Les Archives de la Vendée ont numérisé le minutier ancien de Mouchamps et analysé une grande partie des actes qu’il renferme, ce qui en facilite grandement la consultation. Disons d’emblée que je n’y ai vu aucun indice sur d’éventuels décès au Parc-Soubise en 1794. En revanche, deux actes de notoriété ont retenu mon attention.
Dans le premier, daté du 16 brumaire an V (6 novembre 1796), Jacques Pauleau et André Jonet, qui demeuraient à l’Audonnière, commune de Mouchamps, y déclarent que « pendant la Guerre de la Vendée, il y a environ deux ans, ils ont trouvé mort dans une des pièces de terre de laditte métairie de l’Audonnière, le nommé Jean Sourisseau, vivant maréchal au bourg de Mouchamps, qu’ils reconnurent parfaitement, parce qu’ils l’avoient connu pendant qu’il vivoit, et qu’après l’avoir reconnu ils l’enterrèrent dans la même pièce de terre » (1).
Dans le second, daté du 28 floréal an VIII (18 mai 1800), trois hommes de Rochetrejoux et un quatrième de Saint-Prouant attestent que « Renée Normand, de son vivant épouse de Jacques Penaud (…) a été tuée pendant la Guerre de la Vendée », qu’ils « l’ont vu morte “en l’an trois” (ajouté en marge) au village de la Poirenière (la Poirinière) sur laditte commune de Rochetrejoux », et qu’ils l’ont « enterrée dans l’endroit où ils la trouvèrent morte » (2).
Localisation de l'Audonnière et de la Poirinière sur le chemin de la colonne de Lachenay (en rouge) entre Rochetrejoux et Mouchamps
Pour qui n’est pas familier des métairies du pays, il convient de replacer l'Audonnière et la Poirinière sur une carte (ci-dessus). On observe alors qu’elles se situent à proximité du chemin de Rochetrejoux à Mouchamps, celui-là même que les soldats de Lachenay empruntèrent, et débordèrent. Je ne connais guère d’autres troupes républicaines qui soient passées par ici en 1794 ou au début de 1795. Il paraît donc plausible que Jean Sourisseau et Renée Normand, femme Penaud, ont été tués par les soldats de Lachenay le 31 janvier 1794.
Certes cela n’ouvre pas vraiment de piste pour retrouver la trace des malheureux qui, faits prisonniers en chemin par la colonne de Lachenay, furent fusillés au Parc-Soubise. À moins de reconstituer, grâce aux registres paroissiaux et d’état civil, la population des métairies et villages sur les 6 km entre Rochetrejoux et Mouchamps, avant et après la guerre.
Mais au fait, où ont été enterrées les deux cents victimes du massacre du Parc-Soubise ? J’imagine qu’elles le furent sur place, dans une fosse commune, une fois que le danger se fut éloigné. Pourquoi ne les a-t-on pas recherchées ? Certaines devaient bien posséder quelque petit objet métallique, croix, chapelet, boucle de ceinture, etc., qui puisse être repéré au détecteur de métaux. Et quand bien même ces victimes auraient été dépouillées de tout ce qui les vêtait, elles portaient dans leur chair les deux cents balles (a minima) qui les ont tuées. Est-il irréaliste de déceler une telle concentration de métal à proximité du château ou dans un champ voisin ?
Notes :
- A.D. 85, 3 E 21 10-1, vues 22-23. Jean Sourisseau s’était marié au Boupère le 23 novembre 1772 avec Marie-Jeanne Gaborit. Sa femme et ses enfants ont survécu à la Révolution.
- A.D. 85, 3 E 21 10-2, vues 467-468. On relève sous cette cote d’autres décès pendant les Guerres de Vendée, comme celui de Louis Drapeau, époux de Marie Blanchard, qui a été vu « prêt à expirer et presque mort à la suitte d’un combat qu’il y eut entre les troupes de la République et les Vendéens, aux environs de la rivière de la Loire dans le mois de frimaire an deux » (vues 432-433) ; ou encore celui du bordier Pierre Roy, époux de Jeanne Brosset, « tué pendant les troubles de la Vendée » et vu mort sur la grande route entre le pont de Gravereau et le bourg de Saint-Vincent-Sterlanges, « il y a six ans passés du mois de germinal dernier (an VII) », soit en mars 1793 (vues 434-435).